Effectivement je confirme, le bouddhisme dans sa tradition tibétaine est très différent du bouddhisme zen, lui-même très loin dans sa pratique du bouddhisme des origines de Shakyamuni.
Et en effet, si on s'en tient à une lecture littérale des représentations des déités du panthéon tibétain (dont une bonne part existaient déjà dans le panthéon bouddhique indien), on n'y verra que des manifestations effrayantes et déconcertantes. Il faut, si l'on s'y intéresse vraiment, faire un effort certain pour comprendre que chaque élément décoratif représente une partie de l'enseignement bouddhique et s'adresse au pratiquant pour lui rappeler le chemin.
C'est comme si nous nous promenions dans une église sans rien connaître de l'histoire chrétienne : ces statues de saints en contemplation ou en martyrs ou de jésus sanguinolent sur sa croix nous sembleraient l'expression d'un culte masochiste et nous nous arrêterions là.
Par ailleurs, les articles du duo Victor et Victoria Trimondi, pseudos des auteurs Herbert et Mariana Röttgen ou suffisent à répondre à mes messages ou confortent l'impression d'un dialogue irrémiadiablement sans issue.
Car s'il faut partir du principe que le Dalaï Lama est un démon, on peut continuer à chercher et publier des liens vers des articles qui le confirment et toute discussion est sans objet, puisqu'elle n'existera pas. Soit on peut admettre des points de vue différents, éventuellement circonstanciés et nuancés, comme l'est toute réalité et là il est possible d'avancer.
De fait, la page des deux allemands est, selon l'expression connue, insignifiante parce qu'excessive. Robert Röttgen a créé les éditions Trikont, étroitement lié au mouvement de gauche appelé soixante-huitard, et a notamment édité "Che Guevara". A la fin des années 70, il s'est tourné vers l'ésotérisme, a abonné la littérature politique pour se tourner vers le new-age. Lui et sa femme, qui font partie de l'alliance évangélique allemande, ont contribué à la contreverse Shougden, peut-être pas parce qu'ils croient plus à ce culte superstitieux mais parce qu'il alimente leur fond de commerce anti-Dalaï Lama.
Leurs écrits ont connu un certain succès parce que manichéens, flattant des fibres gaucho-laïcardes-marxisantes, mais aussi celles de toutes les partisans d'autres religions, des catholiques jusqu'aux musulmans. Les ouvrages qui proposent des lectures plus profondes, plus nuancées aussi, et plus référencées aussi, intéressent nettement moins car d'une part elles ne réjouissent pas comme le font les écrits vachards et simplistes, et parce que d'autre part elles demandent nettement plus d'efforts au lecteur.
Ce duo se présente comme expert (de quoi et à quel titre ?), et se fondent sur des experts jamais nommés et parfois sur des liens internets inexistants.
Un autre auteur allemand, Mickaël Von Brück, thélogien et professeur en sciences religieuses à l'université de Munich a, suite à la publication des ouvrages des Röttgen, écrit un livre intitulé "Religion et politique dans le bouddhisme tibétain". Il note entre autres que les rituels tantriques ne constituent pas une forme de mysoginie primaire mais sont des métaphores de processus métaphysiques. Et il considère que Shambala n'est pas une histoire visant à être réalisée, mais un simple mythe.
Son livre a, sans surprise, eu beaucoup moins de succès que celui des deux évangélistes, car il s'adressait à l'intelligence du lecteur et pas à son côté avide de sensationnel et de scandale.
Victor et Victoria s'arrêtent, par stratégie ou ignorance, je ne sais pas, à une lecture littérale du bouddhisme tibétain, sans chercher à comprendre (ou sans vouloir le faire) le sens de ses symboles et sans nous permettre de nous en enrichir. Mais leur but n'est bien sûr pas celui-ci, ils ne voient que ce qui nourrit leurs convictions et oublient, occultent ou ne sont pas du tout intéressés par le reste.
En outre, il est bien difficile de prétendre donner des informations fiables sur cet univers sans connaître le sanscrit, le tibétain et le chinois. Mais nous ne sommes pas en présence de spécialistes (ou d'experts !) du sujet. Nous sommes face à des polémistes qui après avoir tenté plusieurs pistes de controverses rentables (leur maison d'édition de livres sur la gauche a fermé en 1986) ont trouvé un nouveau thème porteur et qui leur permet, sans beaucoup d'efforts de faire parler d'eux.
En résumé, pour trouver un condensé de lieux communs, d'approximations et de contre-vérités orientées sur le bouddhisme tibétain, vous pouvez faire confiance à Victor et Victoria (on ne sait d'ailleurs pas bien pourquoi Herbert et Mariana sont devenus les jumeaux victoriniens).