Les étrangers à Shanghai (1849-1946)
Ville-refuge et pôle économique majeur dès le XIXe siècle, Shanghai est, par essence, la ville la plus cosmopolite de Chine. La concession française se nourrit de ce flux continu de populations extérieures et l'on y recense, dans la première moitié du XXe siècle, plus de quarante nationalités.
L'accroissement démographique de la ville, et plus précisément, de la concession française, est une résultante des événements locaux et internationaux. Les révoltes populaires de la fin de l'Empire des Qing (rébellion Taiping, 1850-1864), puis les troubles inhérents aux conflits entre Seigneurs de la guerre (vers 1913-1927), poussent les habitants des provinces voisines à trouver refuge à Shanghai. L'occupation japonaise de la ville (1937-1945) suscite un nouvel afflux de réfugiés dans l'espace protégé de la concession française. La municipalité française offre également l'asile politique à ceux qui, ayant pris parti pour un seigneur de la guerre, doivent échapper aux représailles de son compétiteur, puis à des communistes recherchés par le Guomindang, enfin à des Nationalistes restés fidèles à Chiang Kai-shek après l'installation à Nankin d'un pouvoir pratiquant la collaboration avec les Japonais. La concession accueille aussi après 1919 des révolutionnaires coréens. Comme le rappelle le ministre de France à Pékin dans une dépêche au consulat en mars 1925 : l'asile politique suit la tradition française de respect des droits de l'homme, et " pour tous les " Révolutionnaires " à quelque nationalité qu'ils appartiennent, le séjour sur la concession française doit leur être librement accordé, sous la réserve habituelle qu'ils ne profiteront pas de l'hospitalité dont ils bénéficient pour se livrer à une activité politique quelconque " . Donc un asile, placé sous la surveillance de la police française.
Dans le même temps, les bouleversements de l'histoire la révolution bolchevique en 1917, l'accession d'Hitler au pouvoir en 1933, l'Anschluss en 1938 puis l'invasion de la Pologne et la guerre mondiale européenne, suscitent de nouvelles vagues d'immigration : Russes blancs, Juifs fuyant les pogroms puis l'Europe en proie au nazisme, affluent vers Shanghai, ville qui n'impose encore aucun visa d'entrée. Mais il existe une autre raison de s'installer dans la concession française : célèbre pour ses espaces verts, sa tranquillité et son art de vivre, elle séduit les riches notables chinois. Enfin, des hommes politiques chinois y ont trouvé refuge, et non des moindres : Sun Yat-sen premier président de la République en 1911, évincé en 1912 et leader du Guomindang a installé dans sa maison de la rue Molière un " véritable ministère ", à partir duquel il peut continuer ses activités.
En 1930, alors que l'ensemble de la ville compte 3 millions d'habitants, la concession française recense, quant à elle, 434 707 habitants dont 421 885 Chinois, et 12.922 étrangers dont 1208 Français.