Pictogramme
Un pictogramme 象形 (xiàngxíng) "imitation de la forme" est un type de caractères chinois.
Introduction
En minorité dans l'écriture (environ six cents), les pictogrammes représentent directement une chose concrète par un dessin. Ce sont généralement les caractères les plus anciens. Certains, indiqués ici par leur graphie archaïque, peuvent être attestés à partir de 1600 avant notre ère sur des supports variés : os d'omoplates de buffles ou carapaces de tortues pour la divination par scapulomancie (qui consiste à écrire une question sur un tel support et passer le tout par le feu. Les craquelures apparaissant alors révèlent, selon leur configuration par rapport aux caractères, la réponse des dieux), stèles etc.
L'usage de ces graphies (dites maintenant "sigillaires") s'étend jusqu'à 200 avant notre ère (et continue d'évoluer par la suite) ; elle sert encore aux sceaux et les calligraphes la pratiquent encore. La graphie simplifiée, indiquée le cas échéant, est utilisée en République populaire de Chine, principalement, et ce depuis 1958 (voir plus haut). Ces caractères simplifiés sont, pour la plupart, attestés depuis des périodes anciennes en tant que variantes calligraphiques. D'autres sont inventés.
Caractères archaïques
Les témoignages archéologiques montrent que l'écriture chinoise remonte à la plus haute antiquité. Les vestiges les plus anciens ont été trouvés à Jiahu, un site néolithique sur la rivière Huai dans la province du Henan datés de -6500. Ce site a révélé des carapaces de tortues portant des symboles. Le site de Longshan, dans la province du Shandong, a livré des fragments d'os utilisés pour la divination, datés de -2500 à -1900, et des symboles sur des poteries qui sont considérés comme une forme primitive d'écriture. Des symboles de même nature, provenant de la culture de Liangzhu, ont été découverts dans la basse vallée du Yangzi Jiang.
Ces premiers témoignages d'écriture ne sont à vrai dire que des symboles isolés, et ne peuvent donc pas être considérés comme une écriture à part entière. Cependant, les inscriptions divinatoires sur os provenant de la culture Longshan tardive (datées entre -2500 et -1900) sont considérées par certains comme une proto-écriture, similaire à celle que l'on trouve en Mésopotamie ou en Égypte. Il est effectivement possible que ces inscriptions aient évolué vers la forme divinatoire sur ossements utilisée sous la dynastie Shang, et soient par conséquent à l'origine des écritures chinoises modernes, puisque la culture Longshan du néolithique tardif est considérée comme l'ancêtre de la culture Erlitou du bronze moyen, et plus tard des dynasties Shang et Zhou.
Style sigillaire
Le style sigillaire 篆書 (zhuànshū) est le plus ancien des styles encore utilisé en calligraphie : il trouve son apogée sous la dynastie Qin, 221-206 avant l'ère chrétienne. Il a pour origine une adaptation calligraphique des caractères archaïques, pour leur donner une forme propre à être gravée sur le bronze ou la pierre. De nos jours, à part dans la confection des sceaux, les caractères sigillaires sont écrits, et non gravés comme ils l'étaient aux commencements : on parle donc d'un tracé imitant celui du passé.
Les lignes sont fines mais d'épaisseur constante, et les extrémités se terminent nettement. Dans ce type de tracé, en effet, la formation des traits ne suit pas encore les contraintes dont on parle ailleurs, qui sont dues au pinceau. La courbe est la règle générale, les angles sont exceptionnels. Le tracé du sigillaire reflète une absence de contrainte au mouvement du stylet, qui se déplace librement et régulièrement: en termes modernes, c'est le type de tracé que l'on obtient avec un feutre à bout rond. La forme des caractères est assez libre. Dans la gravure, les traits tendent souvent à remplir l'espace, visant un équilibre entre la largeur des trait et celle des intervalles; et les caractères complexes prennent une forme compacte évoquant un peu une empreinte digitale.
Ce sont encore des formes anciennes, très proches du dessin et du pictogramme, qui subiront encore nombre d'altérations avant d'arriver aux tracés actuels. Leur forme ne se déduit donc pas simplement du tracé moderne. Leur lecture est difficile à qui ne connaît pas les étymologies graphiques, et leur tracé est pratiquement impossible pour profane qui ne maîtrise que les graphies actuelles: il faut apprendre le tracé de chaque élément de caractère.
Voici les cinq premiers caractères de la première colonne (en partant de la droite) de l'illustration ci-contre, une œuvre du calligraphe, poète et graveur de sceaux 山杉 Shānshān, en caractères actuels, à titre de comparaison : 松下問童子 sōng xià wèn tóng zǐ, extrait d'un poème de 賈島 Jiǎ Dǎo, poète 唐 Táng :「尋隱者不遇」 Xún yǐn zhě bú yù ("À la recherche d'un ermite, sans le rencontrer").
Les textes que l'on trouve dans ce style ne se limitent pas à des reproductions de caractères archaïques. Tous les caractères actuels peuvent être tracés en sigillaire, alors que l'on est bien loin de rencontrer dans l'écriture archaïque elle-même tous ces caractères.
On peut distinguer deux types de caractères sigillaires : le grand sceau (大篆 dàzhuàn) et le petit sceau (小篆 xiǎozhuàn). Le premier est le plus ancien, irrégulier et moins soigné. Il remonte au IXe siècle avant l'ère chrétienne et découle directement caractères archaïques, 甲骨文 jiǎgǔwén (sous la dynastie 商 Shāng) et 金文 jīnwén (sous les 西周 Xī Zhōu, Zhōu Occidentaux), respectivement "écriture oraculaire sur os" et "écriture sur bronze", principalement gravées sur les carapaces de tortues destinées à la scapulomancie et les bronzes liturgiques. Ce sont les premières attestations écrites réelles chinoises. On en voit des exemples dans la partie consacrée aux types de caractères, section "pictogrammes". Il ne faudrait pas croire que le grand sceau et les caractères archaïques ne font qu'un : le grand sceau est le type de tracé le plus ancien encore utilisé et non la plus vieille écriture chinoise.
Le second, le petit sceau, est une standardisation et une perfection du grand sceau datant des Qin, dont le modèle est dû au Premier ministre de Qín Shǐ Huángdì 秦始皇帝, 李斯 Lǐ Sī (vers 200 avant l'ère chrétienne). Le petit sceau, remplacé par des styles plus simples et plus réguliers, est sorti des usages sous les Hàn 漢 (de 206 avant l'ère chrétienne à 220 de l'ère chrétienne), avant de devenir un style purement calligraphique solennel sous les Táng 唐 (618-907 de l'ère chrétienne), tracé au pinceau ou gravé sur les sceaux (d'où son nom actuel). Le grand sceau, quant à lui, n'est plus étudié que par les historiens (pour accéder à la lecture de documents épigraphiques anciens) et les historiens de l'écriture.
Archaïques | |||||||
Sigillaires | |||||||
Modernes | 人 rén | 女 nǚ | 子 zǐ | 日 rì | 月 yuè | 山 shān | 川 chuān |
Simplifiés | — | — | — | — | — | — | — |
Sens | homme | femme | enfant | soleil | lune | montagne | rivière |
Archaïques | ||||||||
Sigillaires | ||||||||
Modernes | 水 shuǐ | 雨 yǔ | 竹 zhú | 木 mù | 馬 mǎ | 鳥 niǎo | 龜 guī | 龍 lóng |
Simplifiés | — | — | — | — | 马 | 鸟 | 龟 | 龙 |
Sens | eau | pluie | bambou | arbre | cheval | oiseau | tortue | dragon |
Notes
- 女 nǚ représente une femme agenouillée devant son époux par déférence. Les pictogrammes les plus anciens la représentent de face, tandis que c'est de profil qu'elle apparaît dès la graphie sigillaire ;
- 子 zǐ est un enfant emmailloté, ainsi que le voulait la pratique ancienne, dont les jambes ne sont donc pas visibles ;
- 川 chuān, "rivière" est aussi présent, dans sa graphie moderne, sous d'autres formes en composition, comme 巛 ou 巜 ;
- le pictogramme à l'origine de 水 shuǐ, "eau" représente une cascade dont le courant central est entouré de tourbillons ou d'éclaboussures. Bien que proche du pictogramme pour "rivière", il doit en être distingué.
Remarquez que les caractères modernes ne peuvent utiliser qu'un nombre défini de traits (au rang desquels la courbe est exclue), ce qui explique les différences notables entre les graphies anciennes et le résultat actuel ; il existe vingt-quatre (ou vingt-et-un, selon les exégètes) traits fondamentaux.
Les pictogrammes ont été classés depuis longtemps en huit groupes (corps, homme, voyager, village, pinceau, dragon, jade et jaune), par affinités sémantiques ou par association d'idées ; deux cent quatorze d'entre eux constituent les "clefs" du chinois, élément primordial de tout caractère. Chaque caractère, en effet, doit être composé d'au moins une de ces clefs.