Milefo ou Maitreya
Maitreya, ("affection", "compassion" en sanscrit), en chinois Milefo (彌勒佛), en japonais Miroku, en vietnamien Di-lặc Bồ Tát, est un bodhisattva mentionné entre autres dans la Prophétie de Maitreya (Maitreyavyakarana), qui apparaîtra dans l'avenir et atteindra l'illumination pour devenir le prochain bouddha, le précédent étant Siddhartha Gautama-Shakyamuni. Il règnera sur le monde, unissant toutes les créatures dans l'étude du dharma. La croyance en l'avènement de Maitreya est partagée par les courants hinayana et mahayana du bouddhisme. Il est parfois appelé "bouddha du futur".
Le bouddhisme considère que quantité d'êtres sont éveillés ou ont atteint et atteindront l'éveil depuis le Bouddha Shakyamuni, mais que seuls quelques-uns font tourner la Roue de la Loi, le dharma (enseignement). Pour beaucoup d'écoles bouddhistes, depuis la mort de Siddharta Gautama, le monde est entré dans l'"ère sans bouddha" caractérisée par un désordre croissant et une perte progressive de la Loi. Lorsqu'elle sera totalement perdue, Maitreya apparaîtra. Une caractéristique du bouddhisme est de prévoir sa propre extinction en tant qu'enseignement, comme toute chose : « tout ce qui naît finit par mourir ».
Dans certains textes comme le Soutra du lotus, le Bouddha Gautama appelle Maitreya Ajita, "invincible". On considère donc parfois que Maitreya est son nom de famille et Ajita son prénom. Il peut être aussi confondu avec un autre Ajita mentionné dans le Soutra du Parinirvana, grand criminel repenti accepté comme disciple par le bouddha.
Le fondateur de l'école Yogaçara-Cittamatra, nommé Maitreya-natha (270-350), lui est assimilé. Le bodhisattva est parfois représenté avec à ses côtés les deux plus célèbres penseurs de l'école, Asanga et son demi-frère Vasubandhu. Il existe dans le bouddhisme tibétain des illustrations montrant le bouddha avec à sa gauche Manjushri et les philosophes représentant la sagesse détachée, et à sa droite Maitreya, suivi d'Asanga et Vasubandhu devant leurs successeurs représentant la sagesse compatissante.
Un rapprochement a été fait entre le nom de Maitreya et celui de Mithra, assez difficile à éclaircir néanmoins du fait de la diversité des rôles assignés à ce dieu par les différents courants religieux indo-iraniens et persans.
Le paradis Tusita
Maitreya réside dans un paradis nommé Tusita, où vivent les futurs bodhisattvas, divisé en un espace interne consacré exclusivement à l'enseignement du dharma, et un espace externe différant des "terres pures" ou "terres de bouddha" des déités postérieures du mahayana comme Amitabha en ce que les désirs y existent encore, bien que très assagis. Ainsi, la procréation s'y poursuit par contact des mains, les enfants surgissent sans grossesse sur les genoux des parents et grandissent immédiatement.
L'avènement de Maitreya
La prophétie de Maitreya décrit la venue du futur bouddha. Il naîtra dans une famille brahmane, alors que Siddhartha Gautama était de la caste militaire et fonctionnaire kshatrya. L'avènement de Maitreya ne devrait survenir que très longtemps après la mort de Shakyamuni. Ayant eu tout le temps nécessaire de se préparer, le bodhisattva atteindra l'illumination en une année. Pour accélérer sa venue, il est conseillé de redoubler de piété et de multiplier les offrandes aux moines et les visites aux temples. Comme dans toutes les prophéties millénaristes, des catastrophes et désastres pourraient précéder l'évènement, qui se fera dans un monde livré à l'ignorance, lorsque le dharma aura cessé de se transmettre. Selon les nouveaux courants religieux syncrétistes chinois, nous vivons dans l'"Ère du Yang rouge, marquée par Shakyamuni ; celle de Maitreya sera l'"Ère du Yang blanc", couleur symbolisant l'apaisement des passions et la pureté.
Milefo
Maitreya était connu en Chine dès le IIIe siècle. Il y trouva une identité historique, phénomène courant dans le contexte religieux chinois, qui contribua à lui donner un aspect physique et un rôle autres que ceux que le bouddhisme lui avait jusque-là prêtés.
Le moine corpulent et souriant est devenu la représentation de Maitreya la plus courante et la plus populaire en Chine. Son ventre plein et son sourire sont gages de bonheur et de prospérité, de même que son sac que l'on prétend inépuisable. Ces caractéristiques n'ont pas fait une impression favorable sur les voyageurs français du XIXe siècle, et Milefo est à l'origine du terme péjoratif “poussah” (de pusa, bodhisattva) désignant un homme gros au physique peu avenant. Le moine Qici est devenu au Japon Hotei (de Budai 布袋 "sac de toile"), un des Sept dieux du bonheur. Pour les Chinois qui ne s'intéressent pas à la théologie bouddhiste, Milefo est l'un des Dieux de la fortune.
Représentations
Maitreya est généralement représenté en saint homme ou en prince. Lorsqu'il est assis, ses deux pieds reposent sur le sol, ce qui peut s'interpréter de deux façons : il n'est pas encore "assis" comme bouddha, ou au contraire il se prépare à descendre sur terre. Il peut d'ailleurs avoir la tête légèrement baissée, signifiant qu'il regarde le monde. Il porte quelquefois un petit stupa dans sa coiffure. On voit souvent dans sa main droite une roue posée sur un lotus, et dans la gauche une fiole contenant le nectar du dharma.
Etant le prochain qui mettra en marche la roue de la Loi, il en fait parfois le geste (dharmacakra mudra).
Milefo est un moine chauve au ventre rebondi et à la figure réjouie, souvent appelé le Bouddha riant. Comme tous les êtres d'exception, les lobes de ses oreilles sont très longs. Outre son sac, il peut porter une gourde, symbole taoïste de longévité.
Prétendants et nouvelles interprétations
Le contexte indien auquel la prophétie de Maitreya fait très naturellement référence, n'a pas empêché de nombreuses personnes de se prétendre son incarnation, et ce dès les premiers siècles. Bodawpaya, souverain du royaume d' Ava (Myanmar) à la fin du XVIIIe siècle, et Lu Zhongyi, 17e maitre d'Ikuan Tao, en sont deux exemples.
Maitreya a aussi été adopté par de nouveaux courants religieux bouddhistes ou syncrétistes, certains nés hors d'Asie. Il existe des mouvements bouddhistes pour qui la personnalité centrale est Maitreya le sauveur ; ils considèrent qu'il atteignit l'illumination avant le boudha Gautama, mais le prit pour maître par respect et renonça temporairement au nirvāna.
Maitreya est une des formes de la divinité suprême des nouvelles religions chinoises syncrétistes nées du mouvement Xiantiandao.
Share International (branche française : Partage international), fondé dans les années 70 par Benjamin Creme, influencé par les écrits d'Helena Blavatsky et d' Alice Ann Bailey, une pionnière du New Age, prétend que Maitreya est le messie attendu par toutes les religions sous des noms différents, et qu'il aurait déjà fait de nombreuses apparitions publiques et privées.
Des mentions de Maitreya comme un des candidats possibles pour le rôle de l'Antéchrist peuvent être trouvées ici et là sur des sites chrétiens fondamentalistes.