Sculpture chinoise sur jade
Wang Zhongyuan, maître sculpteur sur jade, obtint une pièce d'agate de Chine du Nord-Est. Cette pierre, épaisse au milieu et mince au bord, ressemblait à un disque, mais elle était elliptique. Le grand axe était de 22,5 cm, le petit de 17,5 cm et l'épaisseur au centre de 12,5 cm.
Ayant examiné cette pièce, Wang remarqua que la pierre, blanche comme le lait, était entournée d'une veine rouge au bord. Pour savoir la profondeur de la veine, il fit fendre ce morceau de jade en deux plats ovales, s'apercevant que la partie centrale des deux parties était rose, tandis que le reste de couleur lait.
L'artisan chevronné excellait dans la sculpture de plantes et surtout de fleurs. Il réfléchissait longtemps pour profiter le mieux des couleurs naturelles de la pierre. La grande passion qu'il avait pour les fruits de mer lui donna cette idée : une crevette rose clair sur un plat blanc. Il esquissa le dessin sur une des deux pièces.
La sculpture sur jade est un art qui réclame un esprit créateur et une grande habileté. Au cours du travail, un artisan qualifié sait voir au-dessous de la surface de la pierre pour connaître la profondeur de la couleur et sa direction, et prévoir ce qui va arriver dans la pierre d'après les bruits de polissage. Il répand de l'eau avec ses doigts sur la pierre quand la pâte d'abrasif voile sa surface. En fait, le jade n'est pas sculpté, mais il est poncé, jusqu'à ce qu'on obtienne la forme désirée.
Au bout de six mois de travail patient et minutieux, le dessin apparut : une crevette aux pattes fines et à deux longs tentacules, minces et courbés. Ce chef d'oeuvre fit sensation lorsqu'il fut étalé en 1972 à la première exposition nationale des arts artisanaux à Beijing. En effet, c'est la première fois qu'un sculpteur a accompli une oeuvre d'une telle finesse sur une pierre aussi dure et aussi fragile que l'agate.
La sculpture sur jade est en Chine un art vieux de plus de 3 000 ans. La valeur d'une oeuvre sculptée dépend aussi bien de l'habileté de l'artisan que de la qualité de la pierre elle-même.
Ce qu'on appelle jade en Chine relève généralement de deux minerais de composition différente : la néphrite des monts Kunlun au Xinjiang (nord-ouest de la Chine) et la jadéite du Myanmar (la Birmanie). Cette dernière est connue en Chine sous la désignation de « Fei Cui ». D'autres matières que les sculpteurs sur jade utilisent sont l'agate, le quartz, le rose-quartz, le cristal, la malachite, la turquoise et le corail.
Le jade pur, qu'il s'agisse de la néphrite ou de la jadéite, est blanc. Il présente en même temps de différentes couleures : vert, fauve, violet, bleu, jaune, rouge, gris et noir, à cause la présence d'une petite quantité de fer, de manganèse, de chrome ou d'autres minerais. Certaines pierres peuvent avoir des veines et des taches.
Le lustre fin de la néphrite polie est huileux, et celui de la jadéite, vitreux, est plus brillant encore. Chacune d'elles a une couleur particulière. Par exemple, le jade d'un vert impérial ou d'un vert éméraude, la pierre la plus précieuse, est nécessairement de la jadéite.
La néphrite, fibreuse en texture, est une des pierres les plus solides. Cela permet une ciselure subtile, compliquée et exacte. La jadéite est microcristalline en texture et, bien que plus dure, elle est plus fragile que la néphrite. Cependant, les maîtres chinois réussissent toujours à merveille grâce à leur grande habileté.
Dans le passé, la jadéite de Birmanie fut transportée, pour la plupart des cas, à Guangzhou ou à Shanghai, où foisonnaient des fabriques d'objets d'art en jade. La néphrite du Xinjiang fut traitée à Beijing. Ces trois villes sont devenues les principaux centres de sculpture sur jade en Chine.
Pour les Chinois, le jade de première classe est plus précieux que l'or et le diamant. Ce n'est pas uniquement parce qu'il est rare, mais qu'il symbolise la beauté, la pureté et la noblesse. Le Chinois fait cadeau d'un jade en signe d'une amitié éternelle.
La sculpture sur jade connaît un développement progressif dans l'histoire chinoise. En 1976, dans un ancien tombeau à Anyang (province du Henan) d'il y a 3 200 ans, furent déterrées 600 jades, dont instruments, armes, animaux, oiseaux, figurines humaines et ustensiles. Ces découvertes montrent que cet artisanat fut déjà très développé à l'époque. Dans la période des Royaumes combattants (475-221 av. J.C.), le roi des Qin promit d'offrir 15 villes en échange d'un jade de grande valeur. Sous les Tang (618-907) et les Song (960-1279), la sculpture sur jade parvint à un haut degré de maturité. Elle atteignit son apogée sous le règne de Qian Long des Qing (1736-1795).
Depuis la fondation de la Chine nouvelle, cet art a connu un progrès technique rapide. Pendant des siècles, l'artisan travaillait sur un tour actionné par une pédale. De sa main gauche, il soutenait le jade à façonner, et de sa main droite appliquait la pâte d'abrasif avec l'eau. Aujourd'hui, cette machine-outil est manoeuvrée par l'électricité.