Le graffiti en Chine
Le graffiti, un phénomène plutôt nouveau pour la plupart des Chinois, est déjà très familier aux adolescents de grandes villes comme Beijing et Shanghai. Un reportage récemment publié par l'agence Xinhua fait savoir que le propriétaire d'un petit magasin situé dans une ruelle du centre-ville de Shanghai a fait construire un mur de deux mètres sur quatre consacré au graffiti et qui attire les regards des passants.
Le gribouillage suscite aussi l'attention des fonctionnaires locaux, qui considèrent le mur de graffiti comme une tache illicite sur la peau de la ville.
Mais ce n'est pas vrai pour les résidants de la ruelle. Bien qu'ils comprennent à peine les expressions abstraites de ces œuvres colorées et grotesques, la plupart d'entre eux sont tout à fait tolérants, et certains en ont même une vision positive.
Selon eux, avant l'apparition des graffiti, le mur était couvert de petites annonces concernant le traitement de certaines maladies contagieuses, publicités souvent enlevées mais bientôt revenues. Pour ces habitants, les graffiti représentent une amélioration.
Cependant, pour les fonctionnaires, le mur représente un défi important, qu'il soit couvert de publicité ou de graffiti. Du fait qu'il n'existe aucun règlement en la matière, les fonctionnaires sont obligés de se référer aux « Méthodes de gestion de l'aspect urbain et de l'hygiène environnementale » pour reblanchir le mur.
Mais dans quel cas peut-on définir le graffiti comme une atteinte à l'image d'une ville ? Selon certains avocats, les Méthodes de gestion sur l'aspect urbain et de l'hygiène environnementale doivent être respectées, et toute utilisation commerciale ou artistique de l'espace public doit être approuvée par le gouvernement. Ainsi le graffiti dans un lieu public ne fait pas l'objet de protection légale.
Finalement, le mur a déclenché une vive discussion sur la nécessité d'établir des règles pour limiter les graffiti et les soumettre au contrôle approprié.
Il faut encourager l'individualité.
Liang Genxiang, vice-président de l'Association des peintres de Shunde, au Guangdong : Phénomène omniprésent dans les pays occidentaux tels que les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et la Russie, le graffiti est un art populaire qui soulage les jeunes de la pression psychologique.
Certain graffiti peuvent être considérés comme une manifestation concrète d'une valeur artistique élevée et de la compétence individuelle, stimulant l'intérêt des admirateurs et des artistes.
En Chine, le graffiti porte une étiquette de vitalité caractérisée par la passion, l'impétuosité, l'agitation et la rébellion.
Que le graffiti puisse être considéré comme art ou pas est une question méritant analyse. À mon avis, l'art a besoin de passion. À Paris, la plupart des artistes et musiciens grandissent sous l'influence de la culture de rue. Ainsi nous ne pouvons pas nier l'existence d'artistes doués en graffiti à Shanghai.
Naturellement, certaines émotions individuelles montrées dans les graffiti expriment des problèmes sociaux, mais d'autres sont l'expression directe des sentiments des artistes. Si le graffiti n'est pas radical et extrême, nous devons être tolérants. Il se peut que nous puissions orienter les amateurs de graffiti vers la voie artistique normale en organisant quelques stages ou par des conférences. Le département de planification urbaine peut aussi désigner un lieu pour que les artistes expriment leur ardeur et leur créativité.
Zhong Qiu, amateur de graffiti de Shunde, au Guangdong : Je suis un dessinateur de mode, mais je suis impliqué dans le graffiti depuis six ans. La nuit, on peint souvent sur les portes des magasins fermés. J'ai déjà créé presque 100 œuvres à travers la ville.
Le graffiti exige également des ébauches. Il m'arrive de prendre plusieurs heures pour peindre une lettre. Chaque artiste de graffiti a son logo symbolique. Par exemple, je ne dessine que le mot « Miss », mais en différentes couleurs et styles.
J'ai commencé par la planche à roulettes, puis j'ai fait du hip-hop, maintenant je fais du graffiti. Il semble que cela m'aide à me trouver moi-même et un style de vie qui me convient.
Wang Xuejing, sociologue à Beijing : Dans leur façon de représenter leur individualité, les adolescents se trouvent eux-mêmes. Je ne pense pas que nous devions nous tracasser à ce sujet. C'est une manière saine d'alléger la pression. Si on l'interdisait, ces jeunes risqueraient de chercher d'autres options fausses ou illégales, lesquelles seraient plus néfastes à la société et à eux-mêmes.
Chen Zhuoying, résidant de Shanghai : J'aime le graffiti. Il décore le mur bien mieux que les annonces non autorisées dans la rue.
À mon avis, il devrait être encouragé. Le graffiti inspire la créativité aux enfants. Cependant, le gouvernement devrait localiser le graffiti dans un espace approprié.
Le graffiti est également controversé aux États-Unis. Mais il est toujours considéré comme l'art du ghetto noir pour sa spontanéité, son usage décoratif et sa couleur personnelle.
Shanghai doit permettre à certains types de graffiti d'enrichir notre vie urbaine.
Il faut établir un règlement pour le restreindre
Jiang Yang, journaliste au Beijing Daily Messenger : Le graffiti est une culture de rue née sous l'influence du punk. Grâce à la participation massive des artistes professionnels, il commence à avoir une couleur originale comme le style des bandes dessinées japonaises, le style du hip-hop américain, et le style des livres de peinture de Taiwan.
À mon avis, c'est une impulsion primitive. Quand vous étiez à l'école, vous avez commencé par gribouiller sur un cahier quelque chose qui n'avait rien à voir avec la leçon. Ce jeu est une sorte d'expression privée et secrète. Pour les individus, il peut être politique, humanitaire ou même rien. Dans certains cas, les artistes n'ont aucune idée de ce qu'ils disent ou de ce qu'ils dessinent. Ils veulent justement montrer l'inquiétude, le vide ou la fureur. La passion pour le graffiti gonfle secrètement, digne de l'attention continue de la jeunesse vigoureuse.
En réalité, le graffiti est une culture de rue bien controversée dans le monde. Le mur de Berlin qui a déjà été démoli était connu sous le nom de « collection des graffitis du monde ».
Le métro de New York et les autobus à Los Angeles sont aussi victimes de marques illicites, de personnages de dessins animés et d'argot mordant. La police a établi une équipe spéciale pour dépister les auteurs. Pour éliminer ces ordures visuelles, les États-Unis dépensent presque quatre milliards de dollars par année.
Nous devons condamner les signatures sur les monuments historiques ou les graffiti violents ou pornographiques. Mais ce qui est beau doit être encouragé, par exemple la déclaration de l'amour, un mur de graffiti à la maison ou dans un atelier, un espace public consacré au graffiti artistique ou même dans l'internet.
Wu Ming, résidant de Shanghai : Les œuvres artistiques doivent être accomplies dans un atelier, non sur un mur public. Le graffiti est en quelque sorte une pollution visuelle.
Il faut sensibiliser nos citoyens à la protection des biens publics qui appartiennent à tout le monde. Un environnement propre et agréable est bon pour le peuple. Je propose de faire campagne pour empêcher davantage de personnes de jeter imprudemment des ordures, de cracher et gribouiller dans les lieux publics.
Wang Qiubo, rédacteur au Brand Times : Le gouvernement doit jouer un rôle principal dans la sensibilisation du public à l'autodiscipline. Par exemple, les agents de circulation employés par des services gouvernementaux ont le droit d'obliger ceux qui brûlent un signal à retourner au trottoir. Il devrait en être de même pour le graffiti que je conseille de restreindre.
Liu Guilin, ouvrier retraité de Beijing : Le graffiti est inacceptable pour moi. Il est une pollution visuelle et endommage la culture.
Les fonctionnaires de gouvernement devraient réfléchir sur la façon de contrôler le graffiti effréné et établir des règlements et sanctions.