21/03/2011 à 07:06 - "aube de l'Odyssée"
Mon message était sans doute trop rapide pour être clair, Michel, je n'avais pas le temps de développer (j'ai passé tout mon week-end ou presque sur mes copies) je voulais simplement lancer le débat. Je vais donc préciser mon propos.
Si je dis que « la Chine vient d'esquisser un tournant historique », c'est qu'au début de la crise lybienne (comme au début des crises tunisienne et égyptienne), les autorités chinoises ont bruyamment souhaité « un retour à la stabilité », se faisant ainsi, purement et simplement, les alliées objectives d'un dictateur paranoïaque (même si, par ailleurs, elles n'ont aucune sympathie pour ce fou dangereux qu'est Kadhafi). L'essentiel était en effet, pour les dirigeants chinois, de conjurer le danger d'une contagion de ce nouveau « printemps des peuples » éclos en plein hiver dans le monde arabe => la répression démesurée des manifestations dominicales et pacifiques des « promeneurs » de Pékin et d'ailleurs (répression qui a bien existé quoi qu'en disent certains de nos amis du forum). Glaciation géopolitique au niveau international et statu quo interne allaient de pair dans cette stratégie, l'une étant en quelque sorte le garant de l'autre.
En renonçant à utiliser leur droit de veto et en choisissant finalement l'abstention, les dirigeants chinois reconnaissent donc du bout des lèvres la légitimité de l'aspiration des peuples à la liberté et ils le font, à mon avis, parce qu'ils ne peuvent plus, sans perdre eux-mêmes toute légitimité aux yeux de leur propre opinion publique, se faire les alliés objectifs d'un tyran sanguinaire. C'est pourquoi j'écrivais que « les dirigeants Chinois commencent à intégrer l'idée que "le désir de liberté, comme le disait récemment Wen Jiabao, est irrépressible." »
@ Michelem : qu'entendez-vous par « une diplomatie du plus fort » ? Qu'est-ce que cela veut dire concrètement avec un despote mégalomane et paranoïaque comme Kadhafi ? Croyez-vous que le maintien au pouvoir du tyran lybien n'aurait pas (et n'a pas déjà) « amené beaucoup de souffrance au peuple Lybien » ? Fallait-il attendre qu'il massacre les populations de Benghazi et qu'il fasse rentrer dans le rang (on imagine par quels moyens) tous ceux qui étaient descendus dans la rue à Tripoli et ailleurs ? La « diplomatie du plus fort » (ou du plus tordu), c'est lui qui l'a jouée avec les attentats puis dans l'affaire des infirmières bulgares et du médecin palestinien qu'il a retenus en otages pendant 8 ans avant le dénouement que l'on sait. Vous vous souvenez comment il se pavanait sur le perron de l'Elysée en arborant fièrement l'Afrique en broche, revendiquant ainsi son rôle de leader charismatique du panafricanisme rénové ? La diplomatie qui visait à réintégrer Kadhafi dans le jeu international, à en faire le rempart contre l'immigration clandestine, en l'occurrence, n'a jamais rien fait d'autre que de donner de nouvelles forces au tyran contre son propre peuple (à la honte, encore une fois, de nos démocraties, si faibles, si indignes de leurs propres valeurs).
Reste que je suis très pessimiste sur l'issue de cette guerre qui intervient trop tard, quand le fou, un instant déstabilisé dans ses fantasmes de toute puissance narcissique, a pu reconstruire et réorganiser son délire. Car ce n'est pas la définition d'un espace d'exclusion aérienne qui pourra chasser Kadhafi du pouvoir. Il tient Tripoli et je crains très fort qu'il n'arme, comme il l'a dit lui-même, ses partisans pour en faire arme de répression sanglante contre tous ceux qui ont osé défier son pouvoir. Et cela, ce n'est pas les frappes aériennes qui pourront l'empêcher. Dans un tel cas, on aboutirait, au mieux, à une partition de la Lybie. Je pense, malheureusement, que la Chine (et quelques autres) ne serait pas mécontente d'un échec de l'opération « aube de l'Odyssée » !
Dernière édition : 21/03/2011 07h08