Je ne doute pas un instant que vous n'ayez pu voir des oeuvres
"décomplexées" lors de votre séjour à Pékin, Michelem ! Mais, si je ne m'abuse, votre voyage date de plusieurs mois, il est bien antérieur en tout cas aux révoltes du monde arabe et aux
"promenades du jasmin".
Or, si l'on observe ce qui se passe actuellement, on est indéniablement dans une période de retour au tout répressif dont la Chine semblait être sortie depuis quelques années. cf. les
Si Ge Zao de Zhou Yongkang, partisan de la manière forte dont je parlais à propos de la condamnation à 10 ans de prison de Liu Xianbin.
Je pense d'aileurs que la programmation de l'exposition sur les Lumières témoignait, originellement, d'un assouplissement idéologique très positif malgré le lieu hautement symbolique où elle se déroule (une telle exposition se prépare en effet des mois, voire des années en avance et ne pouvait pas se tenir sans obtenir sans l'accord des autorités) ; les événements ont malheureusement amené le régime à changer son fusil d'épaule et à renouer avec une politique de terreur dont on se prenait à rêver qu'elle avait été définitivement dépassée.
Depuis la mi-février, selon le décompte du
Groupe de défense des Droits de l'homme en Chine, 26 dissidents ont été arrêtés, 30 ont disparu et 200 ont été placés sous un régime de
"détention souple", ce qui signifie qu'ils sont assignés à résidence ou que leur liberté de déplacement est restreinte.
Comme le dit Nicholas Bequelin, d'
Human Rights Watch à Honk-Kong, il ne s'agit pas ici d'un phénomène d'alternance cyclique entre une phase de raidissement et une phase d'assouplissement de la politique du PCC, comme on a pu en observer ces dernières années avant chaque événement important (pendant les Jeux Olypiques, par exemple, on s'est contenté de vider Pékin de ses contestataires le temps qu'il fallait et on les a laissé y revenir après les Jeux). Il s'agit de
"la campagne la plus répressive qui ait eu lieu depuis une dizaine d'années", d'un
"effort du gouvernement pour redessiner les contours de la liberté d'expression en Chine et de faire rentrer dans le rang les défenseurs les plus audacieux des libertés.
Il est vrai en effet que les activistes n'ont cessé, depuis des années, de repousser toujours plus loin les limites de ce qui était toléré, tandis que les Chinois ordinaires contournaient de plus en plus facilement la censure grâce à Internet. C'est dans cette période que vous avez pu voir les artistes décomplexés dont vous parlez. Visiblement, les autorités, sous la houlette de
"la vieille garde", ont décidé de siffler la fin de la récréation. Après Liu Xiaobo, après Liu Xianbin, après Ai Weiwei, sans compter tous ceux dont nous ignorons les noms, à qui le tour ?