Comme pr
omis, je commence aujourd'hui à vous donner un aperçu des articles regroupés dans le recueil
La Philosophie au porc et autres essais de Liu Xiaobo.
Le premier article,
Un épisode biographique, date de 1996. Il a été écrit pour le colloque international
Le Goulag soviétique et le laogai chinois. Liu Xiaobo y raconte comment sa vie a basculé, en 19 minutes, de la liberté à l'envoi en
« rééducation par le travail » (laojiao) pour
« fabrication de rumeurs » et
« trouble de l'ordre social » à la suite de la publication, à l'étranger, de deux articles, dont l'un demandait la réconciliation entre le PCC et le Guomindang.
L'article nous montre que les tracasseries policières sont constantes pour les dissidents, emmenés au poste pour un oui pour un non, en vue d'une
« conversation » (y compris en pleine nuit après un dîner au restaurant, comme en témoigne Ph. Béja dans l'introduction) ! De curieuses relations se tissent ainsi entre les agents de la sécurité et ceux dont ils assurent le contrôle permanent : Liu Xiaobo, parlant à sa femme de Ju Xiaofei, le policier qui vient l'arrêter, l'appelle ainsi
« xiao Ju », « petit Ju », comme s'il s'agissait d'un vieil ami !
Mais il ne faut pas s'y tromper, le policier en question a été puni pour avoir révélé à Liu Xia, la femme de Liu Xiaobo, la nature et la durée de la peine (3 ans !) qui venait d'être infligée à son mari : elle avait cru, naïvement, que cette révélation était l'annonce officielle d'un verdict et avait répercuté l'information aux médias ; ce n'était qu'un témoignage d'humanité du policier, éventant le secret qu'il devait à l'institution. N'ayant pas été autorisé à épouser Liu Xia, avec laquelle il vivait alors depuis près de deux ans, parce qu'il n'avait pas de
hukou (sorte de passeport dépendant de l'unité de travail à laquelle chacun est assigné), Liu Xiaobo n'aura pas droit non plus de recevoir les visites de sa compagne jusqu'à ce que son avocat obtienne pour elle le droit d'aller l'épouser dans son camp de travail, en 98, au bout de deux ans de détention.
« C'est cela, le système de rééducation par le travail aux couleurs de la Chine, écrit Liu Xiaobo :
une punition aussi sévère que la privation de liberté d'un citoyen, sans arrestation officielle, sans instruction, sans accusation et sans procès est décidée en quelques dizaines de minutes, un coût minime pour piétiner les droits de l'homme ».
Liu Xiaobo demande évidemment l'abolition de cette
« loi barbare » datant de 1957 et manifestement contraire à la constitution chinoise actuelle dont l'article 37 stipule que
« la liberté des citoyens ne sautait être violée » sans une
« autorisation du parquet ». Bien que son abolition ait été demandée par maints juristes et même par des députés, elle a été maintenue
« pour les besoins de la répression de la Falungong ». En 2006, année de la rédaction de l'article, le système du
laojiao, « adoré par le pouvoir despotique et les organes de la dictature », restait en vigueur et l'est sans doute toujours :
la disparition d'Ai Weiwei a sans doute quelque chose à voir avec cette loi anticonstitutionnelle mais tellement pratique....