Mariage traditionnel chinois : rites et superstitions
Supertitions dans le mariage traditionnel chinois
Extrait de "Manuel des superstitions chinoises, ou Petit indicateur des superstitions les plus communes en Chine."
Par le P. Henri DORÉ, S. J. (1859-1931).
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Coutumes superstitieuses
Sé p'ouo tsoei, fermer la bouche de la belle‑mère.
Avant de partir pour se rendre dans la famille de son mari, la jeune mariée se munit d'une jolie bourse en soie rouge brodée en forme de fleur de lotus. C'est une amulette contre les maudissures de la belle‑mère.
K'iuen sing-tse, exhorter la jeune mariée à la patience.
La chaise rouge arrivée devant la porte de son futur, on ferme la porte d'entrée pendant quelques instants, afin de lui apprendre à être patiente dans les difficultés et les contradictions dont la vie est semée.
Tche sin-niang, morigéner la jeune mariée.
Au‑dessus de la porte d'entrée de la salle de réception, on a eu soin de cacher un couteau, afin que la fiancée, passant sous cette épée de Damoclès, soit toujours bien à la merci de son mari, maintenue dans la soumission par une crainte salutaire.
Cérémonies au départ de la fiancée
Hi-chen, l'esprit de la joie : On consulte le calendrier pour savoir dans quelle direction, le jour du départ, se trouve l'Esprit de la joie. Il faut orienter la chaise à porteurs dans cette direction, afin de mériter ses faveurs.
Le fiancé, avant de quitter sa famille pour aller chercher sa fiancée, fait des prostrations devant les tablettes du Ciel et de la Terre, et devant les tablettes des ancêtres. On a quelquefois la prévenance de placer dans sa chaise un jeune enfant : c'est un souhait de postérité.
La chaise, où la mariée est encaissée comme un colis, est munie de tous les talismans et amulettes désirables :
- 30 Une licorne portant un enfant, k'i-lin song‑tse, surmonte le dôme.
- A l'arrière on suspend : un crible, chai-tse, talisman contre les mauvaises influences ;
- un miroir, long‑tse, contre les diables ;
- un calendrier, li-t'eou, où sont consignés tous les jours favorables et funestes.
La jeune mariée porte suspendu à la boutonnière de ses habits, un petit miroir en cuivre, qu'elle n'enlèvera qu'après s'être assise sur le lit nuptial. On y lit des sentences fastes, comme celle‑ci :
"Ou tse teng‑k‑o, Que tes cinq fils arrivent aux grades universitaires !"
Elle reprendra ce talisman, le jour où elle remontera en palanquin, pour retourner chez elle, après le mariage.
Les femmes qui escortent la jeune mariée, doivent être nées l'année d'un animal cyclique vivant en bonne intelligence avec celui qui a présidé à la naissance de la jeune épouse.
"le chien et le coq sont ennemis".
L'envoi du trousseau, p'ei-song, et le cortège nuptial.
Le jour du mariage, dans la matinée, on divise en plusieurs charges les ustensiles et les objets composant le trousseau de la mariée. Pour donner grand air à cet envoi, on choisit un grand nombre de porteurs, huit au moins pour les pauvres, jusqu'à une centaine pour les riches. C'est le « cum ambitione magna » de l'Écriture. Quand tout a été rangé en ordre, le cortège va chercher la mariée, pour l'amener à la maison du mari, le soir aux flambeaux quelquefois. En tête, les porteurs de lanternes ; puis le palanquin où la mariée a été renfermée ; les dames d'honneur suivent.
Aussitôt après le départ, le fiancé, accompagné de l'entremetteur, entre dans le parloir de ses beaux‑parents et leur offre ses remercîments, c'est le sié‑ts'in.
Cette cérémonie de politesse accomplie, il se hâte de rentrer à son domicile, où il doit être de retour avant l'arrivée du cortège. Dès que la chaise rouge paraît, les détonations de pétards font rage, et quelquefois l'époux décoche une flèche contre les mauvaises influences ou les lutins pervers.
Deux sabres de sapèques, tchan yao‑kien, sont attachés aux armoires du trousseau envoyé à la nouvelle épouse, en guise de talismans contre les mauvaises influences.
Mao-kio ki, poule aux pattes emplumées. Ces bipèdes emplumés ont une démarche embarrassée et disgracieuse. C'est le nom qu'on donnerait à la jeune mariée, si elle se permettait une sortie, contre les rites, hors de la maison de son mari, pendant le premier mois.
La selle de cheval.
La, jeune fiancée, en descendant de palanquin, doit poser le pied sur une selle de cheval, ngan, homophone de ngan, la paix. La paix régnera dans le ménage. — On place encore le bât d'une bête de somme sous la selle. Ce bât se nomme chao‑tai, sorte de bissac qui a la même consonance que chao‑tai apporter une descendance (avoir de nombreux enfants).
Les rites du mariage
1° Pai T'ien, Ti, les prostrations au Ciel et à la Terre.
Les époux font ces saluts au milieu de la cour, avant d'entrer dans l'appartement intérieur.
Voici le dispositif ordinaire :
a) Une table placée au milieu de la cour ou tien‑tsing, devant la pièce principale du logis.
b) Une tablette ou une image symbolisant le Ciel et la Terre.
c) Un brûle‑parfum et des baguettes d'encens allumées.
d) Deux bougies rouges allumées.
e) Cinq espèces de fruits symboliques, et des gâteaux.
f) Un paquet de bâtonnets liés ensemble en faisceau. Le ménage aura du riz à manger !
g) Un pied chinois (tch'e ; mesure de 10 pouces). Le pied sert à mesurer les étoffes : les deux époux auront donc des habits pour se vêtir, et les transactions seront fructueuses.
h) Un miroir. Les géomanciens se servent de cet instrument pour découvrir les veines de la richesse et de la félicité, pour conjurer les mauvaises influences ; les femmes enceintes s'en servent comme de talismans protecteurs de l'enfant qu'elles portent dans leur sein.
i) Une paire de ciseaux. Instrument indispensable à toute bonne ménagère. Arme redoutable au service des génies.
j) Une petite balance, t'ien p'ing, pour peser les lingots d'argent. Présage de richesse.
k) Un plat en bois de saule. Le saule, lieou, a la même consonance que lieou, laisser ; sous‑entendu une descendance.
l) Dans quelques pays, on y joint deux coqs en sucre blanc. Coq, ki, a la même consonance que ki chance. C'est pour souhaiter bonne chance aux deux conjoints.
m) Deux coupes de vin mêlé de miel : le nectar de la lune de miel..
Les deux époux goûtent le sucre des coqs et le vin des coupes : c'est manger la félicité et boire la joie.
n) Dans plusieurs contrées du Kiang‑nan, on prépare un boisseau, sur lequel on pose une balance et une enfilade de sapèques. Présages d'abondance, de commerce lucratif et de richesse.
Les deux époux font une prostration profonde devant la tablette du Ciel et de la Terre, puis devant les tablettes des ancêtres, enfin devant le dieu du foyer, Tsao‑kiun. Ensuite ils se saluent mutuellement. Le mariage est fait.
2° L'entrée dans la maison.
La jeune femme doit éviter avec le plus grand soin de poser le pied sur le jambage de la porte, ou de le heurter en passant. Ce serait le pronostic de heurts et de disputes.
Il est à remarquer que les khans Mongols attachaient aussi une importance hors ligne à ce point en apparence futile (Visites de Rubruquis au grand khan, à Khan Bâliq et à Karakoroum).
3° Hi-fang, chambre nuptiale, alias sin-fang.
Les prostrations achevées devant les tablettes, on enlève respectueusement celle du Ciel et de la Terre, et on la brûle avec du papier‑monnaie. Alors les époux peuvent entrer dans le hi fang ‘chambre de la joie'.
Au repas, ils boivent à la même coupe et mangent le gâteau tse‑suen kao gâteau de la postérité, et le tchang‑cheou mien vermicelle de longue vie.
L'ignoble rite appelé nao (à Ch'hai, ts'ao) sin-fang.
La jeune épouse, un jour entier, se voit exposée, en bête curieuse, dans la chambre nuptiale, où tout individu peut se permettre impunément les plaisanteries les plus grivoises. C'est là une des ignominies païennes les plus exécrables. Dans les pays récemment ouverts à évangélisation, ce rite est parfois suivi ou du moins timidement toléré par les néophytes.
Les cinq sapèques et les cinq sachets de riz.
On cache sous la natte ou sous le matelas des deux conjoints cinq sapèques fondues sous le règne des empereurs les plus glorieux.
Aux colonnettes soutenant la.moustiquaire, sont également suspendus cinq petits sachets contenant cinq paquets de riz cuit, liés ensemble par un cordonnet rouge. C'est le gage de richesse et d'abondance à perpétuité.
L'offrande devant la tablette des ancêtres.
Les jeunes mariés doivent se rendre dans le temple des ancêtres et faire les prostrations devant les tablettes.
Une bru qui refuserait ou seulement omettrait de faire des offrandes devant les tablettes de ses beaux-parents, après leur mort, et qui après cette omission viendrait à mourir, devrait être rendue à sa famille, où son cercueil serait inhumé. Son mari ne porterait pas le deuil et sa tablette ne pourrait être placée à côté de celle de sa belle‑mère.