Identité nationale: les leçons de français d'Azouz Begag
Christian Lecomte
Issu de l'immigration, l'ancien ministre de Jacques Chirac, devenu candidat centriste, apporte sa contribution critique au débat
Salle du chef-lieu à Pringy (près d'Annecy) en fin de semaine passée. Cent vingt personnes assistent à une réunion publique d'Azoug Begag. L'ancien ministre chargé de la Promotion de l'égalité des chances de 2005 à 2007 est aujourd'hui le candidat du MoDem (Mouvement Démocrate, centre) à la présidence de la région Rhône-Alpes pour les élections de mars 2010. Il bat «les campagnes et montagnes» avec visiblement beaucoup de plaisir. Les nombreux dérapages racistes qui polluent le débat sur l'identité nationale voulue par Nicolas Sarkozy tombent, il est vrai, presque à pic pour ce Lyonnais d'origine algérienne adepte de la «discrimination positive» et défenseur acharné des banlieues.
«Franchouillard xénophobe»
Lui-même a grandi dans un bidonville. Il a écrit en 1986 le très remarqué Gone du chaâba, un récit d'enfance dans les cités. Celui qui décrochera un doctorat en économie sur le thème «L'immigré et la ville» et deviendra sociologue va ensuite publier une vingtaine d'autres ouvrages dont en 2007 Un mouton dans la baignoire, titre qui reprend des propos de Nicolas Sarkozy fustigeant les pratiques de certains musulmans.
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Le chef d'Etat français est désormais la cible de toutes ses attaques. «Racaille, Kärcher, voilà des mots qui maltraitent la langue française, qui outragent son identité, lâche-t-il. Moi, j'ai pris goût à cette langue avec Brassens, Brel et Aznavour.» Il rend hommage à son père émigré en France en 1947, «analphabète et unité de main-d'oeuvre toute sa vie» qui lui martelait que son unique devoir était «d'être le meilleur des meilleurs à l'école». Il le fut tout en se posant la question du devenir «des 39 autres de la classe». Pour y répondre, Azouz Begag combinera des fonctions de chercheur au CNRS et d'enseignant. Puis de politicien.
C'est Dominique de Villepin, alors premier ministre de Jacques Chirac, qui le fait entrer au gouvernement en 2005. Mais entré en conflit ouvert avec Nicolas Sarkozy qui le surnomme «Vidéo Begag» et l'actuel ministre de l'intérieur Brice Hortefeux, «ce franchouillard xénophobe qui, pendant le Conseil des ministres, mimait le geste de m'égorger», Azouz Begag démissionne deux ans plus tard pour ne pas perdre son âme. «J'ai dit au revoir à mes 13 000 euros (19 500 francs) mensuels, à la voiture officielle, j'ai pris le train et je suis rentré à Lyon» raconte-t-il. «Etre Français, justifie-t-il, ce n'est pas flatter le FN (Front National, extrême droite), c'est dire non comme le fit le résistant Jean Moulin face au nazisme ou de Villepin lorsqu'il déclara en 2003 à la tribune de l'ONU qu'il ne fallait pas aller faire la guerre en Irak.»
«Monsieur l'émir»
Ce soir-là en Haute-Savoie, il ne sera en fait que peu question de son programme pour la région Rhône-Alpes. Le candidat centriste souhaite d'abord, le temps d'une campagne, s'ouvrir à tous les citoyens «comme je le fis dans ce labo à ciel ouvert que sont les banlieues». Il veut rencontrer ceux des alpages «qui ont voté à 23% pour le FN» et «les 80% de jeunes de moins de 25 ans qui ne sont pas allés voter aux dernières élections européennes». «Je veux aller parler directement avec ceux qui choisissent Le Pen à cause des Arabes qui volent les autoradios ou qui veulent construire des minarets à Zurich ou Lausanne», annonce-t-il.
La Suisse? Ironique, il montre son costume et réajuste sa cravate: «Lorsque je suis à Genève, les boutiquiers m'appellent Monsieur l'émir, je suis une source de profit, je n'ai pas de casquette à l'envers même si papa était prolo.» Et conclut: «Dans 10 ans, on sera entouré de Chinois, alors il faudra que l'on se serre les coudes, les Français, les Arabes et les Africains, afin de protéger notre identité.»
[i] [b]Dans 10 ans, on sera entouré de Chinois, alors il faudra que l'on se serre les coudes, les Français, les Arabes et les Africains, afin de protéger notre identité.[/i]
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> L'ancien ministre Azouz Begag a-t-il fait preuve d'ironie, dans son interview au journal suisse "Le Temps", en prononçant cette phrase remplie de haine et de xénophobie à l'égard des ressortissants de la Chine et peut-être de tous ceux qui n'appartiennent pas à l'internationale "black, blanc, beur"; qui sont préoccupés par autre chose que par l'invective contre les citoyens exogènes. Y a-t-il de l'ironie dans cette déclaration imbécile? L'ironie suppose une distanciation critique et au moins la possibilité d'une double lecture. Il est difficile de voir une telle distanciation critique. Dans une très hypothétique invasion de Chinois et surtout, des races asiatiques (dont les anciens Indochinois de l'Indochine française, mobilisés comme leurs camarades africains dans les deux guerres mondiales, pour sauver la mère-patrie), l'ancien ministre fait appel de nouveau à une cohésion raciale qui a semblé avoir si bien réussi lors de la coupe du monde de football de 1998 (une équipe black, blanc, beur, qui reflète les fantasmes d'une Europe allant du pôle nord à l'extrême pointe de l'Afrique du sud et qui, surtout, ne devrait pas dépasser l'Arabie Saoudite) pour stigmatiser l'ensemble des citoyens d'origine asiatique et appeler à la haine de l'autre en invoquant un classement anthropologique débouchant sur un rêve d'unité ethno-culturelle qui serait le rêve d'une hypothétique civilisation islamo-chrétienne, s'étendant de la Finlande à l'Afrique du Sud.
> Nous demandons des excuses publiques de la part d'Azouz Begag sous peine d'être traduit devant la justice pour incitation à la haine raciale car nous estimons inexcusable qu'un ancien ministre de la République puisse se mettre ainsi en parfaite contradiction avec le préambule de notre Constitution (égalité de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion) et sollicite les suffrages de nos concitoyens rhônalpins. Nous demandons également à la direction nationale du MODEM de condamner fermement ces propos et de suspendre sa candidature aux prochaines élections régionales.
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> Léon Nguyen
> Président de l'ADRI (association de défense des rapatriés d'Indochine)
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