09/07/2010 à 08:03 - S'inquiéter de / s'inquiéter pour
@ Michelem, je ne répondais pas au contenu du livre de Domenach, que je n'ai pas lu. Je répondais à la question telle que l'a posée Steph. Et si j'ai repris l'expression de "péril jaune" à une autre époque, ce n'est pas pour désigner la question raciale qui était alors au coeur de cette expression, c'est pour désigner toutes les peurs irrationnelles que suscite aujourd'hui cet immense pays d'un milliard trois cents millions d'habitants dans l'opinion.
Domenach est inquiet pour la Chine, beaucoup d'Européens s'inquiètent pour eux-mêmes devant la montée en puissance de la Chine.
@ Tintin : j'espère que votre optimisme ne sera pas démenti par les faits mais je crois qu'il ne faut pas ignorer certaines faiblesses du miracle chinois ; la fameuse crise des subprimes n'a peut-être pas fini, malheureusement, de faire des ravages et il est fort probable qu'il y ait encore pas mal de créances pourries dans les banques chinoises. D'autre part, il n'est pas évident qu'il n'y ait pas quelques bulles spéculatives qui éclatent en Chine, en particulier au niveau de l'immobilier.
La paupérisation que redoute Domenach n'est pas du tout à exclure, malheureusement, avec ses conséquences tragiques. Les inégalités sociales se sont creusées de manière vertigineuse depuis la conversion de l'économie chinoise au capitalisme. Deux jeunes Chinois, rencontrés l'an dernier à Paris, me disaient que les Chinois, dans leur grande majorité, n'acceptaient la situation que grâce à cette croissance dont ils recueillent les miettes pendant qu'un petit nombre s'enrichit de manière spectaculaire, voire scandaleuse (et pas tout à fait honnête parfois) ! Seuls le développement du marché intérieur chinois et donc l'augmentation des salaires (en cours espérons-le) pourront éviter le désastre en la matière. Il n'est pas certain que les patrons des grandes entreprises, qu'elles soient chinoises ou multinationales, le comprennent à temps.
L'américanisation de la Chine, qui va de pair avec le capitalisme triomphant, n'est pas non plus sans conséquences préoccupantes sur la culture chinoise : les capitalistes, qu'ils soient chinois, américains ou européens, ne s'occupent pas d'abord et avant tout de la préservation de l'environnement, du bien-être des peuples et du patrimoine artistique des pays où ils font des affaires... Ils s'occupent de leurs intérêts immédiats ! Personnellement, je ne suis pas convaincue que le développement des fast-food, la destruction des quartiers anciens et autres choses du genre soient de très bonnes choses pour la Chine. Je ne crois pas que les projets architecturaux qui ont vu le jour en Chine à l'occasion des JO ou de l'exposition universelle respectent toujours la culture chinoise : ce n'est pas parce que les Chinois mangent des nids d'hirondelle que leur architecture a quoi que ce soit à voir avec "le nid d'oiseau", qui évoque beaucoup plus les interconnexions du réseau internet que la gastronomie traditionnelle ! La modernisation nécessaire de la Chine ne doit pas aller de pair avec une perte de l'identité chinoise. Que tant de jeunes Chinoises se fassent débrider les yeux pour réussir me semble un très mauvais symptôme en la matière !
Il y a beaucoup d'hypocrisie ou beaucoup d'ignorance dans les fantasmes du "péril jaune". Les dégâts écologiques dont nous rendons la Chine responsable sont directement liés à notre propre mode de vie puisque c'est nous qui importons et consommons la majorité de ces produits ; pire c'est nous qui transférons à la Chine la pollution de nos déchets informatiques dont nous ne voulons pas assumer le coût !
Si donc la Chine m'inquiète, c'est en ce sens que je m'inquiète pour la Chine, et non pas de la Chine... Espérons qu'elle saura conjurer les périls qui la guettent...