La journée internationale des Droits de l'homme

C'est aujourd'hui la journée internationale des droits de l'homme, un concept que les Chinois ont eu bien du mal à penser, ne serait-ce que pour des raisons linguistiques.

J'avais entendu, il y a plusieurs années sur France Culture, une émission très intéressante à propos des juristes qui cherchent à harmoniser le droit international ; l'un d'entre eux, spécialiste de la Chine, rappelait que le mot "droit" était originellement synonyme, en chinois, "d'autorité de l'Etat", de "souveraineté", et que la langue chinoise ne faisant pas la différence entre le singulier et le pluriel, ne comprenant ni article défini ni article indéfini, le concept d'"homme" , dans son acception générique et universelle ("l'Homme") opposée à son acception singulière ("un homme"), particulière ("des hommes"), générale ("les hommes"), n'était pas immédiatement concevable dans cette langue.

Ces deux raisons font qu'il n'était pas d'acclimater les "droits de l'homme" à la française en chinois, de penser un droit qui opposerait les "droits naturels" de "l'Homme" au "droit-pouvoir d'Etat", d'opposer la légitimité supra-juridique de la personne humaine à la légalité du droit positif.

Les dirigeants chinois n'auraient donc pas eu tout à fait tort lorsqu'ils prétendaient que ce concept leur était étranger tandis que les opposants et les dissidents étaient évidemment très désireux de promouvoir l'universalité de ce concept.

Il semble que l'expression 人权 (rén quán) soit maintenant bien implantée dans la langue et la culture politique chinoises. Selon ce juriste, le mot retenu pour traduire "droits" l'aurait été pour son homophonie avec le mot "intérêts" : on entendrait donc "droit des hommes, intérêts des simples particuliers"...

Liu Xiaobo, écrivain, ancien professeur d'université, avait déjà connu la prison après le mouvement démocratique de Tiananmen de 1989 ; aujourd'hui âgé de 53 ans, il purge une nouvelle peine de prison pour avoir été l'un des principaux initiateurs de la Charte 08. « Inspirée par la "Charte 77", célèbre pétition des dissidents tchécoslovaques dans les années 1970, la "Charte 08" appelle notamment au respect des droits de l'homme et de la liberté d'expression et à l'instauration d'élections démocratiques pour un "pays libre, démocratique et constitutionnel", précise Le Monde du 9 décembre. Arrêté le 8 décembre 2008, « deux jours avant la publication en ligne du document, écrit Le Monde du 12 décembre, il vient de se voir signifier, après un an de détention, le crime dont on l'accuse : incitation à la subversion de l'Etat. »

Bien que la constitution chinoise garantisse officiellement la liberté d'expression, le rapport d'enquête affirme que Liu Xiaobo "s'est livré avec d'autres à l'acte criminel majeur de rédiger la Charte 08"... Devant l'émoi que ce déni de justice a suscité à l'étranger, les autorités chinoises parlent évidemment d' « ingérences » insupportables dans les « affaires intérieures de la justice chinoise» et en appellent au respect de la « souveraineté » nationale : "La Chine est un pays de droit, la justice gère ce cas de manière indépendante", affirme le ministère des affaires étrangères.

Liu Xiaobo n'est pas le seul a pâtir de cette curieuse conception de la liberté d'expression. L'organisation non-gouvernementale Gongmeng, qui regroupait de nombreux avocats des droits de l'homme, a été démantelée en juillet dernier ; Huang Qi a été condamné le 23 novembre à trois ans de prison pour avoir relayé sur son site web un appel des familles des enfants qui ont péri dans l'effondrement de leurs écoles après le tremblement de terre du Sichuan : attendu du verdict « divulgation de secrets d'Etat »....

completement d'accord avec vous Laoshi meme si, en ce qui concerne les Droits de l'Homme en Chine ,on a toujours l'impression d'enfoncer des "portes ouvertes" sur le Non Droit du citoyen ou un semblant de liberte qui engage les citoyens chinois a respecter les decisions du gouvernement sans faire preuve d'une opposition farouche et rebelle ( je rappelle que le droit de greve et de contestation n'existe pas en Chine).

Aussi quand on parle de Droits de l'homme en Chine,on entre dans des images utopiques , miroirs aux alouettes occidentales,et le Droit en Chine se transforme plus souvent en Respects et Devoirs des Lois du Peuple (R.D.L.P).

affaire a suivre...

La Chine dit-on bafoue les droits de l'Homme. Mais la Chine n'a pas la même histoire que l'Occident. La civilisation chinoise est l'une des plus anciennes de la terre. Si les grandes civilisations ont disparu, elle, elle demeure imperturbable. C'est au travers d'une impitoyable règle communautaire où le pluriel l'emporte sur le singulier qu'elle doit sa survie dit-on dans mon entourage. En effet, j'ai eu l'occasion et je connais des Chinois qui disent, bien que ne soutenant pas les pratiques gouvernementales chinoises qu'on ne gouverne pas un aussi vaste pays en tergiversant.

La Chine imperturbable ? Pas immuable en tout cas ! elle a su passer de l'Empire à la République et de la République au communisme, elle a su "concilier" (disons cela comme ça pour faire simple) le capitalisme le plus débridé avec le dogme communiste ! pourquoi ne pourrait-elle pas nous montrer à tous que ses facultés d'adaptation sont plus formidables encore et qu'elle est aussi capable de ré-inventer la démocratie ? C'est ce que j'espère pour les Chinois et pour la Chine que j'aime...

Tout à fait d'accord sur le terme "ré-inventer" Laoshi.Les exemples de démocraties occidentales ne sont effectivement pas à copier !!! Mais on peut imaginer une Chine moderne respectueuse de droits individuels ne nuisant pas aux droits collectifs.

N'oublions pas que la fin de la dynastie Qing date de moins de 100 ans ...La République Populaire n'a que 60 ans ...Une évolution vers plus de droits (civiques,associatifs ...) viendra ,à plus ou moins longue échéance.

Du moins, je l'espère.

J'avais évidemment employé le mot "ré-inventer" à dessein, Michelem, parce que la démocratie et les droits de l'homme sont en effet bien malades au pays des "Droits de l'homme"... Reste l'idéal, universel, qui nous fait espérer, pour les Chinois, pour nous et pour tant d'autres !...可是还是不过理想 keshi haishi buguo lixiang (= mais ce n'est pas encore tout à fait idéal)

Oui Laochi, mais elle n'en demeure pas moins une République. D'ailleurs c'est la République Populaire de Chine. Nous les occidentaux pouvons-nous réellement y comprendre quelque chose. Nous qui avons nos us et coutumes et qui reconnaissons par ailleurs que notre démocratie va mal. Comment pouvons-nous donner des leçons à la Chine et aux Chinois. L'Occident n'écrit pas l'histoire de l'Asie. Elle ne nous a pas attendu pour écrire sa propre histoire. Bien sûr que nous rêvons tous d'un monde meilleur. Mais le meilleur c'est au peuple Chinois de le désirer et non pas à nos fantasmes de le projeter. On ne change pas la Chine mais la Chine nous change. Preuve en est que jusqu'à une certaine date tout le monde s'accordait pour dire que le Tibet était un pays souverain. Maintenant que la Chine est puissante, nos dirigeants s'accordent à dire ( dernièrement Bernard Kouchener ), mais on peut les comprendre au vu de l'histoire, que le Tibet est Chinois. Fi des droits de l'homme et des citoyens. Les intérêts économiques primes sur le droit humain. Est-ce à dire que je cautionne ce qui s'y fait. Que neni...

Kiki a écrit :

Comment pouvons-nous donner des leçons à la Chine et aux Chinois.

Euh... Liu Xiaobo, l'organisation non-gouvernementale Gongmeng, Huang Qi, si je ne m'abuse, ce ne sont pas des occidentaux ?

Reste qu'à l'heure de la mondialisation, je ne vois pas comment chacun pourrait rester prisonnier de son pré carré ! Les biens et les marchandises circulent, il n'y aurait donc que les idées qui seraient assignées à résidence ?

« On ne change pas la Chine mais la Chine nous change », dites-vous ?

Si nos dirigeants, au nom de la « real politique », mettent l'idéal démocratique et les Droits de l'homme dans leur poche et leur mouchoir par-dessus pour signer de juteux contrats non seulement avec la République chinoise mais aussi avec tous les dictateurs du monde (ou presque), les prisonniers politiques qui croupissent dans leurs geôles attendent justement de l'opinion internationale qu'elle relaie leur combat. Les dissidents ne prendraient pas le risque, sinon, de confier à Internet les textes de la Charte 08 ou les images des grèves et autres manifestations interdites !

Vous avez parfaitement raison, c'est aux Chinois d'écrire leur propre histoire, ils le font très bien sans nous, mais ils entendent que cela se sache. Je ne veux donner de leçon à personne, je veux seulement ne pas faire la sourde oreille.

Comme le mien, votre Noël a peut-être été endeuillé par la condamnation à onze ans de prison du chef de file de la dissidence chinoise, Liu Xiaobo, professeur de littérature, l'un des auteurs de la Charte 08.

Incarcéré pendant vingt mois en pour avoir participé aux événements de Tiananmen, en 1989, il a été condamné en 1996 à trois ans d'emprisonnement dans un camp de « rééducation par le travail » pour avoir « fomenté régulièrement des troubles et provoqué des atteintes à l'ordre public ». Il comparaissait cette fois devant un tribunal de Pékin siégeant à huis-clos et risquait un maximum de 15 ans de prison pour "subversion du pouvoir de l'Etat".

Comme l'écrit Wei Jingsheng dans Le Monde du 1° janvier 2010, « il s'agit d'un message clair à l'adresse de tous ceux qui demandent de la retenue à une Chine dotée d'une puissance toute neuve, et qui occupe désormais une place de premier rang dans les réunions de la gouvernance mondiale : « Puisque vous avez réclamé à grand bruit la libération de Liu après son arrestation, nous le punirons encore plus sévèrement. »

Que la nouvelle ait été annoncée le jour de Noël, fête occidentale par excellence, n'est sans doute pas un hasard....