Yusheng, poisson de l'abondance
Yusheng 鱼生, connu également comme "poisson de l'abondance", "poisson de la prospérité" ou encore lo hei 撈起 en cantonais, est un plat traditionnel chinois à base de poisson cru et de légumes rappés particulièrement consommé lors du Nouvel an chinois.
Symbolisme
On peut traduire Yusheng par « poisson cru » (Yu 鱼 = poisson, Sheng 生 = vivant) mais la prononciation du nom de ce plat veut aussi dire « abondance ». En effet le mot chinois 鱼生 est un homophone du mot 余升 en mandarin qui signifie littéralement « augmentation d'abondance ». C'est pour cela est alors considéré comme un symbole de prospérité ou d'abondance.
A part le poisson qui est synonyme de profusion, les autres ingrédients ont leur propre signification. Le poivre est par exemple servi pour attirer la fortune et les trésors. Quant à l'huile, le fait de la répandre sur le plat pour qu'elle entoure les différents ingrédients a pour but d'encourager l'argent de circuler dans toutes les directions. Les carottes servent à attirer la bonne chance. Même les condiments ont chacun un sens, comme le sésame qui est synonyme d'entreprise prospère.
Histoire et légende
Déjà dans la Chine ancienne, au septième jour du Nouvel An chinois appelé aussi Renri, les pêcheurs de la ville de Canton (dans le sud de la Chine) avaient pour coutume de se régaler des produits de leur pêche. Mais cette coutume de consommer du poisson cru remonte déjà à la Chine ancienne. Durant cette époque les populations avaient pour habitude de manger un plat appelé kuai, composé essentiellement de fines lamelles de poisson cru. On peut dire que le Yusheng est un dérivé de ce plat, adopté par les habitants des villes de Chaozhou et Shantou durant le règne de la dynastie Song du Sud.
L'originalité de ce plat fait que son histoire s'apparente aussi à une légende. Ainsi, dans le sud du pays, il y avait un couple d'amoureux qui était bloqué dans un temple par le mauvais temps. Pour se nourrir, ils attrapèrent une carpe dont ils assaisonnèrent la chair avec du vinaigre, et trouvèrent cela délicieux.
Durant l'ère coloniale de la Malaisie, les immigrés chinois continuèrent de perpétuer cette tradition de consommer du poisson cru. Des stands de porridge vendirent des plats composés de lamelles de poisson cru, accompagnées de légumes et servies avec de l'huile, du vinaigre et du sucre.
C'est en 1964, au sein du restaurant Lai Wah à Singapour, qui à l'époque faisait encore partie de la Malaisie, qu'une version plus moderne du Yusheng avait été mise au point. Elle était le fruit de la collaboration entre quatre grands chefs, Than Mui Kai, Lau Pui Yoke, Hooi Kok Wai et Sin Leong. Leur coopération avait pour but de créer un plat qui soit un symbole de prospérité et de bonne santé auprès de la communauté chinoise. De leurs temps, en reconnaissance de leurs prouesses culinaires et leur ingéniosité, Ils furent élus les « Quatre rois célestes culinaires » de la ville de Singapour. Ce plat fut intégré par les communautés chinoises de Singapour et de Malaisie dans les mets traditionnels consommés lors du Nouvel An lunaire. Au début, le Yusheng était fait avec du hareng loup. Mais les cuisiniers ont ensuite adopté le saumon car ce dernier commençait à être de plus en plus apprécié par la population chinoise.
Dégustation
Le Yusheng est propre aux communautés chinoises de Malaisie et de Singapour et quelques rares régions du sud de la Chine.
La chair du poisson est détaillée en fines lamelles. Le tout est servi avec un assortiment de légumes râpés. Il y a ainsi des radis blancs ou daikon, des carottes, des oranges séchées, du poivron rouge, du coriandre, du gingembre rouge mariné, …. Mais on y trouve aussi des crevettes séchées, des arachides hachées, des graines de sésame grillées, etc. Pour relever le tout, le client mélange lui-même plusieurs sauces et condiments comme de la poudre de cinq parfums, du vinaigre de riz, de l'huile de sésame, de la pâte de kumquat et de la sauce aux prunes. Au total, ce sont au moins de vingt-sept ingrédients qui sont servis avec le Yusheng.
La dégustation de ce plat suit un rituel qui est perpétué depuis de nombreuses années. Les serveurs placent d'abord les ingrédients de base sur la table. Ils disposent ensuite les autres composants du plat en énonçant à chaque fois des souhaits de bon augure. Pour se servir, les convives se lèvent et lancent les ingrédients en l'air pour les mélanger, tout en criant eux-aussi des souhaits de bon augure. Avant, lors de la dégustation de ce plat, les clients composaient eux-mêmes la sauce pour l'accompagner. Quelques années après sa création, le restaurant Lai Wah décida de le moderniser en le servant avec une sauce spéciale. C'est une mixture composée de vinaigre de riz, de sauce aux prunes, de pâte de kumquat et d'huile de sésame.