Votre éclairage de la relation entre capitalisme et protestantisme est très intéressant. Merci laoshi
J'avais cherché hier la vidéo et j'avais trouvé aussi cet article (dtant de 2006) qui provient d'un site d'évangélistes ...
Chine : Les chrétiens s'éveillent, les évangélistes américains plus influents que les catholiques
LEXPRESS.fr du 06/12/2006 – Frédéric Koller
Alors que les conversions se multiplient dans les grandes villes,
de nombreux intellectuels critiques voient dans le christianisme une arme de leur combat pour la démocratie. Un phénomène où les Eglises évangéliques américaines jouent un rôle de premier plan.
C'était le 11 mai dernier, à la Maison-Blanche. Pour la première fois, un président des Etats-Unis recevait, au cours de son mandat, des opposants au régime chinois. Pas n'importe lesquels. Les écrivains Yu Jie et Wang Yi, ainsi que l'avocat Li Baiguang sont protestants. George W. Bush, le pieux, et Dick Cheney, son bras droit, adoubaient ainsi les représentants d'une mouvance qui gagne en importance au sein des élites intellectuelles chinoises: les convertis. Des chrétiens qui ont pour références Jésus, Nelson Mandela, Martin Luther King ou Gandhi. Et, aussi, l'Amérique conservatrice.
Yu Jie, 33 ans, est rentré impressionné: «Bush est un homme chaleureux, sincère et simple. J'aime cela. Il se soucie davantage des droits de l'homme en Chine que Bill Clinton, et bien plus encore que les Européens.» Lors de ses deux passages à Pékin, en 2002 et en 2005, le président américain a exprimé ses convictions et défendu la liberté religieuse à Qinghua, l'université des élites technocrates. Ses interventions ont laissé des traces parmi les démocrates chinois. Car ici, comme en Europe de l'Est, les Etats-Unis demeurent, malgré les revers en Irak et ailleurs, la référence des combattants de la liberté.
Depuis une dizaine d'années, le christianisme connaît un essor spectaculaire. Les statistiques évoquent le chiffre de 25 millions de chrétiens, toutes tendances confondues. Ils seraient deux fois plus nombreux, dit-on, en tenant compte des pratiquants «non officiels» – non rattachés à l'une des deux «Eglises patriotiques», la catholique et la protestante. Certains estiment même les chrétiens à 100 millions d'individus, sur une population de 1,3 milliard.
Longtemps demeurée un phénomène rural, l'expansion du christianisme devient une réalité urbaine. Surtout, un nombre croissant d'écrivains dissidents, d'intellectuels critiques, de journalistes et d'avocats se disent aujourd'hui chrétiens. Outre le besoin spirituel, leur conversion a souvent pour origine une réflexion intellectuelle qui les amène à associer la tradition chinoise à une prison mentale et la démocratie à un socle religieux chrétien: «George Washington et Mao Zedong ont tous deux prôné le pouvoir du peuple et la démocratie, explique Li Baiguang. Washington a réussi, alors que Mao a échoué. Pourquoi? Parce qu'il n'avait pas l'esprit de tolérance. Or c'est l'esprit qui détermine l'action. Washington, lui, avait la foi. Voilà la différence.»
A écouter les nouveaux convertis, il n'y aurait pas de loi sans foi et la Chine ne pourra faire l'économie d'une révolution des esprits si elle entend un jour être libre, juste, démocratique et... puissante. «Au début, nous pensions que la force des Etats-Unis venait de la loi, explique Lu Kun, une informaticienne dont le mari est emprisonné pour délit d'opinion. A présent, nous avons compris qu'elle vient de Dieu. La Bible est le fondement de la vie des Américains et de leur Constitution. Nous n'avons rien de cela en Chine.»
Les évangélistes américains sont plus influents que les catholiques
Bouddha, Confucius ou Lao-tseu (taoïsme)? Ils seraient inadaptés à la modernisation de la Chine. Seuls le Dieu chrétien universel et son message d'amour seraient porteurs des idées d'égalité et de responsabilité individuelle: «Dans la tradition chinoise, il n'y a pas de pensée qui représente la liberté, la démocratie ou l'équité, poursuit Yu Jie. Le confucianisme sert l'empereur. Le bouddhisme, lui aussi, est une religion du pouvoir. Etre chrétien ne signifie pas que l'on n'est pas patriote. Le christianisme fait partie de l'histoire chinoise. Ce n'est pas la religion des Blancs; elle appartient à tous.»
Ce constat était en partie celui de nombreux libéraux chinois au début du XXe siècle, dont le père de la République chinoise, Sun Yat-sen, ou le célèbre écrivain Lu Xun. Il existe toutefois une différence de taille: ce christianisme-là était imposé par des missionnaires, associés à l'impérialisme des grandes puissances coloniales. A l'inverse, les nouveaux chrétiens chinois s'appuient sur une démarche personnelle. En outre, ce n'est plus le catholicisme qui influence la formation des élites occidentalisées, comme il y a un siècle; désormais, les Eglises évangéliques américaines font figure de modèle.
«L'intérêt pour le christianisme parmi les intellectuels chinois est énorme, confirme Jean-Paul Wiest, chercheur rattaché au centre Asie de l'université de Hongkong. Et c'est normal. D'une part, hormis quelques vieux cadres du parti, plus personne ne croit à l'idéologie communiste; d'autre part, les intellectuels se sont rendu compte des mensonges officiels sur le christianisme. Cela les pousse à étudier cette religion et à ouvrir la Bible.»
Xu Yong-hai, médecin, converti en 1989, semble lui donner raison. Libéré il y a quelques mois, après deux ans de prison pour avoir dénoncé des persécutions religieuses, il avance que «les intellectuels chinois comprennent Dieu mieux que d'autres, peut-être, et pourraient devenir un jour les missionnaires du monde. Car Dieu, c'est le tao. La voie.»
Ces intellectuels chrétiens se divisent en trois catégories, selon le chercheur français: les protestants, qui pratiquent dans des églises dites «de familles» – dans des appartements, des maisons privées – les catholiques, moins nombreux, qui fréquentent pour la plupart l'église officielle, et les chrétiens culturels, qui ne s'identifient à aucune Eglise et qui seraient les plus nombreux.
L'Arche, créée en 2001 par Yu Jie et sa femme avec deux couples d'amis, est l'une de ces «Eglises de familles». Elle est la plus influente, car elle regroupe les membres les plus actifs du mouvement de la défense du droit en Chine comme Li Baiguang, Jiao Guobiao et le célèbre avocat Gao Zhisheng. Ce dernier s'en est éloigné en début d'année, après avoir échoué à transformer ce cénacle en salon intellectuel. Yu Jie s'y opposait parce que, selon lui, si le croyant doit bel et bien s'impliquer dans la vie sociale, il n'a pas vocation à nourrir des ambitions politiques. Gao Zhisheng a finalement été arrêté par la police pour son activisme; il est emprisonné depuis le 15 août.
La cinquantaine de fidèles de l'Arche se retrouve le dimanche, à 14 heures, pour prier avec un pasteur venu du port de Wenzhou, berceau du capitalisme chinois, qui voit le nombre de ses églises s'accroître considérablement, au point qu'il est en passe de devenir la nouvelle Jérusalem... Sous surveillance policière, l'Arche a changé de lieu de rencontre à plusieurs reprises ces derniers mois. Selon une réglementation de mars 2005, toute réunion à caractère religieux doit obtenir l'aval des autorités locales. Une exigence contestée par de nombreux chrétiens au nom de la liberté de croyance inscrite dans la Constitution.
«Le régime veut prévenir l'émergence d'un Mandela chinois»
Contrairement à la répression observée dans les campagnes, le pouvoir reste relativement tolérant en ville: «Lors d'une réunion interne du parti, à l'automne dernier, le président Hu Jintao a dit qu'il fallait éviter de créer des martyrs, explique Yu Jie. Le régime veut prévenir l'émergence d'un Mandela chinois.»
La rencontre de la dissidence avec Dieu remonte au lendemain de la répression du mouvement démocratique de 1989. Un signe ne trompe pas: parmi les 21 étudiants les plus recherchés, à l'époque, par la police, un tiers se sont convertis au christianisme. Parmi les manifestants d'alors, beaucoup résident aux Etats-Unis, où des milliers de cerveaux chinois ont émigré depuis quinze ans. Nombre d'entre eux ont été séduits par le prosélytisme des Eglises évangéliques et, de retour en Chine, conservent cette foi. Prudents, les chrétiens des «Eglises de familles» insistent sur la totale indépendance de leur démarche.
Certains y voient, cependant, l'oeuvre de missionnaires d'un type particulier: «Le gouvernement chinois sait très bien que 90% des experts et des professeurs d'anglais qui viennent ici sont des missionnaires déguisés et que la plupart font partie de mouvements évangélistes, souligne Jean-Paul Wiest. Ils sont très surveillés et, de temps en temps, certains se font expulser. Ce n'est pas le meilleur moyen de faire progresser le christianisme dans le pays.»
Les intellectuels convertis voient dans leur religion une force de changement politique, au point que certains rêvent d'une Chine majoritairement chrétienne. Wang Meixiu, chercheuse à l'Académie chinoise des sciences sociales, conteste ce point de vue: «Le nombre de chrétiens augmente et leur foi a un impact sur leur sphère privée. Mais je ne vois aucune influence de cette religion dans l'espace public.» Elle met également en doute le lien entre christianisme et démocratisation: «Tchang Kaï-chek était chrétien, lui aussi. Il n'en était pas moins un dictateur.»
Jean-Paul Wiest ne pense pas non plus que le christianisme puisse un jour devenir prédominant en cette terre de bouddhisme. «Mais il aura sans doute un rôle de ferment dans l'émergence d'une société civile et de la démocratie, comme ce fut le cas à Taïwan.» Yu Jie évoque un autre risque: «Ma crainte, ce sont les faux chrétiens, qui utilisent Dieu pour parvenir à d'autres fins, une fois au pouvoir. Comme les Taiping, au XIXe siècle.» On comprend son inquiétude. En matière de fausses croyances et d'utopies destructrices, les Chinois en ont déjà trop vu.
http://www.blogdei.com/685/chine-les-chretiens-s-eveillent-les-evangelistes-americains-plus-influents-que-les-catholiques/