Chrétiens en Chine: analyse de Portes Ouvertes
L'analyse de Portes Ouvertes
La Chine est un pays plein de paradoxes qui peuventparaître très déconcertants pour l’étranger. Tandis que certains responsables chrétiens chinois languissent en prison, d’autres parcourent le monde en parlant de liberté religieuse. Certains font passer la Bible en contrebande, mais celle-ci est aussi imprimée et vendue librement. Beaucoup de controverses entourent les questions concernant le nombre réel de chrétiens en Chine et la façon dont les organisations chrétiennes devraient aider l’Église chinoise.
Face à toutes ces incertitudes, l'expérience de Portes Ouvertes lui permet d'apporter l'analyse suivante qui peut être résumée en trois points essentiels : progrès, persécution et réveil.
Progrès
Les trente dernières années ont été marquées par un progrès énorme en matière de liberté religieuse en Chine, ouvrant la porte à de remarquables opportunités pour les chrétiens occidentaux de servir et de témoigner dans la société chinoise. L’oppression idéologique de la révolution culturelle (1966-76) est loin derrière et, à présent que la Chine ouvre son économie aux puissances mondiales, il est désormais possible de travailler légalement à l’intérieur du pays et de s’associer aux chrétiens locaux, quoiqu’il faille encore passer d’abord par l’église officielle.
Vingt-cinq millions de bibles ont été imprimées et vendues légalement depuis 1987. Elles sont vendues à bas prix (grâce à une subvention des Société Bibliques Unies) par l’intermédiaire des églises protestantes officielles et ont plutôt bien répondu à la demande de bibles dans les villes.
Même des chrétiens se réunissant dans des groupes de maison ont pu acheter ces bibles. Qui plus est, de nombreux conseils d’églises de province peuvent imprimer de la littérature chrétienne. Beaucoup de livres religieux sont aussi publiés et vendus dans des librairies gouvernementales par des maisons d’édition universitaires. Il s’agit d’un grand pas en avant qui mérite d’être salué.
Mais, dans les zones rurales où vivent 80 % des chrétiens appartenant à des groupes de maison, les Écritures manquent encore considérablement. Il est souvent impossible aux chrétiens habitant dans des villages de se rendre dans les villes pour acquérir des bibles, et ils ne pourraient de toute façon pas se permettre de les acheter. Ainsi, il semble que la moitié des chrétiens chinois n’ont pas encore leur propre bible. C’est pourquoi il est toujours important d'apporter la Parole en Chine en plus grand nombre que la quantité légale de production.
La production légale de bibles plafonne à 2,3 millions par an, bien que des accords ponctuels aient fait augmenter ce quota jusqu’à 3,5 millions. Étant donné la croissance de l’Église chinoise qui augmente d’environ 3 à 5 millions de membres chaque année, il est évident que cette initiative à elle seule ne suffit pas à répondre pleinement au besoin en bibles. Ainsi, si les missions occidentales conservent comme objectif de voir chaque chrétien chinois en possession de sa propre bible, il leur faut alors trouver des moyens de fournir ces bibles pour compléter les efforts de l’ "Amity press". Cependant, ces efforts n’ont pas l’approbation du gouvernement.
Des milliers de professeurs chrétiens ont enseigné l’anglais et d’autres matières dans les universités. Des séminaires et des églises ont été reconstruits ; des orphelinats et des établissements caritatifs ont été ouverts - tout cela grâce à des projets menés par des missions occidentales en coopération avec des organisations officielles reconnues par l’Etat. Ces possibilités devraient s’accroître dans le futur et les groupes faisant preuve de discernement continueront à tirer profit de cette porte ouverte aussi longtemps qu’ils en connaissent les risques et le degré de "corruption" que cela implique. La politique de Portes Ouvertes n’est pas de critiquer les groupes participant à ce type de travail mais de les approuver, aussi longtemps que le prix à payer pour leur investissement n’est pas de passer sous silence les persécutions.
Persécution
Certains nient totalement l’existence de la persécution en Chine. Toutefois, la plupart des chrétiens refusent de rejoindre les registres des églises agréées par l’Etat, car ils estiment que le contrôle exercé par les organismes gouvernementaux est intrusif et autoritaire. L’évangélisation y est illégale en dehors des murs de l’église ; de même est interdit l’enseignement religieux à tout jeune de moins de 18 ans. Les responsables d’églises de maison sont toujours emprisonnés et battus pour ce qui, dans la société occidentale, serait considéré comme la libre expression de leur foi.
Il faut admettre que certains organismes exagèrent le niveau de persécution auquel la moyenne des croyants ont à faire face : il s’agit en effet davantage de discrimination et de harcèlement que d’incarcération et de coups. Il existe en outre des différences importantes de tolérance au sein du pays. Dans certaines zones, les chrétiens se réunissant dans des églises de maison chantent haut et fort et construisent même leurs propres églises, défiant ainsi la législation officielle, et pourtant la police, qui connaît leur existence, les laisse tranquilles. Dans d’autres endroits, en revanche, les responsables des groupes de maison peuvent être arrêtés, battus, jetés en prison et les réunions être interrompues.
Les chrétiens chinois n’ont peut-être pas autant de martyrs que la Colombie, ils ne connaissent peut-être pas autant de restrictions que leurs frères et soeurs du Soudan ni autant de batailles contre des groupes armés que leurs frères indonésiens, mais l’Église chinoise, constituée de 60 à 80 millions de chrétiens, est encore aujourd’hui à elle seule la plus grande communauté persécutée du monde.
Le réveil
C’est à la suite d’un réveil massif sans précédent au sein de la chrétienté, survenu au début des années 70, que l’Église chinoise est devenue la plus grande communauté chrétienne du monde. Le nombre total de chrétiens est estimé entre 60 et 80 millions, mais il se pourrait qu’il y en ait davantage.
Sur ce nombre, seuls 17 millions appartiennent aux deux églises officielles de Chine -- le "mouvement patriotique des trois autonomies" (MPTA) du côté protestant (12 millions de membres) et "l’association patriotique catholique" (5 millions de membres). C’est pourquoi nous contestons le droit du gouvernement à désigner des responsables chrétiens s’exprimant au nom de toute la communauté chrétienne chinoise ; en outre, ce n'est pas surprenant que soit niée l’existence de la multitude appartenant aux groupes de maison (chrétiens non enregistrés).
Par conséquent, afin d’aider efficacement l’Église de Chine dans son entier, il est inévitable de désobéir à la police gouvernementale qui insiste pour que toute aide aille exclusivement aux églises officielles.
C’est à cause de cet engagement pris vis-à-vis des besoins de toute l’Église chinoise (qui est au moins trois fois plus grande que ne l’admettent les autorités), que nous faisons tous nos efforts pour continuer à compléter les méthodes utilisées pour satisfaire les besoins des églises officielles. Par exemple, étant donné que la production de bibles en Chine plafonne à 2,3 millions par an, nous devons fournir des bibles directement aux multitudes des églises de maison, ces groupes qui devraient continuer de croître à la vitesse de deux millions ou plus chaque année.
Nous croyons que les besoins de l’Église chinoise sont si vastes et si importants qu’il est insensé de la part des missions de se critiquer mutuellement quant à la méthode la plus appropriée. L’Église chinoise a besoin de l’aide de tous, à l’heure actuelle, et toute méthode est bonne... aussi longtemps que l’Église chinoise locale est respectée et servie.
En résumé
Les responsables d’églises approuvés par le gouvernement officiel ne parlent pas au nom de toute l’Église chinoise. Beaucoup d’autres pourraient parler pour ses branches souterraines, plus étendues, mais ceux-ci se voient refuser le droit de monter à la tribune pour exposer leurs besoins. À Portes Ouvertes, nous cherchons à exprimer clairement le point de vue des responsables de groupes de maison, parlant au nom de ceux qui ne peuvent le faire pour eux-mêmes.
Bien qu’il y ait des réelles possibilités approuvées par le gouvernement d’aider les chrétiens appartenant aux églises officielles, elles ne répondent cependant pas aux besoins de toute l’Église. Nous ne devons pas nous laisser tromper par la propagande du gouvernement ou les demi-vérités émanant de touristes occidentaux devenus des experts en matière d’affaires chinoises qui s’alignent sur la version officielle.
L’Église croît rapidement en Chine, mais elle manque de profondeur spirituelle. Ce n’est qu’en saisissant chaque opportunité d’aider les chrétiens chinois (en leur fournissant des bibles, en apportant une formation aux responsables, en priant pour eux et en les encourageant) que nous verrons le réveil le plus vaste du monde croître de façon massive et continue.