Voici le texte abject de Paul Claudel que pouvaient lire dans leur manuel les élèves de 5ème jusqu'en 1975. La leçon était intitulée « Les caractéristiques collectives, la race », alors au programme officiel !...
Le premier regard montre que le Chinois est jaune. Sa large figure présente un teint qui varie de la couleur du thé clair à celle d'un bronze presque africain..., en passant par toutes les nuances de l'oignon... Le cheveu, quatre fois plus gros que celui de l'Européen, n'est pas en réalité noir mais rougeâtre ; sa couleur d'ébène n'est l'effet que de son lustre.... Aucun Chinois ne porte de barbe jusqu'à quarante ans. La teinte de l'oeil est toujours brune.... Le nez n'a pas la variété de formes que l'on trouve en Occident et ne comporte guère que deux ou trois patrons. La bouche, presque toujours bordée de grosses lèvres, ne fournit pas non plus au signalement un trait bien délicatement distinctif. Enfin la peau, épaisse et sans couleur, reçoit beaucoup moins facilement la marque des émotions et des pensées....
Le type, que l'échantillon soit prélevé au Sud ou au Nord, présente bien plutôt des différences de masse et de surface que des variétés de construction bien sensibles. Le Chinois du Nord est plus grand et plus lourd ; il a la face plus large et plus camuse, les pommettes plus saillantes, la mâchoire plus avancée.... Le Chinois du Sud est plus fin, d'aspect plus délié ; le nez est mieux dessiné, le teint plus clair. Mais chez tous la figure est construite par surfaces courbes et jamais par plans et par arrêtes comme il arrive souvent en Europe ; l'oeil est proéminent en sorte qu'il s'inscrit souvent en relief sur le profil, les attaches sont délicates, les extrémités petites... et le système musculaire n'a jamais de relief et de saillie comme chez nos travailleurs....
Pour achever le portrait physique du fils de Han, il faut insister sur ce fait que son système nerveux n'est pas réglé comme le nôtre, son voltage n'est pas le même... Le Chinois se développe plus lentement, pense, apprend, agit plus lentement que l'Européen. Il lui est beaucoup plus facile qu'à nous de rester à l'état d'indifférence et d'inertie.... Au point de vue de la force physique et du rendement en travail [sa] valeur est inférieure à celle l'Européen.... Le Chinois reste plus longtemps à son travail, mais il flâne bien davantage, il dort, il bavarde avec les camarades, il fume une petite pipe ; il est bien rarement capable de donner un grand coup de collier....
Ces traits physiques précisés, nous pouvons essayer de placer quelques touches d'une espèce de portrait moral.... Si froid, si calculateur qu'il soit dans la vie ordinaire..., le Chinois n'hésitera jamais à faire passer les questions d'amour-propre avant toutes les autres, au détriment de ses intérêts les plus urgents et les plus chers.... Jamais [il] n'avouera, jamais il ne s'avouera à lui-même sincèrement une faute, une erreur, une infériorité quelconque... ; jamais il ne s'humiliera.... Après l'orgueil, le sentiment le plus fort au coeur du Chinois est l'amour du gain.... Il est impitoyable au sol et à l'argent. Les vues de longue portée lui sont absolument étrangères. Il démolira un pont pour se faire une brouette.... C'est le rongeur et le dévastateur par excellence.... Tout a une valeur pour lui....
Mais il est avant tout un « gaigneur », un marchand qui cherche toujours à donner le moins possible pour le plus possible. Si pour gagner il faut travailler, il travaillera, mais s'il peut vivre sans travailler ou en travaillant moins, il fera de son mieux pour remplir cet idéal.... Plus qu'un ouvrier il est marchand, plus que marchand il est spéculateur et joueur effréné.
Paul Claudel, Sous le signe du Dragon
Vous trouverez ce texte p. 314-315 du manuel
Le Français par les textes, de Jean Beaugrand et Marcel Courault, édité en 1963. Ce recueil de textes était utilisé dans l'établissement scolaire où j'ai été nommée au début de ma carrière, comme dans la plupart des collèges français, jusqu'en 1975 compris. Edifiant, non ?