Qu'une jeune femme, éprise de son mari s'abstienne de faire l'amour avec lui ne me semble pas aller de soi. On ne peut pas mettre simplement cette abstinence sur la différence
« naturelle » de
« besoins » masculins et féminins.
Il n'est pas simple, sans doute, de démêler, dans le rapport que chacun avec son corps, ce qui relève de la culture et ce qui relève de la psychologie individuelle ou des blessures de l'enfance. Je vous suggère cependant de lire le beau livre de Van Gulik,
La Vie sexuelle dans la Chine ancienne (TEL, Gallimard). Vous y découvrirez que la sexualité chinoise a en effet une histoire bien différente de la nôtre. Alors que la civilisation judéo-chrétienne était déjà hantée par l'idée du péché originel, les Chinois ont connu un âge de l'innocence charnelle. Convaincus que la sexualité, loin d'être une faute, était le remède universel aux
« sept douleurs » et aux
« cent maladies » et que nous gagnerions l'immortalité si nous savions faire l'amour, les médecins qui écrivaient les manuels de
L'Art de la chambre à coucher, destinés à l'empereur, prescrivaient au contraire toute une gamme de pratiques érotiques raffinées pour garder ou recouvrer la santé. A la différence du kamasoutra, qui repose sur la volonté de renforcer la santé masculine au détriment, éventuellement, de celle de sa partenaire, l'art chinois de la chambre à coucher va de pair avec une attention extrême au plaisir et à l'équilibre physiologique des deux amants. Aucune pornographie dans ces textes, au contraire, un vocabulaire très poétique, qui donne de la sexualité une image bienheureuse, indemne de la culpabilité et de la souillure qui vont de pair avec le déferlement des images pornographiques sur nos écrans.
Le Musée Cernuschi a consacré, il y a quelques années, une superbe exposition à cette érotique chinoise,
Le Palais du printemps, dont vous pouvez encore vous procurer
le catalogue. Le lire et le feuilleter avec votre épouse serait peut-être un excellent moyen d'aborder le problème, de réfléchir avec elle à la manière dont elle vit son rapport à la sexualité. Il faut savoir en effet que le temps béni dont parle Van Gulik n'a pas duré ! le puritanisme s'est très vite imposé dans sa version confucianiste d'abord puis, celui des Mandchous. Les Chinois du XXème siècle auront vécu une répression sexuelle plus impitoyable encore sous le communisme avant d'être confrontés à la
« pornocratie » qui tient lieu, en Occident, de libération sexuelle.... Nos conduites sont aussi ancrées dans une histoire longue dont nous sommes largement inconscients et il n'est sans doute pas facile, pour une jeune chinoise, de se situer dans l'univers érotique qui est le nôtre. Peut-être un retour sur ce passé chinois méconnu sera-t-il salutaire.
C'est en tout cas ce que je vous souhaite,