bonjour,
voila un message que j'ai ecris il a qqs semaines.
Il mele un peu tous les genres, experience de travail, le quotidien en chine et le voyage.
J'ai tache de virer les paragraphes autobiographiques (ma vie privee ne regarde que mes amis de facebook), en esperant que le tout ne n'apparaitra pas trop decousu.
Pour resituer un peu, l'action se passe a Hangzhou, petite ville (surpeuplee) de Chine, a 200 bornes de Shanghai et ca demarre sur la vie d'un hotel gouvernemental local.
(...)
L'hotel en lui meme joue déjà hors categorie, un investissement de 1 milliard de yuan (meme en monnaie locale, c'est enorme), 600 chambres, concept du smart hotel avec technologie planquee partout, l'hotel se veut un produit de luxe qui s'affiche. Le marbre est de Carrare, le lustre en cristal vient de Czecky, et la bouteille de Cognac Louis XIII coute la bagatelle de 18000 rmb (c'est a dire quasiment le salaire annuel de l'employee de boutique). La clientele, par contre, est tres locale. Dans la province du Zhejiang, connue comme une des plus aisees de Chine, les nouveaux riches ont l'air d'etre partout, c'est biensur totalement faux mais c'est en tout cas l'impression qu'ils donnent. Enrichis depuis 15 ans grace a l'exportation et l'immobilier, ils s'affichent dans les grands hotels, les restaurants de luxe, a bord de leurs berlines avec chauffeur ou ferrari jaune canari dont ils sont pas foutu de passer la 3eme, puisque plantes au feu rouge comme tout le monde. En fait, ca fait un peu pense a une cote d'azur chinoise.
Et la encore, des distinctions peuvent se faire. Il y a le hangzhounais, riche, assez discret, totalement In, qui se la raconte en fringues D&G, sacoche LV et pouffe a talons hauts. Il y a le chinois d'outremer, de hongkong ou Taiwan, tres classe, en costume trois piece qui a l'air de connaitre autre chose que son petit chez soi. Et il y a le paysan local, sorte de tycoon version plouc, tout aussi riche mais beaucoup moins classe, fringue dans le meme genre que lorsqu'il etait pauvre (sauf le sac LV, decidement tres populaire, effet de mode sans aucun doute, et dont les boutiques de Hangzhou font les deuxiemes meilleures ventes en Asie apres Shanghai), qui braille au telephone, se deplace toujours suivi d'une petite dizaine de ramasse-miettes (venus du meme bled et parlant le meme patois). Ils donnent vraiment l'impression de ne pas quoi savoir faire de leur argent. Ils peuvent prendre 5 chambres luxe entre amis et se faire livrer des plats KFC pour jouer aux cartes toute la nuit. Richissime ou pas, les habitudes sont dures a perdre et rien ne les empeche pas d'ecraser leur cigarette sur le marbre d'Iran ou de cracher une belle glaire dans le cendrier en cristal. Avec ca, leurs enfants, gosses de riche gates jusqu'a la moelle qui gueulent, grimpent dans tous les sens, quand vous essayez les sermoner, vous regardent avec l'air de dire « mais je t'emmerde... », enfin toute une tribu de nains des bois qui vous rappelent que, parfois, l'absence d'ogre se fait cruellement sentir. (apres deliberation, il s'avere que les sales mioches ne representent qu'un tiers des morveux mais c'est malheureusement de ceux la dont on se souvient).
Dieu merci, l'ambiance de travail est des plus sympa. Les collegues sont plus ou moins competents, comme partout, plus ou moins motives mais, chose etrange, ils ont tous une nette tendance a ne jamais prendre d'initiatives qui pourraient les rendre responsable de quoi que ce soit, du moins, jamais sans l'aval du superieur (qui lui meme demande a son superieur etc). Ce qui peut parfois considerablement retarder la decision. Ajoutez a cela une absence totale de communication entre les services (10 minutes avant de finir, on vous previens qu'une grande soiree d'inauguration est prevue ce soir (et on imagine qu'ils ne l'ont pas pondu dans la journee) et qu'on a besoin de vous 1 heure de plus (qui s'averera etre 4 heures de plus) et vous aurez une idee de l'ambiance de travail au quotidien.
Les rapports avec la hierarchie sont eux aussi interessants. Comme chez nous, on leche les bottes par devant et on critique par derriere, c'est comme qui dirait le beaba des rapports humains. Mais ici, l'interpretation est parfois un peu trop poussee, on ne fait rien qui puisse froisser qui que ce soit, a tous les degres d'interpretation possibles. Un exemple, apres avoir effectue une visite d'inspection d'un site de construction, notre PDG adore revient a l'hotel pour accueillir un VIP. Ses chaussures cirees sont couvertes de boue et je demande au concierge de lui porter un chiffon, quelle grande ame je fais, pour lui eviter de passer pour un con face au gros client. Et la, le chef concierge m'arrete et me deconseille de faire ca, sous peine de faire perdre la face au big boss (ce qui ne se fait pas a une echelle aussi basse que la mienne, un peu de respect que diable). Resultat, le fringuant patron aux souliers crottes recoit le VIP, tout le monde s'en rend compte mais personne ne dit rien et hop, sa reputation est sauve. Bon, personnellement, je m'en fous royalement. Changeons de sujet.
Quoique, il n'empeche que la notion de perdre la face en Chine est plutot etonnante, elle s'apparente a ce que l'on appele de notre cote du globe « passer pour un superbe cretin aux yeux de tous », ce qui, ma foi, ne nous rejouit pas plus que ca mais ca arrive a tout le monde. A croire que les chinois soient plus susceptibles que nous (l'idee est tentante mais malheureusement totalement fausse) ou que leur systeme de relation sociale est si important que se voir mettre au banc de touche signifie une impossibilite d'evolution sociale pure et simple. Faites perdre la face a votre patron et faites une croix sur votre promotion, vos bonus, la promesse de voiture de fonction et son contact facilitant l'inscription de votre fiston dans la meilleure ecole. Par contre, faites lui des petits cadeaux et son repertoire devient soudain le votre.
Ce systeme fonctionne vraiment a tous les echelons, pas forcement de facon aussi sournoise qu'on l'entend en occident ( la corruption, c'est peche), c'est le moyen le plus communement admis pour garder (ou se creer) de bonnes relations, et comme qui dirait, s'assurer le soutien des personnes bien placees. Ne serait ce que dans notre hotel, le chef concierge recoit des petits choses, un sachet de the, une cartouche de cigarettes (...) de quelques-uns de ses employes et il se sent alors oblige de leur donner une bonne note d'evaluation (note qui conditionne directement le montant de leur salaire).
A une echelle plus importante, les cadeaux se font plus consequents et bien sur plus discrets. A la periode du nouvel an, l'hotel s'est d'ailleurs transforme en veritable lieu de stockage. Pour faire simple, un livreur apporte des boites de confiserie, fruits, alcools, cigarettes, enveloppes rouges (bourree de gros billets) et toutes ces petites choses qui vous flattent le fonctionnaire. Il laisse un petit mot, un nom et quelques heures plus tard, un chauffeur, dans la berline de fonction, vient recuperer les paquets (qui bien souvent serviront encore pour amadouer quelqu'un de plus haut place). La methode est simple, rapide, absolument sans trace et ca peut rapporter gros. De memoire de concierge, on a deja vu transiter des canards laques fourres au biffeton de 100. Vous l'avez compris, ceux d'en haut ramassent tout, les autres attendent les repercutions censes revenir en echo.
Pour l'anecdote, un proces historique a eu lieu a Chongqing il y a quelques semaines, une histoire de pots-de-vin, traffics d'influence (etc) ou s'entremelaient joyeusement les relations entre mafieux et membres du gouvernement local. Le prefet de police, entendu sur la provenance d'un peu plus de 10 millions de yuans (une bagatelle) sur son compte en banque, n'a pas eu de meilleure idee que de dire qu'ils provenaient de divers cadeaux faits pour le nouvel an. Rassurez vous, il a pris tres cher.
Apres tout ca, peut on reellement blamer le petit fonctionnaire qui a passe sa vie a arroser tant de monde, qui a comme ca grimpe peniblement les etages de la hierarchie et qui, arrive tout en haut, veut finalement recuperer son due et s'en mettre plein les fouilles. Et pis vous croyez quoi, qu'on entretient ses trois femmes avec un bol de riz et des promesses d'homme integre ?!
Et je vous refais la reponse de mes collegues chinois interroges sur la moralite de la chose, on hoche doucement la tete, l'air desabuse et on repete en choeur : En Chine, ca se passe comme ca...
Bon,... ben y aura pas de promotion cette annee pour bibi.
Et puis le quotidien permet de decouvrir quelques petites facettes de la vie en Chine. Regulierement, les femmes du voisinage arrivent en nombre pour protester contre les travaux d'agrandissement de l'hotel. Les tours qui grandissent finissant par leur cacher le soleil et l'avancee des travaux fissurant gentillement leurs appartements, elles s'assoient au milieu du hall par groupe de 15 et demandent a discuter avec le chef des travaux de la facon dont il va les dedommager. Et dans ce cas, inutile d'essayer de les deloger. Elles font plus de bruit que tous les travaux reunis et n'attendent qu'une reaction de notre part pour nous sauter dessus. Les grands patrons ont d'ailleurs pris l'habitude de ne pas etre joignable dans ces moments la. Etant donne qu'elles continuent a venir regulierement, depuis presque 6 mois, j'imagine que la situation n'a pas beaucoup evolue. En tout cas, elles connaissent maintenant par coeur le chemin jusqu'a leurs bureaux.
Puis est venu la fin de l'annee chinoise et le moment de rentrer dans sa famille. On a alors vu rappliquer les travailleurs migrants, employes sur nos chantiers. Les travailleurs migrants (mingong en chinois) sont des paysans des provinces pauvres qui laissent leur famille a la campagne pour partir vers la ville en quete de travail mieux paye. Ils font le bonheur des entrepreneurs puisqu'ils acceptent de bosser dans des conditions infamantes, par tous les temps et pour un salaire annuel des plus ridicule. Sans carte de resident, ils vivent en general entasses dans des dortoirs en contreplaque, sans chauffage ni eau courante, bossent nuit et jour sur les chantiers des villes du littoral et n'ont pas acces au systeme de sante puisqu'en situation illegale. Tres peu d'ailleurs signent de contrats avec leur employeur.
Quelques jours avant le nouvel an, alors que tout le monde se prepare a passer les fetes en famille, quelle surprise (pour moi seulement, mes collegues blases voyant ca chaque annee) de voir arriver ces ouvriers dans le hall pour reclamer leur salaire d'une annee. En effet, leur responsable s'etant fait la malle juste avant le jour de paye, ils viennent taper a la porte de ceux pour qui ils empilent des briques depuis des mois. Ils ont alors le bonheur d'apprendre que l'hotel emploie une societe de travaux qui elle meme delegue a une autre societe qui elle meme delegue a une autre et ainsi de suite, pour chaque specialite. Reste a savoir maintenant a quel niveau leur argent s'est volatilise. Quelques centaines d'entre-eux rentreront chez eux sans rien, la belle affaire, apres les fetes, un nouveau millier viendra les remplacer. L'hotel sera fini dans les temps et la jetset locale viendra se goinfrer de crabe australien et de foie gras francais .Et l'economie chinoise ne s'est jamais si bien portee.
Apres cette plongee au coeur du capitalisme debride ( des brides, tiens elle est drole celle la), il m'est soudain venu le besoin de m'isoler, me recueillir dans une retraite lointaine, un lieu sacre loin des hommes et des machines a pointer. J'ai donc decide de partir en pelerinage, solitaire, vers les sommets du mont Lushan. La montagne Lu, plus connue des devots sous le nom des « cinq pics », qui viennent ici se recueillir et venerer l'esprit du plus celebre de ses hotes, a savoir, Dohko le maitre des cinq pics. Et bien oui, mes bien chers freres, c'est bien ici que le vieux maitre a jadis transmis au saint Shiryu les preceptes de chevalerie et les techniques de l'uppercut destructeur qui l'ont rendu plus tard digne de l'armure du Dragon. Pour les anciens chefs scouts et autres incultes televisuels, nous parlons bien sur du plus brave et du plus beau gosse des « chevaliers du zodiaque » qui egaya notre enfance mais surtout nos bastons.
Etonnement, la presence de ce heros n'a pas l'air d'avoir marquer les esprits du coin. Aucune pierre, aucun monument ne temoigne de sa glorieuse presence, la mention de Lushan parmi la population locale faisant infailliblement reference au lieu historique (mouais, si on veut) ou se reunissait le guomingdang avant la liberation puis le comite du parti unique apres 1949. Le village est tres sympa, une sorte de station de ski sans tire-fesse, un peu bourgeoise (a 180 rmb l'entree, on comprends pourquoi) et qui tranche avec ce qu'on l'habitude de voir au sommet des montagnes chinoises (des hotels ou des temples, au choix). Temoins d'une histoire moderne des plus riches, le village possede une quantite incroyable de chalets a l'occidentale et construites en pierre de taille, heritees du milieu du XXeme siecle. Certains membres haut-places etant etrangers, on peut meme visiter une eglise catholique des annees 30. Ce que j'aurais bien fait si la guichetiere ne m'avait pas reclame 30 rmb de droit d'entree ( c'est d'ailleurs tres drole de voir comme les eglises et autres symboles chretiens ont perdu leur sens sacre pour ne plus etre que des accessoires romantiques reservis a la sauce chinoise aux jeunes couples en mal d'idee pour leur photos facebook, fermons la parenthese). Enfin, tout ca sent plus le gratin de la republique populaire que la soupe du meme nom. M'enfin, a croire que ameliorer ses relations paye plus que developper sa cosmo-energie.
Infideles, vous ne meritiez pas Shiryu..
Mais je m'egare au gorille et oublie de vous livrer le moyen ultime pour s'integrer rapidement
En ces periodes de fete, permettez moi de vous livrer une recette locale qui plaira a tous : la gueule de bois a la chinoise, en VO, zhongshisuzui (j'aurais au moins appris cette expression)
Prenez une belle tablee de convives, chinois, gai-lurons et a l'oesophage en pente. Une famille joyeuse au jour du nouvel an, une bande de potes un soir de noces ou une brochette d'officiels a n'importe quel autre moment. Une petite dizaine devrait suffir,e rassurez vous, d'autres arriveront en cours de route pour se joindre a la fete.
Le principe est ensuite tout simple : chaque personne se doit de trinquer a tour de role avec chacun des invites. Un verre par personne descendu cul-sec (c'est la tradition) puis c'est a leur tour de trinquer avec vous, politesse oblige. Ajoutez a ca les toasts en commun, les hommages solennels et les coups gratuits (parce qu'il fait juste soif) et cela devrait vous faire une moyenne d'une petite quarantaine de gobelets a s'envoyer par dessus la cravate. Les plus valeureux auront biensur pris soin de remplacer la biere chinoise, gouteuse mais plutot decevante question degre d'alcool, par de l'alcool blanc ou jaune (selon les gouts puis ensuite les couleurs), histoire de leur prouver definitivement que les francais ont un talent inne pour tenir l'alcool (ou pas). Si le rythme est bon et l'ambiance festive, on devrait commencer a rouler sous la table avant l'arrivee du dessert.
Patientez quelques heures dans le coma (c'est la partie la plus facile) et hop, au matin, decouvrez au son du radio-reveil que toute la troupe de fanfare de pekin s'est joyeusement file rendez-vous dans votre crane pour vous jouer ses plus grands airs. Felicitation, vous avez assure. Et si vous cherchez vos neurones, ils sont restes au resto s'amuser tous seuls.
bon, je pense avoir occupe votre temps suffisement longtemps,
a plus
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Vos photos sont magnifiques !!! Merci de nous les "offrir" et de nous permettre de rêver à d'autres voyages ( je connais surtout Beijing ).