les sentences de «rééducation par le travail» (une forme de travail forcé institué à l'époque maoïste) ne relèvent pas des tribunaux et des juges. Elles sont prononcées par des «comités» où il revient aux policiers de juger et de condamner. Pratiquement aucun recours n'est possible. Ce système parajudiciaire est opaque, alors que les peines infligées peuvent aller jusqu'à quatre années de travail forcé. A raison de douze heures par jour, dans un silence total, des centaines de milliers de détenus triment ainsi dans quelque 300 camps usines du pays. Les hommes fabriquent des outils en tout genre, les femmes des textiles.
Le camp de rééducation où est détenue Cheng Jianping s'appelle Shibalihe. Il est situé à Zhengzhou, capitale de la province du Henan. Il a ses propres règles : «Cheng a des problèmes cardiaques et pour cette raison, le camp a initialement refusé de la prendre en charge. La police a insisté, alors ils l'ont quand même écrouée, mais en la dispensant de travail», précise Hua Chunhui. «J'ai déjà été enfermé dans des centres de détention, dit-il. On est jusqu'à quatorze sur un même lit de brique, tellement serrés qu'on ne peut dormir que sur le côté. Les lumières ne s'éteignent jamais. Deux détenus doivent monter la garde la nuit. Les toilettes sont dans la même pièce, sans paravent.» La nourriture, explique-t-il, est toujours insuffisante. «On a faim tout le temps. On ne pense qu'à manger.» L'administration des camps vend tout ce qu'il faut pour pallier la maigreur de ses rations : plats préparés, fruits, boissons - à un prix exorbitant. Pour manger, un prisonnier doit ainsi dépenser, en plus de la nourriture allouée, environ 3 000 yuans par mois (334 euros), le double du salaire mensuel d'un ouvrier, estime-t-il. «Comme je ne veux pas que ma fiancée souffre trop, je lui envoie de l'argent.»
Dernière édition : 16/05/2011 13h15