Ksitigarbha, bodhisattva
Ksitigarbha est un bodhisattva faisant l'objet d'un culte en Chine (sous le nom de Dizang ou Dizangwangpusa (地藏王菩薩), et au Japon sous le nom de Jizo ou Jizosama. Son nom japonais est une transcription du nom chinois, lui-même une tentative de traduction de son nom sanscrit : "magasin [ plein de trésors] en terre". La transcription phonétique, qishadibosha (乞叉底蘗沙), moins parlante, a été abandonnée.
Son culte s'est développé en Chine où il est l'un des quatre grands bodhisattvas. Comme ceux d'Amituofo et de Guan Yin, il est centré autour de la fonction de délivrance spirituelle qu'on lui prête. Néanmoins, alors que les deux précédents s'intéressent aux six catégories de créatures sans distinction, la spécialité de Dizangwang est le secours des âmes de l'enfer. Au Japon on peut trouver sa statue dans les cimetières. Comme toutes les interprétations chinoises du bouddhisme, il appartient à l'ensemble mahayaniste.
Son culte en Chine est également lié à un moine de l'époque des Tang considéré comme son incarnation, fondateur du temple du mont Jiuhua où sa momie était conservée. Jiuhua est l'un des quatre grands monts bouddhistes associés chacun à l'un des quatre grands bodhisattvas.
Le voeu de Ksitigarbha
Comme Amitabha et Avalokiteshvara, Dizangwang a prononcé un vœu, celui de délivrer les âmes de l'enfer. Cette tradition est rapportée dans le Sutra du voeu de Dizangwang (地藏菩薩本愿經). La venue de Ksitigarbha est y annoncée par le Bouddha Shakyamuni dans le paradis Trayastrimsa comme marque de gratitude envers sa mère Maya. Le bouddha explique que Ksitigarbha fut autrefois une jeune brahmane dont la mère avait souvent fait preuve d'impiété ; elle avait alors résolu de la sauver à force d'offrandes et de prières ; elle avait à cette occasion aperçu l'enfer et fait le voeu de devenir bouddha (ou bodhisattva) pour délivrer tous ses habitants.
Deux Jizos japonais d'aspect enfantin portant les bavoirs rouges offerts par les mères en deuil.Selon le sutra, le bouddha a confié à Ksitigarbha la tâche de veiller après lui sur le "monde sans bouddha" en attendant l'arrivée du boudha de l'avenir, Maitreya. Ce texte avait des résonnances familières pour les Chinois : millénarisme annonçant la perte de la transmission du dharma jusqu'à l'arrivée du bouddha futur ; importance de la piété filiale.
Au Japon, Jizo est spécialement sollicité par les femmes ayant fait une fausse couche ou avorté, et placé aux carrefours car ces lieux attirent particulièrement les fantômes et autres démons.
En dehors de son aide aux âmes en peine, il assure occasionnellement la fonction d'un pourvoyeur de richesses en vertu de la perle qu'il tient en main sur les représentations tantriques et de son nom, qui figure parfois sur des billets de loterie, à Hong Kong par exemple.
Le moine du mont Jiuhua
Le fondateur du temple du mont Jiuhua (九華山) dans la province chinoise de Anhui (安徽), dont la momie naturelle y fut longtemps conservée, est considéré comme une incarnation de Ksitigarbha, raison pour laquelle les représentations chinoises et japonaises de Dizangwang ou Jizo le montrent en costume monastique. En dehors du monde chinois, son identité exacte est moins connue, et on lui attribue parfois celle du célèbre Xuanzang évoqué dans Le Voyage en Occident.
Nommé JIN Qiaojue (金喬覺), la tradition en fait un membre de la famille royale de Silla (royaume occupant une partie de l'actuelle Corée), venu à 24 ans par ses propres moyens poursuivre son étude du dharma en Chine, alors domaine de l'empereur Xuanzong de la dynastie Tang. Il aurait obtenu le soutien du maitre de Jiushan, un certain Min (閔), pour y bâtir un monastère où il serait mort à 99 ans après avoir atteint l'illumination. C'était dans la 16e année de l'ère Kaiyuan, le soir du 30 du septième mois lunaire, date à laquelle a lieu tous les ans un pélerinage. Son corps ne s'étant pas dégradé au bout de 3 ans, il commença à faire l'objet d'un culte l'identifiant à Ksitigarbha. Le temple a joué un rôle non négligeable dans la popularité croissante de Dizangwang en Chine. De nos jours, il est encore possible de voir une momie de moine (plus récente) sur le mont Jiuhua.
Ksitigarbha dans le bouddhisme tibétain
KsitigarbhaSans occuper une place particulièrement proéminente comme en Chine ou au Japon, Ksitigarba a sa place dans le bouddhisme tantrique comme bodhisattva de la lignée de Ratnasambhava (Baoshengrulai 寶生如來 en chinois), celui des cinq bouddhas de sagesse qui est associé au Sud et à la couleur jaune, souvent utilisée pour Ksitigarbha. Il tient dans sa main droite la perle cintanami qui exauce les voeux. Il forme parfois un couple avec Akasagarbha ( en chinois Xukongzang虚空蔵, en japonais. Kokuzo), le "magasin vide". Dans de nombreux mandalas, il apparait à un rang inférieur à celui de déités comme Amitabha, mais certaines représentations le mettent avec Avalokiteshvara au même rang que les bouddhas.
Représentations
Il est en général représenté en habit monastique et porte la couronne ornée des cinq bouddhas de sagesse caractéristique du clergé de haut rang ; celle-ci peut être remplacée par un chapeau de fonctionnaire impérial (en Chine), à moins qu'il ne reste tête nue (au Japon). Il a souvent dans la main droite la perle que lui attribue le bouddhisme tibétain ; en Chine, cette perle peut être remplacée par un miroir, signe de rectitude et de clairvoyance. Dans sa main gauche il tient le xizhang (ch.) ou shakujo (jap.), sorte de chasse-mouche tenu en main par les moines de haut rang, et dont la fonction originelle est de chasser les insectes afin d'éviter de les blesser. Parfois il chevauche un "lion bleu", animal fantastique considéré comme la transformation du grand chien blanc qui, selon la tradition, accompagnait Jin Qiaojue. Au Japon, les Jizo sont rarement en position assise. Ils peuvent avoir un aspect enfantin qui rappelle les nouveau-né qu'on leur demande de protéger. Les mères ayant perdu un bébé leur mettent un bonnet et un bavoir rouge.
Associations
Dans l'interprétation populaire, du fait de son rôle de sauveur des âmes, Dizangwang est parfois associé avec Guan Yin et Amituofo ; deux sutras apocryphes les considèrent d'ailleurs comme deux aspects de la même entité. Il est également associé au gardien des enfers, Yanluowang (Yama en sanscrit).