recherche
sous-menu

Le Musée National de Pékin réécrit l'histoire


photo
Ses participations : 1719
Ses discussions : 76
11/04/2011 à 19:58 - Le Musée National de Pékin réécrit l'histoire
Décidément, l'actualité culturelle chinoise est sombre ces temps-ci. Le Musée National de Pékin, qui vient de réouvrir ses portes après 3 ans de travaux, occulte les raisons de la grande famine qui a suivi le Grand Bond en avant et réécrit l'histoire.

C'est ce qu'on apprend dans Le Monde d'aujourd'hui :

Les expositions du Musée national de Chine détournent l'histoire

Le Musée national vante la chine patriotique
photo
Ses participations : 42
Ses discussions : 2
11/04/2011 à 21:18 - Le Musée National de Pékin réécrit l'histoire
J'avais lu un article du New York Times très intéressant à ce sujet : http://www.nytimes.com/2011/04/04/world/asia/04museum.html?_r=1

Clairement le gouvernement a loupé une occasion de briller. Ils l'ont rénové après s'être rendu compte pour les JO qu'il n'y avait aucun musée d'envergure mondiale dans le pays. Un comble vu son histoire plus que riche. Ca aurait été assez simple de laisser le champ relativement libre aux historiens, et de faire enfin face à leur histoire.

Ma femme (chinoise) a beau avoir un avis mitigé sur les questions politiques, elle ne cesse de pester contre la politique culturelle. Entre les films interdits pour rien, les écrivains qui ne peuvent pas écrire ce qu'ils veulent, et maintenant les musées qui oublient la moitié de l'histoire contemporaine, elle m'a dit que le gouvernement n'est qu'un tas de "paysans incultes et sans éducation qui ne pensent qu'à l'argent" et finalement les étrangers en savent plus que les chinois sur l'histoire moderne de leur pays. Et si on ne connait pas son passé, il y a plus de risques de commettre les mêmes erreurs...

On se rend compte du niveau des responsables quand on voit leur priorité : avoir le plus grand musée du monde, peu importe si il est à moitié vide et qu'il faut héberger une expo étrangère pendant 1 an (!!!) pour le remplir un peu. Certains pourraient penser qu'ils ont quelque chose à compenser ^_^
photo
Modérateur
Ses participations : 2898
Ses discussions : 928
Changsha
12/04/2011 à 02:31 - Le Musée National de Pékin réécrit l'histoire
Occulter ne veut pas dire "réécrire l'histoire"... Il est certainement des sujets qui ne sont pas abordés également dans les livres d'Histoire des petits écoliers français...

Réécrire l'Histoire c'est plutôt ce que fait le Japon au sujet du massacre de Nankin sur les manuels scolaires japonais qui résument le massacre à une note de bas de page "à la mémoire des guerriers japonais".
photo
Ses participations : 847
Ses discussions : 13
12/04/2011 à 03:06 - Le Musée National de Pékin réécrit l'histoire
Merci à Daweide de ce petit rappel. En France, la guerre d'Algérie est toujours tabou. Et je crois que beaucoup de pays occultent volontairement des périodes de leur histoire.

Quant aux musées dignes de ce nom, c'est une affaire de pays riche, il n'est pas étonnant que la Chine ait encore beaucoup de retard. Mais un peu de volonté politique rémédiera rapidement à la question, puisque'elle a les moyens maintenant.
photo
Ses participations : 1719
Ses discussions : 76
12/04/2011 à 08:05 - Batailles de mémoire
Les politiques ont toujours tendance à gommer les aspérités du passé et à instrumentaliser la mémoire mais, dans une démocratie, les contre-pouvoirs sont là pour les empêcher d'occulter ce qui dérange ou de biaiser la réalité.

Puisque Stardust parle de l'Algérie (qui est bel et bien au programme scolaire), je vous donnerai un premier exemple de ces batailles de la mémoire en France.

La loi du 23 février 2005 «portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés» a été abrogée après de vigoureuses protestations de chercheurs et d'enseignants considérant que ce n'est pas à l'Etat de déterminer le sens et la valeur des événements historiques (j'ai personnellement fait signer une pétition contre cette loi dans mon établissement). La loi stipulait en effet : « Les programmes de recherche universitaire accordent à l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite. Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit »...

Lorsque M. Sarkozy a voulu instrumentaliser les professeurs en leur faisant lire la lettre à Guy Mocquet ou en faisant parrainer un enfant juif disparu dans les camps de la mort par chaque petit écolier de 10 ans, il s'est, là encore, heurté à la résistance du corps enseignant : dans mon lycée, tous les professeurs réquisitionnés pour lire la fameuse lettre (je l'étais et j'étais aussi leur porte-parole) ont refusé de le faire (sauf un).

L'objectivité historique ne se donne pas toute seule, elle ne peut exister sans la liberté de la recherche, sans le débat et la controverse ; là encore, c'est la grandeur de la démocratie que de les permettre même si, quelquefois, il faut bousculer les politiques pour qu'ils respectent les principes au nom desquels ils nous gouvernent.

Ceci dit, je suis d'accord avec ce que dit Daweide sur les massacres de Nankin. C'est un sujet que j'ai abordé moi-même sur le site (les massacres de Nankin, une page oubliée de l'histoire chinoise, ) ce qui, à l'époque, ne m'a pas valu que des éloges, c'est le moins qu'on puisse dire. J'y dénonçais déjà les curieux silences de notre école sur ce drame :

laoshi a écrit :
l'histoire de la deuxième guerre mondiale est au programme d'histoire des classes de lycée or je constate que, dans l'esprit de mes élèves, le Japon n'a jamais rien été d'autre qu'une victime de l'arme atomique. Le révisionnisme, quasi-officiel, qui sévit au Japon me semble presque aussi inquiétant que celui le poison négationniste concernant les chambres-à-gaz. Le savoir est le seul moyen que nous ayons pour le combattre.

Dernière édition : 12/04/2011 08h19

photo
Ses participations : 218
Ses discussions : 20
12/04/2011 à 11:07 - Le Musée National de Pékin réécrit l'histoire
Il est très difficile, même dans la Chine actuelle, de parler des erreurs commises sous la direction de Mao Zedong. Dans l'intimité d'une discussion entre parents et amis on parvient à entendre de sévères critique, mais en publique...il me parait impossible que cela se fasse.

A voir les queues interminables de visiteurs chinois, qui viennent souvent de très loin, pour visiter le mausolée de Mao, on se rend compte que le culte, la légende, est toujours vivante.

Est ce que nous français nous mettons en lumière les crimes contre l'humanité perpétrés par Napoléon Bonaparte au nom de la république ?
Exemple de texte tiré des manuels scolaires français :

"Napoléon rêve de dominer le monde pour de multiples raisons : pour sa gloire personnelle, mais aussi pour le développement de la France et la diffusion de certains principes révolutionnaires. De 1803 à 1815, l'Europe connaît ainsi douze années de guerre presque ininterrompues au cours desquelles près de 2 200 000 Français sont soumis à la conscription.
La Grande Armée, qui n'existe officiellement que de 1805 à 1808, est composée de divisions d'infanterie, de régiments de cavalerie et de corps spécialisés comme le corps des grenadiers ou la très prestigieuse Garde impériale.
Les effectifs de l'armée napoléonienne atteignent jusqu'à 400 000 hommes en 1813. La carrière militaire suscite chez de nombreux jeunes gens l'espoir d'une promotion sociale ; tous rêvent de marcher sur les traces du « petit caporal » devenu empereur."


Les 2,5 millions de morts, résultat des guerres Napoléoniennes, ils sont passé où ?

Si non, petit Hors Sujet, j'ai apprécié de pouvoir prendre autant de photos que je le souhaitais dans les musées chinois. En France, c'est impossible.
J'aime beaucoup le musée de la capitale (Capital Museum of Beijing) :
No.16, Fuxingmenwai Main Street, Xicheng District Pékin (Beijing) 100045
Chine
010-63370491
Astuce...réserver les tickets, même 3min avant d'entrer, devant les portes, avec un tel mobile. Les tickets réservés sont gratuits. Suffit d'entrer et de donner le num de réservation obtenu 2min plus tôt et on ne paye pas
Autre conseil : Vider la carte flash de l'APN, prendre une batterie de rechange ! On peut shooter ce qu'on veut et il y a énormément à voir ! Une bonne journée de visite, prévoyez le casse-croute, et des yuans, pour acheter livres, cartes postales, tableaux, etc, dans la boutique du musée.
photo
Ses participations : 4850
Ses discussions : 146
12/04/2011 à 16:57 - Le Musée National de Pékin réécrit l'histoire
Le Musée national de Beijing était encore en rénovation l'an passé, mais je l'avais visité antérieurement et trouvé très poussiéreux et mal organisé.

J'ai donc lu l'article proposé avec intérêt pour comprendre en quoi les expos "détournaient " l'histoire. Le choix des mots n'est pas innocent.

Détourner, c'est modifier le cours, la direction; diriger vers un autre centre d'intérêt, un autre but; soustraire frauduleusement...
Occulter, taire, auraient été plus proche de la réalité.

Effectivement, d'après l'article, la place donnée aux périodes du "grand bond en avant" et à la "révolution culturelle" sont minimales . Mais on ne peut dire que l'histoire est réécrite. ce n'est pas du négationisme.Seuls les commissaires de l'exposition pourrait expliquer quel a été leur objectif. J'aurai aimé que Yang Jisheng, le spécialiste du GBA explique comment cette période sombre aurait pu être exposée au public. On aurait pu concevoir une expo d'affiches de propagande de l'époque mises en parallèle avec les chiffres réels...Je pense qu'effectivement il ne faut pas nier le passé et au contraire s'en servir pour qu'il ne se reproduise plus.

photo
Ses participations : 1719
Ses discussions : 76
12/04/2011 à 18:45 - Le choix des mots
Je crois qu'il y a quelque mauvaise foi à pinailler sur un mot quand il s'agit de 30 ou 40 millions de morts....

Qui de Yang Jisheng (qui, à votre avis, utilise abusivement le mot "détourner" au lieu d'"occulter") ou du Musée (qui passe sous silence les 30 à 40 millions de morts du Grand bond en avant, les horreurs de la Révolution culturelle et les massacres de Tian'Anmen) est, selon vous, le manipulateur ?

"Occulter" 30 ou 40 millions de morts, passer sous silence une réalité aussi massive, n'est-ce pas la "soustraire frauduleusement" à la connaissance des visiteurs ?

Mais ce n'est sans doute pas pour rien que l'auteur de l'article parle de "détournement" au sens de "modifier le cours", car il est très précis sur ce qu'il entend par là :

En occultant "ce qui s'est passé durant la grande famine", "ceux qui sont au pouvoir veulent justifier leur légitimité, affirme-t-il, ils écrivent l'histoire selon leurs besoins".

Ils nient à la fois les faits "les 30 à 40 millions de morts de cette époque" et les causes politiques de ces faits et n'hésitent pas à violer la mémoire du peuple chinois :

Yang Jisheng a écrit :
D'une part, les 30 à 40 millions de morts de cette époque sont entièrement dus à des erreurs de gestion, et à des problèmes liés à la nature du régime. D'autre part, ces morts ont bien eu lieu et les Chinois s'en souviennent, vouloir prétendre que ça n'a pas existé, c'est comme voler une clochette en se bouchant les oreilles.


Le premier objectif politique de cette "histoire mutilée" est, selon Yang Jisheng, de réorienter l'histoire vers ce qu'ils appellent "la voie de la renaissance".

Yang Jisheng a écrit :
La "voie de la renaissance" accrédite l'idée que la Chine a connu des périodes glorieuses, puis qu'elle a décliné, et qu'il faudrait donc revenir à une époque antérieure. Faut-il comprendre que l'on doit retourner à une ère autoritaire, comme sous les Qin, les Han, ou les Tang ?


A cet objectif qu'on pourrait appeler "offensif" (sans connotation guerrière), s'ajoute un objectif politique "défensif" :

Yang Jisheng a écrit :
La crainte, c'est qu'en le disant, le régime se sente obligé de faire de vraies réformes. Sans provoquer autant de morts, il est tout à fait possible que d'autres erreurs se produisent. Les grands projets en Chine ne donnent pas lieu à des débats démocratiques, et cela comporte des risques.


La critique de Yang Jisheng et les mots qu'il emploie me semblent donc parfaitement fondés. On peut n'être pas d'accord avec l'analyse de cet historien, il le dit lui-même et se dit prêt à débattre avec ses contradicteurs (qui, jusque-là, ne lui ont opposé que des menaces, y compris des menaces de mort) mais on ne peut pas dire qu'il n'ait pas fait une analyse parfaitement cohérente de cette mutilation de l'histoire et qu'il n'ait pas choisi le vocabulaire pertinent.

Il est au moins d'accord avec vous sur un point, Michelem : "il ne faut pas nier le passé" mais "au contraire s'en servir pour qu'il ne se reproduise plus"

Dernière édition : 13/04/2011 15h34

La Chine 中国 (Zhongguó), pays de l'Asie orientale, est le sujet principal abordé sur CHINE INFORMATIONS (autrement appelé "CHINE INFOS") ; ce guide en ligne est mis à jour pour et par des passionnés depuis 2001. Cependant, les autres pays d'Asie du sud-est ne sont pas oubliés avec en outre le Japon, la Corée, l'Inde, le Vietnam, la Mongolie, la Malaisie, ou la Thailande.