Les frontières se redessinent pour les entreprises étrangères installées en Chine. L'eldorado n'est plus sur la très productive côte chinoise de Shanghaï à Canton, mais se déplace vers les provinces de l'intérieur ou vers les pays voisins, à la main-d'oeuvre moins chère. Une étude réalisée par la Chambre américaine de commerce à Shanghaï et le cabinet de conseil Booz & Company montre l'intérêt croissant des entreprises américaines pour d'autres horizons. Elles sont désormais 28 % à considérer une délocalisation de leur production vers des provinces du centre chinois contre 17 % en 2008. En outre, 8 % d'entre elles avouent envisager une installation hors de Chine, vers des pays comme le Vietnam, l'Inde, la Thaïlande et l'Indonésie.
Ces évolutions de perspective s'expliquent par la volonté de réduire les coûts. Dans le sud, le Guangdong, qui a longtemps assuré à lui seul la réputation de la Chine comme usine du monde en réalisant 90 % des exportations nationales, fait aujourd'hui face à une pénurie de main-d'oeuvre, qui conduit à une hausse des salaires. La crise avait mis sur le carreau quelque vingt millions de travailleurs migrants début 2009. Le plan de relance équivalent à 450 milliards d'euros les a incités à rester chez eux en les poussant à cultiver leurs terres ou en leur procurant du travail sur place avec les colossaux projets d'infrastructures lancés dans les provinces plus reculées.
Des ateliers qui se vident
Bilan pour le Sud exportateur ? Un manque de près d'un million de travailleurs et des ateliers qui se vident. Le glas n'a cependant pas encore sonné pour le «made in China» bon marché. Les grands fabricants ont encore de la marge pour augmenter leurs employés et améliorer leurs conditions de vie souvent dénoncées. Et les propositions désespérées de certains employeurs de villes du Guangdong comme Dongguan d'augmenter les salaires jusqu'à 30 % concernent des montants qui ne dépassent pas 100 euros par mois.
Pour certains observateurs, il est temps néanmoins que les berceaux industriels du delta de la rivière des Perles ou du bassin du Yang Tsé repensent leur modèle. «À un moment ou à un autre, Dongguan devra abandonner son modèle de production à bas prix et s'adapter aux nouveaux besoins du marché du travail avec des emplois plus qualifiés et plus professionnels recherchés par la jeune génération de travailleurs », estime le China Labour Bulletin, organisation non gouvernementale basée à Hongkong.
Le pouvoir d'attraction des provinces intérieures n'a cependant pas attendu cette nouvelle donne pour s'exercer. L'an dernier, Intel a déplacé un centre de test et d'assemblage de 2 000 personnes de Shanghaï à Chengdu, dans le Sichuan. Et, en 2008, Foxconn, le géant taïwanais de l'électronique qui fabrique les iPhone, annonçait déjà son intention de déplacer son usine monstre de 250 000 employés dans une province du centre ou du nord de la Chine, évoquant des salaires 60 % inférieurs à ceux de la ville de Shenzhen, dans le Guangdong.