Afin que vous puissiez vous faire une idée du contenu du texte,j'ai fait un beau copié collé
Au demeurant, bien qu'il ne parle pas de la Chine, il est très intéressant pour tous ceux qui veulent travailler avec l'Asie du Sud-est.
Le marché étranger visé est rarement un espace vierge de toute présence commerciale. Les producteurs et importateurs locaux ont souvent contribué à façonner une organisation à laquelle l'entreprise est le plus souvent contrainte à s'adapter que le contraire. D'autre part, si l'entreprise estime compter plusieurs concurrents, compatriotes ou non, il lui faut admettre que l'intérêt qu'elle porte à un marché particulier risque d'être tôt ou tard partagé par ces derniers. L'entreprise doit ainsi s'informer précisément de l'état de la concurrence sur le marché visé. Cela est d'autant plus nécessaire que toute l'entreprise est fragile lors de son entrée sur un nouveau marché, offrant ainsi une vulnérabilité qui risque de ne pas échapper à des concurrents décidés et déjà solidement implantés sur ce marché.
Alain OLLIVIER, Professeur à l'ESCP-EAP (Paris)
Pour illustrer le point de vue du Professeur Alain Ollivier, je voudrais évoquer un petit sondage que je me suis amusé à faire au cours de mon séjour en Asie, auprès de managers avec qui j'ai eu le plaisir de bavarder. Travaillant dans le pays où je me trouvais, ils pouvaient être des nationaux (Vietnamiens, Thaîlandais...) ou expatriés (j'ai rencontré des "expats" coréens, japonais ou chinois ; mais la plupart du temps, ceux que j'ai torturés avec mes interrogations étaient occidentaux).
Le questionnaire très simple ne comprenait qu'une question pour chacun des deux groupes (autochtones, expatriés).
Aux managers de la nationalité du pays d'accueil, la question était : « Quelle est, selon vous, la principale difficulté rencontrée par les firmes étrangères dans votre pays ? » (Vietnam, Thaïlande, Malaisie, Singapour, Chine)
Et aux expatriés : « Quelle est la principale difficulté rencontrée par votre entreprise dans le pays où vous êtes en train de travailler ? »
Cela se déroulait le plus souvent un dimanche matin à la terrasse d'un café où l'on parlait de tout et de rien de façon détendue.
La question n'est pas fermée : mes interlocuteurs donnaient leurs avis.
Ils avaient le sens de l'humour : ont été signalés les moustiques, l'humidité, les choc thermiques entre l'extérieur et les bâtiments climatisés, les fantastiques agréments du pays d'accueil qui empêchent de se concentrer correctement... Bon point : il est réjouissant de converser avec des gens qui prennent la vie du bon côté. Nous avons en effet éclaté de rire.
Plus sérieusement, au-delà des spécificités de chaque lieu et entreprise, un certain nombre de problèmes à divers degrés revenaient dans les propos :
Rapports parfois difficiles avec les pouvoirs publics
Manque de fiabilité de certains partenaires (retards de livraison, non-conformité des produits au cahier des charges...)
Manque de clarté du cadre juridique
Comportement fautif des salariés
A mon étonnement, les différences culturelles et en matière de pratiques d'affaires, si souvent évoquées dans les séminaires de formation pour cadres expatriés, ne sont pas considérés par mes interlocuteurs comme des freins nécessitant des études coûteuses. « Il suffit de créer une ambiance de respect de la personne» disent-ils.
En fait, tous s'accordent à reconnaître que le défi premier tient à la concurrence, les autres problèmes étant finalement assez faciles à cerner :
des relations malaisées avec les autorités peuvent être solutionnées par le recours à des conciliateurs ; un avocat d'affaire peut conseiller en cas de difficultés d'ordre juridique ; un sous-traitant qui ne satisfait pas peut être remplacé ...
Que des firmes locales et étrangères réagissent pour contrer un rival, le processus n'a rien d'extraordinaire. La guerre économique se présente sur tous les marchés. Elle n'est pas spécifique à l'Asie du Sud-Est.
Excepté le cas particulier de Singapour où la situation est assez ouverte, ce qui caractérise la concurrence dans les pays de la région, c'est sa difficulté d'appréhension : ceci est non seulement du à la faible transparence des marchés en raison du manque d'informations précises, mais aussi à l'inachèvement de la pratique administrative et judiciaire contre les pratiques anticoncurrentielles et de concurrence déloyale (d'où, d'une part, la fréquence et une grande palette d'agissements possible en raison de l'insuffisante dissuasion institutionnelle, d'autre part, la difficulté de les identifier de façon rationnelle en analysant par exemple les décisions de justice).
Toujours est-il que trois caractéristiques concurrentielles peuvent désorienter l'entreprise occidentale, habituée à agir dans des environnements d'affaires balisés avec des fronts bien définis.
Absence de ligne de démarcation nette. Les apparences peuvent être trompeuses en raison de l'enchevêtrement des liens, à la fois non formalisés et très évolutifs, dans laquelle baignent les opérateurs économiques et de l'importance du secteur informel : un allié, pour certains segments d'activités, peut être en fait un rival indirect en raison de ses intérêts étroits dans une firme locale ou étrangère fabriquant des produits concurrents, qu'il s'abstiendra de dévoiler, non dans la volonté de nuire, mais pour des raisons concurrentielles. Dans la plupart des cas, la cartographie des intérêts d'un partenaire est de ce fait très difficile à dresser. Les clauses de confidentialité prévues par exemple dans des contrats de sous-traitance ne suffisent pas toujours. Aussi, pour répondre à ces incertitudes, les firmes prudentes déploient des plans de protection notamment de leur patrimoine technologique, d'autant plus que la protection de la propriété intellectuelle est généralement très lacunaire dans la région (sauf à Singapour). (Noter que les lignes de front seraient à Singapour beaucoup plus lisibles que sur les autres marchés grâce à un accès facilité aux sources d'information)
Importance des relations personnelles. Disposer de bons contacts permet d'octroyer à la firme un avantage compétitif (par faire : ex. un ami fournit une bonne info sur un sous-traitant ; ou ne pas faire : ex. : une administration s'abstient de faire des tracasseries). L'Asie ne fait pas exception à la règle. Le réseau social dans la région comporte cependant des spécificités. L'avantage compétitif n'a lieu que quand un certain nombre de conditions sont réunies. L'erreur la plus fréquente commise par les managers occidentaux est d'en avoir une vision restreinte aux relations de travail et des connexions abstraites entre technostructures. Le réseau en Asie n'est pas simplement des cartes de visites échangées, un ensemble de cadeaux d'entreprise, de repas d'affaires et de karaokés organisés rituellement entre décideurs. Ce qui est déterminant c'est la personnalisation qui va permettre de « positionner » l'entreprise au sein du réseau. Deux niveaux sont décrits : seuls les rapports d'amitié allant au-delà du travail entre deux individus construits sur le sentiment (tình cảm en vietnamien), la confiance et le long terme sont véritablement distinctifs et permettent des relations de type gagnant-gagnant (win-win). Hors ce noyau stable d'intimes (apparentés et amis), il faut avoir constamment à l'esprit que le réseau fonctionne selon le principe de l'intérêt mutuel bien compris, sur la base du donnant-donnant (tit for tat). Quoi qu'il en soit, on est dans le domaine de l'intuitu personae non transférable. Vu sa primauté, le portefeuille de relations de la firme, somme des connexions personnalisées de chacun des dirigeants, peut être considéré en Asie comme un actif incorporel au même titre que les brevets par exemple.
Osmose entre les milieux d'affaires et le monde politique. Les élites économiques et politiques sont étroitement imbriquées les unes aux autres en raison notamment de l'interventionnisme de l'Etat dans la vie économique, mais encore de liens personnels forts qui unissent les individus entre eux par-delà leurs fonctions professionnelles. Cette connivence a l'avantage, outre d'augmenter la vitesse de la prise de décisions, d'assurer la synchronisation entre le pouvoir public et les entreprises dans le cadre de stratégies de promotion des exportations où le gouvernement a la mission de régler notamment à l'OMC les problèmes d'accès aux marchés. Toutefois sur le plan de la concurrence, des lignes de partage floues entre le business et les titulaires de charge publique peuvent engendrer des conflits d'intérêt qu'un opérateur venant d'un pays éloigné n'est pas toujours en mesure de détecter. C'est ainsi qu'une firme étrangère peut se trouver en situation d'inégalité face à des entreprises (locales ou étrangères) bénéficiant de protections politiques.