Avant la naissance d'un enfant (superstitions chinoises)
Superstitions (traditionnelles) chinoises avant et au temps de la naissance.
Extrait de "Manuel des superstitions chinoises, ou Petit indicateur des superstitions les plus communes en Chine."
Par le P. Henri DORÉ, S. J. (1859-1931).
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"Divinités les plus secourables"
Avoir cinq garçons, riches, vigoureux, lettrés et mandarins : tel est l'idéal de toute famille chinoise (dans l'ancien temps). Afin d'obtenir la réalisation d'un vœu si cher, les époux font appel aux divinités les plus secourables :
1° Koan-in p'ou-sa, la ‘très miséricordieuse' (ta-ts'e ta pei), la ‘donatrice d'enfants' (Koan‑in song‑tse)
Dans plusieurs pays du Kiang‑nan, les femmes font présent à la déesse d'une paire de jolis souliers bien brodés, afin de capter ses bonnes grâces et d'obtenir la naissance d'un garçon. D'autres fois on emporte un des souliers déposés au pied de sa statue, puis après la naissance de l'enfant, on le remplace par une paire de souliers artistement brodés.
2° La fille du dieu de T'aichan, la célèbre Pi-hia‑yuen‑kunn, nommée encore T'ien‑sien song‑tse, T'ai-chan niang‑niang, Yu‑niu song‑tse.
Ses images, très variées de formes ; sont répandues à myriades par toute la Chine.
Les Acolytes de la déesse sont d'ordinaire :
- Tse‑suen niang‑niang, la Matrone de la postérité ;
- Tchou‑cheng niang‑niang, la Matrone de la fécondité ;
- Ts'oei'cheng niang‑niang, la Matrone qui active l'accouchement ;
- Song‑cheng niang‑niang, la Matrone qui apporte l'enfant.
3°
- L'Immortel Tchang Kouo-lao, montant son âne et portant un enfant entre ses bras.
- Koei-sing, le dieu de la Littérature, à qui on demande des enfants habiles dans les lettres.
- Liu Tong-pin, l'Immortel des Lettres.
4° Le génie Tchang-sien, le pourvoyeur d'enfants, armé d'un arc et décochant une flèche sur le Chien céleste, le grand ennemi de l'enfance. Son fils K'ien‑t'an se charge de remettre l'enfant aux suppliants.
5° Ngan-kong, très honoré au Ngan‑hoei, dans les parages de Ou‑hou ; il est aussi invoqué pour obtenir une descendance.
6° Beaucoup de païens font des pèlerinages aux pagodes célèbres, où des poussahs réputés sont honorés. Par exemple, à Ngo‑mei-chan, au Se‑tch'oan ; à Ou‑t'ai-chan, au Chan‑si ; à Kieou‑hoa‑chan, au Ngan‑hoei ; à Lang‑chan, au Kiang‑sou.
Dans ce dernier endroit, une roue, surmontée d'un pagodin, est mise en mouvement par ceux qui désirent obtenir un héritier. C'est une source de revenus pour les bonzes.
7° K'i-lin song-tse, la licorne pourvoyeuse d'enfants. Des tableaux représentent cet animal fabuleux, monté par une jeune femme tenant un enfant dans ses bras. C'est pour ce motif que la licorne figure au sommet de la chaise rouge d'une jeune mariée.
Images porte‑bonheur
Les images porte‑bonheur, ou d'heureux présage, sont en nombre illimité ; elles expriment un souhait, plutôt qu'une vraie prière.
Par exemple une image de quatre enfants : l'un porte une branche de jujubier couverte de fruits tsao, le second un instrument de musique cheng, le troisième tient un sceau, emblème de la dignité mandarinale, le quatrième porte une hallebarde et l'insigne d'un mandarin militaire. L'exergue de l'image est :
Tsao‑cheng koei-tse, Vite engendrez des enfants hauts dignitaires.
Le jeu de mots roule sur les deux sons : tsao, jujube, et tsao, vite ; cheng, instrument de musique, et cheng, engendrer. Ce n'est qu'un souhait exprimé à la jeune mariée, souvent sans superstition..
Moyens de procréer un enfant mâle (garçon).
1° Tsao‑nan. Un ménage qui a la douleur de n'avoir pas d'enfant mâle, mais seulement des filles, prend le moyen suivant. La première fille qui viendra encore au monde recevra un nom de garçon : le charme sera rompu ; l'enfant qui naîtra après elle, sera sûrement un garçon. Cela s'appelle procréer un garçon.
2° Un autre procédé moins inoffensif consiste à effrayer l'âme d'une fille, qui oserait s'incarner dans le sein maternel. La jeune épouse porte sur sa poitrine un couteau d'argent, confectionné pour cet usage. Ce couteau est aussi usité contre les influences nocives et contre les méchants lutins.
3° D'autres superstitions se pratiquent pour reconnaître le sexe de l'enfant avant sa naissance. Les devins, les tireurs de caractères, les diseurs de bonne aventures sont fréquemment consultés.
Cette pratique n'est pas nouvelle ! En 680 avant J.‑C., l'hégémon Tsi Hoan‑kong consulta la tortue et fit jeter les sorts pour connaître le sexe d'un enfant qui devait lui naître.
Croyances populaires traditionnelles
1° Tch'oang-kong Tch'oang-mou, les Esprits du lit, masculin et féminin.
L'image de ces Esprits est collée soit sur le lit soit dans le voisinage ; ils président à la conception des enfants 7.
2° Les bonzes et les tao-che dessinent des talismans pour hâter la délivrance. Ce sont des grimoires tracés sur des bandes de papier jaune ; les tche‑ma‑tien en vendent aux païens pour cet usage. Tantôt on les applique sur le corps de la personne enceinte ; tantôt on les brûle, et la cendre mêlée à une potion est avalée 8.
3° Le Miroir
Une femme enceinte doit éviter toute rencontre de mauvais augure ; par exemple : les enterrements, les visites aux malades.
Il est prudent de la munir d'un petit miroir qu'elle portera suspendu sur sa poitrine, afin de tenir éloignés les esprits malfaisants qui pourraient nuire à l'enfant.
4° Les éleveurs de vers à soie craignent l'entrée d'une femme enceinte dans la pièce où les vers sont nourris.
5° Garçon habillé en fille.
Après la mort d'un ou de plusieurs garçons dans leur bas âge, les parents prennent alors un moyen de conserver la vie au premier qui viendra à naître : ils l'habilleront avec un costume de fille, pour tromper les diables malfaisants.
6° Nom de fille.
Pour le même motif on donnera au nouveau‑né le nom de Siao‑ni-kou, petite bonzesse. Ainsi on conservera un héritier de la famille, un fils destiné à offrir des sacrifices à ses parents décédés : deux choses de première importance.
7° Les figurines.
Dans certaines pagodes sont exposées des figurines d'enfant. Les femmes viennent en choisir une à leur goût, lui passent un collier de sapèques au cou, le bonze lui donne un nom, et la femme l'emporte avec l'assurance d'avoir bientôt un garçon.
8° Exposition de la tablette de Ts'oei-cheng niang-niang.
On expose à la maison, au temps proche de la délivrance, la tablette de la Matrone qui active la délivrance.
Plusieurs déesses remplissent cet office, entre autres Ko‑kou niang‑niang, au Ngan‑hoei, dans le pays de Houo tcheou.
9° Vœu à une divinité tutélaire.
Pour obtenir un enfant mâle, on fera vœu à une divinité, promettant de lui vouer le nouveau‑né comme bonze, obligé à son service, et on l'habillera en bonze par esprit de reconnaissance. Dans ce cas les parents seront obligés de le racheter au moyen d'une aumône, soit en argent, soit en nature. Le prix de rachat est versé à la pagode.
10° Offrir une brique.
On prend une brique d'un pont portant le nom de Koan‑in pou‑sa, ou de K'i-lin‑k'iao et on l'offre au ménage privé d'enfants. C'est un jeu de mots entre tchoan, brique, et tch'oan, transmettre, descendance. C'est en même temps une allusion à Koan-in, la donatrice d'enfants, et à k'i-lin song‑tse, la licorne pourvoyeuse d'enfants.
11° Song‑kou, offrir un melon.
Voici une des plus curieuses coutumes usitées pour souhaiter à un ménage la naissance d'un héritier masculin. Cette offrande se fait le 15 de la VIIIe lune. Le melon doit être habilement volé dans le jardin d'un particulier, et le voleur ne doit pas être aperçu, sans quoi le charme perdrait toute son efficacité.
Le melon astucieusement braconné, on l'habille comme un poupon, on dessine sur l'écorce une figure d'enfant, puis on le porte, au son de la musique et des pétards, chez l'individu à qui on veut faire présent d'un enfant. Le melon est déposé sur le lit, recouvert d'une courtepointe, et le vieillard bien réputé qui l'y dépose dit :
Tchong‑koa té‑koa, tchong‑teou té‑teou, Quiconque plante des melons récolte des melons, qui pique des pois récolte des pois.
On sert un copieux dîner aux porteurs. La jeune femme doit manger le melon, et sûrement elle mettra au monde un joli garçon.
12° De même le 15 de la VIIIe lune, les femmes ne vident pas leurs vases de nuit, appelés vulgairement tse‑t'ong dans les campagnes. Les voisines ne manqueraient pas de voler le couvercle ou le vase lui-même, afin d'avoir un enfant. On sait que les femmes, après avoir nettoyé ce vase, le laissent en plein air et disposent le couvercle de façon à ce que l'air et le vent fassent dissiper la mauvaise odeur. Pourquoi cette crainte ? Un simple jeu de mots. Tse, enfant, avec tse de tse‑t'ong.
Au temps de la naissance
La bougie rouge.
Au temps des couches, on allume une bougie rouge : c'est un talisman exorciste destiné à chasser les âmes errantes qui cherchent un corps pour s'y réincarner, et viennent se disputer le corps du nouveau‑né, pour l'informer. Ces âmes, appelées encore t'eou‑cheng‑koei fuient la lumière et n'opèrent que pendant les ténèbres.
Tsouo‑jou
De peur de blesser les regards de la déesse Song‑cheng niang‑niang 1, il est strictement défendu de jeter au hasard les eaux malpropres de cette circonstance : on doit les enfouir dans un trou creusé dans le sol et soigneusement recouvert de terre.
Influence du caractère.
Tout homme, toute femme reconnus pour leur mauvais caractère, doivent être tenus à distance au moment des couches, de peur que l'enfant ne soit atteint du même défaut.
Tch'an-mou, morte en couches.
Si une femme meurt en couches, sur son tombeau on devra mettre un parapluie ouvert., pour la cacher aux yeux du ciel, comme un objet d'horreur.