26/02/2010 à 22:10 - "camarades"
J'ai lu moi aussi que les homosexuels chinois s'appelaient maintenant entre eux 同志 tóngzhì « camarade », Michelem, et je me suis demandé si cette appellation, qui était la formule de politesse ordinaire pendant toute la période communiste, avait disparu de la vie publique au profit des formules pré-communistes comme 先生 xiānsheng [monsieur], 夫人 fūren [madame], 小姐 xiǎojie [mademoiselle] (je sais bien que la Chine reste officiellement « communiste » mais il y a parfois bien de la distance entre les mots et les choses). J'imagine les quiproquos que cela pourrait entraîner dans la vie courante pour un étranger qui ignorerait le sens figuré de l'expression !...
Je n'ai pas traduit l'intégralité de l'article, Tintin, j'ai laissé de côté des aspects émouvants mais anecdotiques concernant la vie de Ba Li, entre autres l'examen nocturne auquel l'a soumis sa mère cherchant, alors qu'elle croyait son fils endormi, à déceler sur son corps une anomalie qui expliquerait sa « déviance ».
Cette représentation de l'homosexualité me semble d'ailleurs largement liée à l'introduction de la médecine occidentale dans la pensée chinoise. La Chine ancienne était aussi tolérante à l'égard de l'homosexualité que la Grèce ou la Rome antiques, l'essentiel étant, aux yeux des moralistes d'alors, de savoir user de manière pondérée des plaisirs du corps et non de cataloguer les préférences sexuelles. Personne, dans la Chine ancienne, n'aurait eu l'idée de stigmatiser les pratiques que nous appelons « homosexuelles ». C'est l'excès, l'intempérance, que condamnaient les sages anciens.
La culpabilisation de l'homosexualité en Chine est d'abord une affaire de prêtres (bouddhistes en l'occurrence) puis, repensée à la lumière de la science occidentale, une affaire de médecins. Car c'est la psychiatrie du XIX° siècle qui a « inventé » l'homosexualité, non pas comme réalité mais comme catégorie nosologique (ou, pour le dire plus simplement, comme « maladie »). Le dogme communiste a voulu en faire une pathologie « bourgeoise » qu'aurait définitivement éradiquée, comme par enchantement, la Révolution prolétarienne.
La reconnaissance actuelle de l'homosexualité en Chine, malgré les ambiguïtés que pointe l'article de Daily China, consacre le triomphe de la réalité sur l'idéologie et un incontestable progrès dans les libertés.