Cuisine chinoise (2)
Ce n'est pas d'hier que les papilles se délectent de la cuisine chinoise. Les cuisiniers de l'Antiquité préparaient déjà des mets délicieux qui se sont transmis depuis lors.
Il y a plus de 2200 ans, le conseiller d'un roi expliqua l'importance des céréales à son maître en disant : « Le roi gouverne à partir des intérêts des masses populaires et le peuple prend l'agriculture comme base de l'existence. »
Selon ce point de vue, les céréales étaient non seulement une affaire d'importance primordiale qui intéressait la vie du peuple, mais encore une affaire d'importance stratégique qui engageait l'avenir du pays. Par ailleurs, nos ancêtres considéraient l'État comme les génies du Sol (She) et des Céréales de la patrie (Ji). Dans la société agricole, la terre et les céréales constituaient le symbole de l'État.
Souhaiter toujours une moisson abondante
Dans l'Antiquité, manger à sa faim a toujours été une question importante, tant à la cour impériale que dans les foyers populaires. En ce temps-là, en raison des techniques agricoles arriérées, la production céréalière était toujours insuffisante. Ainsi, les paysans peinaient toute l'année sans pouvoir manger à leur faim ni être vêtus chaudement.
Les cinq céréales que mangeaient nos ancêtres comprenaient le riz, le millet glutineux, le millet non glutineux, le blé (orge et avoine) avec grain non moulu et les haricots. Les haricots concernaient principalement le soja.
Avec le développement des techniques agricoles, le riz et les types de millet connurent une grande multiplication et les espèces de céréales augmentèrent jusqu'à cent. Ces cinq céréales devinrent synonymes de la culture céréalière.
Dans l'Antiquité, les céréales autres que le blé et le riz étaient considérées comme des céréales secondaires et une nourriture de base. Citons l'exemple du millet jaune qui était servi aux hôtes distingués. Un vers dans un poème de la dynastie des Tang (618-907) en témoigne : « Mon ami à la campagne élève des volailles et plante du millet jaune, il m'invite souvent. » Pour économiser la nourriture, certains foyers paysans apaisaient leur faim avec des fruits et des légumes sauvages du 6e au 9e mois.
Dans l'Antiquité, l'alimentation carnée comprenait le bœuf, le mouton et le porc, dont le bœuf était le plus précieux, suivi par le porc et le mouton. Un banquet de haute qualité à l'intention des dignitaires devait servir des mets issus de ces trois animaux. La viande était considérée comme l'alimentation de luxe des nobles, tandis que les paysans n'en mangeaient qu'aux jours de fête. Mencius (372-289 av. J.-C.), disciple de Zisi, petit-fils de Confucius, a écrit dans son ouvrage : « Seule la personne de 70 ans peut manger de la viande. » D'après les rites religieux ou officiels, la viande était servie en offrande ou lors des banquets officiels.
L'art culinaire chinois
La cuisine chinoise est à la mesure de la puissante et riche civilisation dont elle est issue.
Son histoire, son évolution, sa richesse, sa diversité ont fait l'objet d'études variées. Au VIe siècle, le Qimin Yaoshu (Agronomie essentielle pour le commun du peuple), rédigé par Jia Sixie, auteur des Wei du Nord (386-534), était non seulement un classique de l'agronomie traditionnelle chinoise, mais aussi une encyclopédie de la cuisine chinoise. Ce livre comprend 92 chapitres, dont 25 concernent l'art culinaire chinois (y compris la distillation de l'alcool, la technique de marinage des viandes, la fermentation des fromages et la préparation de plus de trois cents plats et collations chinois).
La cuisine quotidienne de la Chine antique se composait généralement de quatre préparations : sauter (poisson sauté assaisonné), griller ( brochettes de mouton), cuire à la vapeur (viande à l'étuvée) et préparation particulière de la pâte de viande. Cette préparation demandait de sécher la viande à l'air libre et de bien la hacher, de la mettre dans une jarre avant d'y ajouter de la levure, du sel et de l'alcool. On scellait ensuite la jarre et on conservait le tout pendant cent jours avant de servir.
Le Qimin Yaoshu présente aussi la préparation des aliments à base de farine que mangeaient certaines ethnies vivant sur la grande steppe septentrionale de Chine. Au cours d'une période relativement longue, les habitants de la Plaine Centrale subirent l'influence de ces ethnies nomades, tant dans leur culture alimentaire que dans leurs mœurs.
Outre les nouilles et les vermicelle, les pâtes (mianshi) comprennent les shuijiao (un genre de raviolis) et les baozi (petits pains farcis cuits à la vapeur) ; les bing (crêpes et galettes) et les mantou, (un genre de petits pains cuits à la vapeur). Il y a aussi une sorte de grande crêpe farcie à la viande, les roubing, au sésame, les shaobing, sans sésame, les huoshao, à la pâte frite, les Youbing, et à la pâte sablée, les Yousubing. En 755, An Lushan, commandant militaire du Nord-Est, se révolta et s'empara de Luoyang (Henan) et de Chang'an (Shaanxi). Assaillie de toutes parts, l'armée de l'empereur Xuanzong des Tang (712 à 754) fut obligée de fuir vers la province du Sichuan. Sur la route, l'empereur Xuanzong partagea joies et peines avec ses soldats en mangeant des crêpes à la farine de blé et au sésame pour apaiser sa faim.
Confucius, un gastronome ?
Confucius (551-479), personnage représentatif de l'école confucéenne, fut considéré par les générations postérieures comme le premier gastronome. Dans le Lun Yu, (Entretiens de Confucius), il a dit : « On ne se lasse jamais des mets délicieux et savoureux. » Il faut dire que ce grand maître ne connaissait pas l'art culinaire, mais qu'il se passionnait pour la bonne chère. C'est justement cette mentalité qui aura des répercussions profondes chez les Chinois pendant plus de 2000 ans.
Les fonctionnaires et les mandarins constituent les piliers du développement de la cuisine chinoise. Parmi eux, il y eut des gens aussi intelligents que travailleurs. En se posant comme créateurs, ils estimaient que la cuisine était non seulement une jouissance matérielle, mais aussi une jouissance spirituelle. Dans le milieu des fonctionnaires, les mets délicieux s'appelaient aussi les « plats cultivés ».
Qufu, province du Shandong, est le pays natal de Confucius. Dans sa famille, la cuisine jouissait d'une grande réputation pour le raffinement de son art culinaire. Des différences subtiles se remarquaient jusque dans la préparation d'un germe de soja ou d'un filament de jambon. Les recettes servies lors d'un banquet illustraient un travail superbe dont l'art surpassait le simple naturel. Souvent, ses cuisiniers préparaient des mets savoureux avec du poulet, du canard, du pigeon, de la caille, de la viande et des assaisonnements.
Su Dongpo (1037-1101), grand poète de la dynastie des Song (960-1279) écrivit non seulement un grand nombre de poèmes renommés, mais encore prépara beaucoup de plats connus au Sud du Yangtsé. Grâce à son livre de recettes, on découvre des mets délicieux : le Dongpo Rou (viande maigre à la Su Dongpo), le Dongpo Zhouzi (jambonneau délicieux à la Su Dongpo), le Dongpo Doufu (fromage de soja à la Su Dongpo), le Dongpo Geng (bouillon d'œuf à la Su Dongpo), etc.
Après le grand poète Su Dongpo, Yuan Mei (1716-1797), homme de lettres et célèbre gastronome de la dynastie des Qing (1644-1911), put tenir la comparaison avec Su Dongpo. Le Suiyuan Shidan (Livre de recettes rédigé dans sa résidence de Suiyuan) est toujours considéré par les cuisiniers chinois comme un classique des théories d'art culinaire.
Yuan Mei était sous-préfet des Qing. Il démissionna de ses fonctions à 34 ans. Il s'adonna ensuite à la poésie et à la visite de sites célèbres. En une quarantaine d'années, il laissa sa marque dans une grande partie du pays en goûtant d'innombrables mets délicieux. À partir de ses expériences, de sa pratique et des documents historiques, il compila un recueil systématique et réalisa ce livre de recettes composé de 326 mets et collations. Tous ces plats incarnent respectivement les spécialités du Sud du Yangtsé, du Shandong, de l'Anhui, du Guangdong et d'autres provinces. Après sa publication en chinois, ce livre de recettes fut successivement traduit et publié en japonais, en anglais et en français.
Ici, il faut dire que tous les plats délicieux de la cuisine chinoise populaire connurent plusieurs améliorations. Sans aucun doute, les tentatives et les efforts de générations de cuisiniers aboutirent à des résultats satisfaisants.
Le Jiaohua Ji (poulet préparé par le mendiant) est un plat de grande cuisine très répandu en Chine. On dit qu'un jour, un mendiant aurait obtenu un poulet. Pour le manger, il l'aurait tué et lui aurait appliqué une couche de boue. Après l'avoir bien grillé sur le feu, il aurait enlevé la boue extérieure, ce qui aurait laissé dégager un arôme qui aurait flatté ses narines. Plus tard, cette préparation aurait été introduite dans un restaurant qui l'aurait améliorée. Après avoir tué le poulet, le cuisinier l'aurait farci avec des champignons parfumés, des jeunes pousses de bambou et du jambon. Puis, après avoir enveloppé le poulet d'une feuille de fromage de soja, d'une feuille de lotus et d'une couche de boue, il l'aurait fait bien griller à feu faible. Après la cuisson, le cuisinier aurait enlevé la boue extérieure et servi ce mets raffiné. Au début, cette histoire s'est répandue dans les provinces du Jiangsu, du Zhejiang et du Sichuan, et les gens de l'endroit estimaient que le plat renommé Jiaohua Ji était originaire de ces provinces. Cependant, l'histoire a enregistré cette préparation dans tous ses détails. Il y a plus de 2000 ans, durant la dynastie des Zhou de l'Ouest (1066-771 av. J.-C.), le livre Qimin Yaoshu a décrit une préparation semblable.
Les Shuijiao
Si le riz (mifan) constitue l'essentiel des repas dans le Sud de la Chine, les pâtes (mianshi) sont la base de ceux du Nord. Les shuijiao (un genre de raviolis) font partie des pâtes. Leur préparation simple et leur goût délicieux ont toujours attiré les éloges.
Dans les années 1960, on a découvert deux shuijiao remontant à 1300 ans, dans un tombeau des Tang à Turpan, dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang. La forme de ces deux shuijiao était tout à fait semblable à celle de maintenant. D'après l'histoire, on peut dire que, de tout temps, les Chinois ont mangé des shuijiao.
Sur la table, les shuijiao occupent toujours une place importante: premièrement, leur préparation simple est facile à apprendre par n'importe qui ; deuxièmement, leur farce et leur goût sont variés. Légumes, viandes, volailles et produits de la mer composent les ingrédients de leur préparation; troisièmement, les shuijiao incarnent la civilisation traditionnelle chinoise.
Par ailleurs, si la simplification de la préparation des shuijiao et le raffinement de leur farce ne permettent pas toujours de discerner la nature de ce mets, leur enveloppe ronde et leur forme en lingot d'argent revêtent une signification profonde. L'enveloppe symbolise une famille unie et heureuse, et la forme, la richesse.
D'après les mœurs anciennes, on prenait une pièce de métal (symbolisant la richesse), un bonbon (symbolisant une vie heureuse), un jujube et un marron (symbolisant le nouveau-né) pour remplacer la farce des shuijiao. On disait que seule une personne ayant de la chance pouvait trouver le shuijiao ainsi farci.
Sur la table chinoise, les shuijiao sont omniprésents : pour passer la fête, pour manger avec des amis et pour réunir toute la famille à la Fête du Printemps et à la Fête de la mi-automne. Cependant, ces délices ne forment qu'une infime partie de la diversité des plats de la cuisine chinoise.