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Guan Yin

© Chine Informations - La Rédaction

(miniature) Guanyin GuanyinGuanyin 觀音 est une déesse Bodhisattva associée à la compassion et vénérée par tous les bouddhistes d'Asie.

Guanyin joue en grande partie le même rôle que la Sainte Mère (Bixia yuanjun / Shengmu), sauf peut être en ce qui concerne les accouchements ; pour le reste, on lui fait apporter des enfants, les guérir, etc. La principale différence est que le culte est bouddhique et les temples desservis par des bonzes et non des daoshi. Ce n'est pas, il faut l'ajouter, le seul personnage bouddhique à qui on s'adresse spécialement pour demander des enfants : à Canton, c'est la Mère des Démons, Guizimu, c'est à dire Hâritî, qui tient sa place ; et sa statue, entourée de statuettes d'enfants, qui se trouve dans la série des vingt quatre Deva, est toujours couverte d'ex voto de toutes sortes, souliers de papier, etc., qu'apportent les femmes qui vont la prier. Mais c'est là un fait local, et, dans presque toute la Chine, l' « Apporte Enfants » bouddhique est Guanyin.

Le nom de Guanyin ou Guanshiyin est une mauvaise traduction chinoise de celui du Bodhisattva Avalokiteçvara : il a été produit par une confusion entre les mots sanscrits îçvara, seigneur, et svara, son, bruit. Avalokiteçvara est un des deux assistants du Bouddha Amitâbha, le souverain de la Terre Pure de l'Ouest ; l'autre, Mahâsthâmaprâpta (Dashizhi), ne joue aucun rôle dans la religion populaire. Il a fait voeu de ne pas devenir un Bouddha avant d'avoir sauvé tous les êtres vivants :

« Si, en travaillant au salut de tous les êtres, j'éprouve un seul instant de découragement, que ma tête éclate en dix morceaux ! »

Il est le Très Miséricordieux et le Très Bienveillant, Dabei daci. On le figure avec mille yeux et mille bras pour sauver les damnés, une tête de cheval pour sauver les animaux, onze têtes chez les Asuras, portant un sceptre chez les dieux, etc. : ce sont les Six Avalokiteçvara, dont chacun s'occupe spécialement des êtres vivants engagés dans chacune des six voies de la naissance et de la mort ; mais ce ne sont pas six personnages distincts, ce sont six formes qu'il prend à la fois usant de ses pouvoirs surnaturels dans sa grande compassion pour tous les êtres. Il prend bien d'autres formes encore : l'iconographie chinoise a des listes des Sept Guanyin, des Trente Trois Guanyin, etc.

Ce n'est pourtant aucune de ces formes bouddhiques normales qui est devenue populaire en Chine : c'est une forme féminine qu'on appelle Guanym apportant des enfants, Songzi Guanyin, ou plus couramment la Dame qui apporte des enfants, Songzi niangniang. On a discuté à perte de vue sur l'origine de ce qu'on appelle le changement de sexe d'Avalokiteçvara, homme dans la littérature bouddhique de l'Inde et femme dans la religion populaire chinoise, et on a cherché parfois à retrouver là l'influence d'une grande déesse indigène antérieure au Bouddhisme, qui aurait ainsi survécu en s'affublant d'un nom bouddhique. Les images populaires qui figurent Guanyin donneuse d'Enfants me paraissent apporter la solution d'un problème qui, à vrai dire, n'existe guère que pour un Européen habitué aux formes précises et aux personnages bien délimités des mythologies littéraires classiques : elles portent fréquemment le titre de « Bodhisattva aux vêtements blancs, Guanyin qui apporte des enfants ». Or, l'expression « Bodhisattva aux vêtements blancs », Baiyi dashi, n'est pas un terme quelconque dû au caprice du dessinateur : c'est le nom d'une forme déterminée de Guanyin, forme féminine d'origine tantrique ; en fait, c'est le nom chinois de l'aspect doux de Târâ que les Tibétains appellent ordinairement la Târâ Blanche, mais dont les Chinois ont traduit exactement le nom sanscrit de Pândaravâsinî (vêtue de blanc) : on la représente vêtue d'une robe blanche, tenant une fleur de lotus blanc, pour symboliser la pureté du coeur qui, ayant émis le voeu de devenir Bouddha, reste fermement attaché à son voeu.
On sait que, dans les livres tantriques, les Bouddhas et Bodhisattvas apparaissent sous des formes multiples, douces et terribles, masculines et féminines, à valeur symbolique : les formes douces sont celles qui se montrent aux hommes pour les instruire et leur prêcher la Loi ; elles symbolisent la Parole, c'est à dire les formules magiques qui constituent la partie fondamentale des livres tantriques : les formes terribles sont celles qui repoussent et détruisent les démons, elles symbolisent la Pensée. D'autre part, les formes masculines figurent le personnage dans son activité secourable pour tous les êtres, les formes féminines sa méditation extatique (samâdhi). Avalokiteçvara, forme masculine douce, a comme contrepartie féroce Avalokiteçvara à la Tête de Cheval, Matou Guanyin (Hayagrîva), et il a pour forme féminine Târâ, dont l'aspect doux est Guanyin Vêtue de Blanc (Pândaravâsinî), et l'aspect terrible la Târâ Verte des Tibétains que les Chinois appellent simplement Târâ, qui s'accouple à Hayagrîva.

Guanyin Vêtue de Blanc fut introduite en Chine vers le milieu du VIIIe siècle avec la traduction du Darijing ; mais ce n'est vraisemblablement pas là que peintres et gens du monde allèrent la chercher. Elle est liée indissolublement aux apparitions et aux miracles de l'île de Putuo , dans les Zhushan (Zhejiang), et particulièrement ceux de la Grotte du Bruit des Flots, Chaoyin dong, et, bien que les textes parlent surtout d'une époque plus récente, je croirais volontiers que le développement rapide du monastère de l'île, fondé au début du Xe siècle, a contribué à répandre ce type particulier de Guanyin. C'est à partir de ce moment, en effet, qu'on commence à le rencontrer chez les peintres religieux. Même sans tenir compte des tableaux de Guanyin Vêtue de Blanc qu'on trouve mentionnés parmi les oeuvres de Xin Cheng et de son contemporain Du Zihuai, ainsi que parmi celles de Cao Zhongyuan et de Wang Qihan, des peintres de l'époque des Cinq Dynasties, au Xe siècle, et qui ne sont plus connus que par des catalogues suspects, vers la fin du XIe siècle, un des plus grands peintres de la dynastie des Song, Li Gonglin, ou, comme on l'appelle ordinairement de son surnom, Li Longmian, en avait fait un petit dessin charmant à l'encre de Chine, que, par un heureux hasard, un admirateur fit reproduire sur pierre en 1132, peu après la mort de l'auteur, comme oeuvre pie en tête de la copie d'un livre saint. Et les tableaux plus récents sont très nombreux.

Cette Guanyin Vêtue de Blanc, que l'art avait déjà fait sortir ales cadres du Tantrisme, la religion populaire l'a arrachée au bouddhisme lui-même pour en faire la Guanyin qui Apporte des Enfants, dont les images sont si répandues. A cette formation qui ne doit pas être très ancienne, tous les grands courants de la religion chinoise ont contribué : le Taoïsme y a pris part assez largement, et l'influence du personnage de la Princesse des Nuages Bigarrés, déjà nettement constitué depuis l'époque mongole, s'est certainement fait sentir très fortement. Dans cette Guanyin populaire, à qui on s'adresse pour demander des enfants, il ne reste plus grand chose de la Târâ Pândaravâsinî, qui en est le prototype, et le changement de rôle est si considérable que, sans la survivance du vieux titre que de nombreuses images ont conservé comme une sorte de témoin et qui établit nettement la filiation, on pourrait hésiter à les rattacher l'une à l'autre. Il semble que l'incompréhension de la terminologie tantrique soit à l'origine de cette transformation : Pândaravâsinî, c'est à dire Guanyin Vêtue de Blanc, appartenait au Monde « Trésor de la Matrice », Taizangjie (Garbhakoçadhâtu), et il a suffi de prendre à la lettre l'expression symbolique pour aboutir à faire de cette Guanyin à forme féminine une déesse donnant des enfants et protégeant les femmes. Mais ce fut là un développement appartenant exclusivement à la religion populaire moderne ; aussi la Guanyin Donneuse d'Enfants créée par la religion populaire n'a t elle jamais réellement pénétré dans le Bouddhisme : celui-ci aurait pu aisément la justifier, puisque les Bodhisattvas peuvent prendre toute sorte d'apparences, et que, d'autre part, un passage souvent rappelé du Saddharmapundarika parlait d'Avalokiteçvara comme pouvant accorder des enfants à qui le prie. Mais, bien que pratiquement les bonzes l'aient acceptée et en donnent une explication régulière, on en voit rarement la statue dans leurs temples ; et, si on en trouve parfois, c'est en quelque sorte à titre d'hôte étranger, comme on y rencontre aussi Guandi ou Wang le Fonctionnaire Transcendant. C'est hors des temples bouddhiques qu'il faut aller en chercher la représentation, dans ces innombrables images grossièrement coloriées qu'on colle sur les murs ou qu'on brûle en l'invoquant.

A ce personnage vraiment nouveau, il fallait une légende particulière : l'origine tantrique de Târâ, née du rayon de lumière émis par Avalokiteçvara, ne pouvait devenir populaire, et, d'autre part, tout ce que disaient les livres saints se rapportait à Avalokiteçvara homme. On trouva les éléments d'une légende se rapportant à une forme féminine du Bodhisattva dans un des recueils de révélations d'un moine illuminé du milieu du VIIe siècle, Daoxuan. Daoxuan, un ami du pèlerin Xuanzang, avait été un des religieux les plus savants et les plus éminents de son temps ; mais sur ses vieux jours il devint fou et se crut entouré de dieux qui venaient à chaque instant lui rendre visite et tenir des conversations avec lui, lui faisant sur toutes sortes de sujets religieux des révélations qu'il inscrivait en hâte d'une main tremblante et souvent illisible ; un de ses disciples a recueilli et publié celles qui se laissèrent déchiffrer, et ce qui en subsiste est assez curieux. C'est Daoxuan qui est responsable de l'introduction dans tous les temples de Chine de Weituo comme gardien : ce nom est dû à une faute de transcription d'un mot sanscrit. Il semble bien aussi être responsable de l'histoire de Guanyin, troisième fille d'un roi des temps passés sous le nom de Miaoshan. La légende oubliée dans le fatras de ces révélations pendant des siècles reparut à l'époque mongole, quand les Taoïstes s'en emparèrent et l'adaptèrent à leurs idées. Il y avait longtemps qu'ils revendiquaient Guanyin comme leur appartenant : un écrivain bouddhiste du milieu du VIe siècle parla d'un daoshi qui avait fait une statue de Laozi entre deux Bodhisattvas, Guanyin et Jingangzang ; et un des ouvrages taoïques dont M. Pelliot a découvert des fragments manuscrits à Dunhuang mentionnait, dans une énumération des Grands-Immortels, le Grand Immortel de Budanluojia (Potalaka), qui est clairement Guanyin, à côté du Grand Immortel Indra, et du Grand Immortel Huolituo, qui est un parèdre masculin de Hâritî, la Mère des Démons.

Le livre le plus répandu aujourd'hui est une sorte de roman édifiant assez récent, intitulé Vie complète de Guanyin de la Mer du Sud (Nanhai Guanyin quanzhuan) : sous sa forme actuelle, il n'est proprement ni bouddhiste, ni taoïste, mais appartient nettement à la religion populaire. Il y avait autrefois, dans le pays de Xinglin situé entre l'Inde et le Siam, un roi nommé Miaozhuang, qui, ayant atteint la cinquantaine sans avoir d'enfants, fit au Dieu du Pic de l'Ouest (Huashan) de grands sacrifices qui durèrent huit jours et à la suite desquels la reine eut successivement trois filles qui furent appelées Miaocheng, Miaoyin et Miaoshan. Quand elles furent grandes, le roi décida de les marier et de se choisir ensuite un successeur parmi ses gendres. L'aînée épousa un lettré, la seconde un général ; mais la troisième, Miaoshan, refusa de se marier, et demanda à entrer au couvent et à mener la vie religieuse. Le roi commença par refuser et l'enfermer, puis finit par l'autoriser à aller au Monastère du Passereau Blanc, mais, pour la dégoûter de la vie monastique, ordonna qu'elle serait chargée de faire la cuisine et la lessive pour tout le couvent, qui comptait cinq cents religieuses.
La Mère de la Grande Ourse, Doumu, prise de pitié, ordonna au dragon de lui creuser un puits et de lui fournir de l'eau, au tigre de lui apporter du bois pour son feu, et aux oiseaux de lui cueillir des légumes, au Dieu du Foyer de cuire les aliments, au Dieu du Qielan de balayer la cuisine, si bien que son travail se trouva fait de lui-même. Quand le roi apprit le prodige, il ordonna de brûler le monastère avec toutes les religieuses : le feu y fut mis, mais Miaoshan l'éteignit par un nouveau miracle, et son père, furieux, commanda de l'amener à la Cour pour être décapitée. Pendant qu'on faisait les préparatifs du supplice, la reine, désireuse de sauver sa fille, bâtit auprès du chemin un pavillon merveilleux pour la tenter, mais elle refusa d'y entrer et fut conduite au lieu d'exécution, où, le sabre du bourreau s'étant par un miracle rompu en touchant son cou, elle fut étranglée.
Alors l'Auguste de Jade ordonna au Dieu du Lieu de prendre la forme d'un tigre et d'emporter son corps sur son dos dans une forêt de pins. Son âme se dirigea vers le monde infernal, dont les rois vinrent respectueusement à sa rencontre. Dès qu'elle fut entrée, elle se mit à réciter les livres saints, et aussitôt toute peine et toute souffrance cessèrent, si bien que le roi Yama, se trouvant incapable désormais de remplir les devoirs de sa charge en châtiant les méchants, se décida à la renvoyer : on la reconduisit jusqu'à la forêt de pins, où elle retrouva son corps.

Après quelques nouvelles épreuves, le Bouddha lui apparut, lui fit manger une Pêche d'Immortalité, puis la conduisit à l'île de Putuo (Potalaka), sur la côte du Zhejiang. Là, après neuf ans de méditation, elle reçut la visite de Dizang, qui l'intronisa Bodhisattva en la faisant monter sur un trône de lotus en présence des Rois Dragons, des dieux des Cinq Pics, des dix Rois des Enfers, des Huit Immortels, des dieux du Tonnerre, etc. Or, pendant ce temps, l'Auguste de Jade avait châtié le roi Miaozhuang en ordonnant au Dieu des Épidémies de lui envoyer un ulcère incurable. Les médecins déclarèrent que le seul remède devait être fait des mains et des yeux d'une personne vivante : alors Miaoshan s'arracha les yeux et se fit couper les mains et les fit porter à son père, qui guérit et se convertit aussitôt, tandis que Miaoshan recouvrait miraculeusement ses mains et ses yeux. Tout s'étant ainsi heureusement achevé, l'Auguste de Jade récompensa Miaoshan en lui envoyant le Dieu de la Planète Vénus pour lui décerner le titre de Bodhisattva Très Miséricordieux et Très Bienveillant, tandis que ses soeurs, qui s'étaient converties, devenaient les Bodhisattvas Manjuçri et Samantabhadra.

Guanyin Donneuse d'Enfants est figurée ordinairement comme une femme entièrement couverte d'un grand voile blanc qui recouvre même les cheveux ; elle est assise sur une fleur de lotus, tenant un enfant dans ses bras. A sa droite et à sa gauche, sont placés debout ses deux attendants ordinaires, le jeune homme aux capacités excellentes, Shancai tongzi, et la Fille du Roi-Dragon, Longwang nü ; un oiseau lui apporte son chapelet, et une branche de saule est dans un vase auprès d'elle. Souvent on la place sur le rocher de Putuo. Quelquefois aussi le vêtement blanc est recouvert en partie d'une robe brodée, ou même il disparaît complètement pour faire place à une robe de femme chinoise : dans ce cas, c'est simplement le type de la Princesse des Nuages Bigarrés et de ses suivantes qu'on a adopté en lui imposant le nom de Guanyin. On en trouve dans presque toutes les maisons des images grossièrement coloriées ou même des statuettes ; au Fujian on leur donne même la place d'honneur dans le sanctuaire familial, entre le Dieu du Foyer et le Dieu du Lieu. A la fête de sa naissance, le 19 du deuxième mois, et, pour les familles plus dévotes, à ses deux autres fêtes du 19 du sixième et du neuvième mois aussi, les femmes lui présentent quelques plats d'offrande maigre, avec des baguettes d'encens.

En dehors de ces fêtes régulières, elles lui demandent surtout de leur donner des enfants. Mais, comme on n'en trouve pas de statue dans la plupart des temples, c'est n'importe lequel des Avalokiteçvara que les femmes vont prier, quelle que soit la forme (toujours masculine dans les temples chinois en dehors de Guanyin aux Vêtements blancs) sous laquelle il est représenté. Comme pour la Princesse des Nuages Bigarrés, après avoir brûlé de l'encens, elles déposent un petit soulier en ex-voto, ou bien d'autres emportent un des souliers déjà déposés. Certaines ajoutent les voeux d'abstinence de viande soit perpétuellement, soit à certains jours, qui varient suivant les dévotions particulières.

Extrait de "Mythologie de la Chine moderne" par Henri MASPERO

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