Paris - Shanghai : les échanges commerciaux (SHANGHAI, 1849-1946)
Le développement de Shanghai reflète le dynamisme commercial de la ville. Les progrès de la technique, les soubresauts de l'histoire et l'esprit d'entreprise des Chinois font le reste : en forçant le protectionnisme de la Chine, ils l'entraînent vers la modernité et une intégration à l'économie mondiale. Les progrès, source de la croissance de Shanghai, sont essentiellement liés à la rapidité des transports avec l'ouverture du canal de Suez en 1869 - l'Europe est alors à environ six semaines de la Chine - et au développement du télégraphe - la première ligne a été installée par les anglais en 1865 - outil au service de la diffusion rapide des informations. Les capitaux peuvent circuler plus aisément : quelques heures suffisent, quand il fallait des jours ou des semaines, pour que les commerçants passent leurs commandes de marchandises, connaissent le cours des matières premières, ou apprennent l'arrivée de produits manufacturés.
Les premiers arrivés dans la concession sont les négociants - dès 1849 - puis les armateurs - première ligne des Messageries en 1864 - suivis par les banquiers à partir de 1860. Le commerce se développe dans plusieurs directions : exportations de matières premières avec le thé, la soie, les tissus ; importations de produits ou denrées manufacturées avec les parfums ou le cognac ; circuits financiers avec les grandes banques ; services avec les Messageries maritimes , industries avec les usines (textiles, électricité… ).
Les soyeux
Dès les années 1830, le marché français de la sériciculture périclite, les soyeux lyonnais, ont besoin de prospecter de nouveaux marchés pour répondre à la demande de la noblesse et de la bourgeoisie. Juste après la succursale du Comptoir d'Escompte, le négoce de la soie représente 55% du chiffre d'affaires des sociétés installées en Chine. Les difficultés sont cependant nombreuses, en raison de l'irrégularité des récoltes, du manque de main d'œuvre performante, et de l'interdiction faite aux négociants par les autorités chinoises de recourir aux interprètes pour négocier avec les courtiers chinois. Les missionnaires installés dans les régions séricicoles sont alors les seuls à pouvoir débloquer la situation et bénéficient, en échange des services rendus, de cartes de sûreté délivrées par le consul et rédigées en chinois leur permettant de circuler sans entraves. Cependant, les troubles nés de la révolte des Taiping, la concurrence anglo-saxonne et allemande, les relations de plus en plus tendues entre le pouvoir consulaire et les négociants, la crainte d'une pénurie de matière première, ont conduit le gouvernement de Napoléon III à la fin du XIX e à se tourner vers le Tonkin, de préférence à la Chine.
Les banquiers
La première implantation bancaire date de 1860, avec le Comptoir d'escompte qui développe une stratégie asiatique, auquel succède la Banque russo-chinoise. La Banque de l'Indochine créée en 1875 ouvre une succursale à Shanghai en 1898, et devient rapidement la grande banque française en Chine, rejointe par le Crédit lyonnais et la Société générale. Si les commerçants français travaillent parfois avec les banques anglaises, négociants et banquiers sont toutefois des alliés objectifs. Les banques ont comme clients les petites banques chinoises par qui transite le commerce de l'intérieur : cocons de soie, thé, tissus, porcelaines… Le dialogue passe nécessairement par les intermédiaires chinois, les compradores. La Banque de l'Indochine tire sa force, dont l'immeuble sur le Bund est l'expression, de son savoir-faire lié à l'expérience (ses responsables, motivés et offensifs, restent longtemps en poste en Asie). Les français expatriés à Shanghai connaissent une période de grande prospérité et surmontent relativement bien les troubles et diverses guerres civiles, du moins jusque dans les années 1930. La montée du nationalisme et du communisme, les nombreuses grèves et émeutes, la répression qui s'ensuit, et enfin l'occupation par l'armée japonaise sonnent le glas de cette période d'expansion.