Modernisation de Shanghai (SHANGHAI, 1849-1946)
L'administration française, soucieuse de l'intérêt public et de l'amélioration des conditions de vie, recourt aux progrès scientifiques et techniques pour accroître le bien-être collectif. Cependant la métropole n'est pas très généreuse et le financement des travaux qui s'appuie sur les revenus fiscaux, doit être complété par des ressources diverses, taxes sur les fumeries d'opium et les établissements de jeu notamment.
Consul et municipalité entreprennent tout à la fois des travaux de voirie et d'urbanisme - dés 1862, la construction des voies publiques et des quais est planifiée, en 1880 l'eau courante installée - et développent Station française de TSF de Koukaza : Filipetti, opérateur et Max Broelmann, directeur de la station.
Dans ce domaine, la France a été précurseur. La liaison par TSF (télégraphie sans fil) était devenue indispensable pour assurer la sécurité de la concession en cas de rupture des liaisons par cable. Le poste de Shangahai présentait un intérêt indéniable car il rendait possible la communication du gouvernement général d'Indochine avec la France par relai du poste de Saigon.
Français et Anglais sont amenés à coopérer pour la mise en oeuvre de certains services, tels que l'alimentation en eau. Ainsi a prospéré la Compagnie française de Tramways et d'éclairage électriques, grande firme de l'âge d'or de Shanghai. Les Postes et télégraphe et la TSF, Télégraphie Sans Fil, à Shanghai. sont aussi des éléments déterminants pour le développement du commerce international.
La Compagnie française de tramways et d'éclairage électrique
Sur la demande du Consul L. Ratard, un cahier des charges ainsi qu'un projet de réseau de tramways est réalisé par l'ingénieur de la concession : J.J.Chollot ( Ingénieur en chef de la Concession française de 1893 à 1907).
Cette étude fournira ensuite la base sur laquelle soumissionneront les compagnies pour l'obtention de la future concession des tramways.
Décidée en 1920, la nouvelle centrale électrique est totalement achevée dix ans plus tard. Elle remplace l'ancienne centrale à vapeur, trop peu productive Le bâtiment fait près de 85 mètres de long sur 25 de large et se situe sur les terrains de la Compagnie, à l'ouest de l'Avenue Dubail, à son carrefour avec la route de Zikawei.
A l'intérieur de la nouvelle usine électrique, se trouvent cinq moteurs diesels, les plus modernes de l'époque, fabriqués en Suisse. Ils développent une puissance totale de 12.000 chevaux et peuvent produire près de 20.000 kilowatts à leur plein régime. Cette puissance en fait une des plus importantes installations de production électrique de ce type en Asie..
Elle voit le jour à Shanghai en 1906. Le tramway, dont les premières lignes sont ouvertes en 1908, fait la gloire de la Compagnie qui s'est également fait attribuer, par contrat signé en 1908 et pour cinquante ans, le monopole de la distribution de l'eau dans la concession française.
La proximité de la concession internationale et de la ville chinoise nécessite des rapprochements avec les Anglais - exploitation d'une ligne commune en 1909 - comme avec les Chinois - exploitation d'une ligne en 1915. En 1930 la compagnie exploite dix lignes et possède cent tramways, le trafic étant passé de deux millions de voyageurs en 1907 à soixante millions en 1928, qui disposent de cartes de transport avec leur identité et leur photo.
Avec près de deux mille employés, la Compagnie est le creuset de nombreuses revendications. Un syndicat est créé en 1925, qui, surtout après 1930, passe sous la coupe de Du Yuesheng. Le chef du gang de l'opium, devenu un notable, attise ou met fin aux grèves, en fonction de ses intérêts.
Dernière entreprise à être nationalisée, la Compagnie des Tramways et d'électricité est l'objet, entre 1949 et 1953, d'une coopération franco-chinoise unique à cette époque.
L'architecture
L'amélioration des conditions de vie avec l'eau courante et l'électricité pour tous, les transports en commun, la création d'espaces verts dans la ville vont de pair avec une architecture de plus en plus moderne et conquérante, reflet de la réussite des entreprises comme des particuliers. Exprimée par les sièges sociaux des grandes firmes et des banques, les grands magasins, les hôtels, les théâtres et cinémas, les villas de luxe, la prospérité s'affiche ouvertement.
Le Bund dont la célèbre silhouette devient l'emblème de la modernité de Shanghai, offre un concentré de l'architecture contemporaine. Les meilleurs architectes, français, anglais ou américains y construisent et dans les années 20, apparaissent les premiers gratte-ciel en béton armé et structures métalliques. La hauteur d'un bâtiment devient alors l'expression de la puissance du commanditaire.
Résidence de la famille O'Neill
Parmi ces constructions, le siège des Messageries maritimes édifié par l'architecte suisse Minutti occupe une place symbolique forte, point de passage obligé de tous ceux qui débarquent à Shanghai, de même que le Cercle sportif français réalisé en 1926 par de jeunes architectes, Alexandre Léonard et Paul Veysseyre. Leur succès est tel que de nombreuses commandes vont suivre. Certains de leurs logements et commerces tels le Gascogne et le Béarn sont aujourd'hui classés par la municipalité de Shanghai, de même que la Chung Wai Bank devenue le musée de la ville après 1949, puis à nouveau affectée à des bureaux en 1994. En 1930, Shanghai est à son apogée, c'est l'âge d'or. Puis l'occupation par les Japonais en 1937 et la deuxième guerre mondiale avec le repli des Occidentaux, plongent la ville dans l'isolement et la pénurie.