La crise, une chance pour la démocratie en Chine
Pour la première fois depuis 1989, le Parti communiste chinois a peur. L'organisation n'avait pas anticipé le brutal ralentissement de l'éco- nomie nationale. Souffrant du manque de dynamisme des exportations et des investissements étrangers qui ont alimenté sa spectaculaire envolée depuis les années 1980, la croissance de la Chine pourrait cette année se limiter à 9,5 % après avoir atteint 11,9 % en 2007. L'année prochaine, cette progression pourrait ne pas dépasser les 7,5 %, a prévenu la Banque mondiale.
Ayant toujours clamé qu'elles avaient besoin de générer une croissance d'au moins 8 % pour assurer un développement stable et créer suffisamment d'emplois, les autorités communistes craignent soudain d'être accusées d'avoir rompu « le contrat social » qu'elles ont passé avec la population, il y a trente ans, à la sortie des années noires du maoïsme. Le principe, défini par Deng Xiaoping et ses héritiers, en est simple : le Parti garde une mainmise autoritaire sur l'intégralité des pouvoirs mais s'engage, en échange, à rendre les citoyens plus riches, voire plus « heureux ». Malgré quelques heurts sévères, ce pacte a jusqu'à présent plutôt bien fonctionné. Le niveau de vie moyen de la population n'a cessé d'augmenter, une classe moyenne s'est formée et des centaines de millions de ruraux ont été tirés de « la pauvreté ». Le « rêve chinois » est devenu réalité. Mais depuis quelques mois, plusieurs incidents sont venus fissurer cette apparente « harmonie ».
La crise s'est invitée dans les médias. Après avoir gavé le public d'une douce propagande, ils commencent timidement à évoquer les grèves de la province du Guangdong où des ouvriers d'usines de jouets ou de textile manifestent violemment contre les licenciements massifs. A Sanya, Canton ou encore Chonqging, ce sont les chauffeurs de taxis qui se déclarent pris à la gorge et brûlent des voitures. Dans le Gansu, les paysans, les larmes aux yeux, racontent devant les caméras comment les autorités locales corrompues leur ont volé leurs terres.
Ces « mouvements sociaux » ne sont pas inédits. En 2005, Pékin en avait, par exemple, avoué 84.000 soit plus de... 230 par jour en moyenne. Mais cet automne, ils ont pris chair sur ordre du Parti. Redoutant la multiplication des rumeurs, le gouvernement chinois a opté, il y a quelques semaines, pour une communication contrôlée et a autorisé, pour la première fois, ses médias à rendre compte librement des tensions sociales. La colère du peuple doit pouvoir s'exprimer. La pression doit pouvoir être évacuée.
Devant les mêmes caméras, le pouvoir met en scène sa compassion et sa réactivité. Début novembre, le public chinois a ainsi pu découvrir, au cours d'un long direct inédit, Bo Xilai, l'un des membres du Politburo du PCC et patron du parti de la ville de Chongqing, s'entretenir avec des chauffeurs de taxis de sa ville ayant organisé une grève sauvage. Ces rencontres avec le peuple se multiplient. Partout, des solutions locales sont trouvées à ces problèmes isolés et économiques. On ne parle pas de politique. La capacité et la légitimité du Parti ne sont ainsi jamais questionnées.
Cette nouvelle stratégie témoigne de l'évolution du pouvoir chinois et de la perte d'influence des tendances les plus dures. La ligne « moderne », défendue par le Premier ministre, Wen Jiabao, s'impose à la majorité. La répression massive et musclée qui avait permis d'étouffer, il y a dix-neuf ans, la contestation étudiante et ouvrière ne peut plus être appliquée. Nous ne sommes plus en 1989.
La Chine a changé. Elle a vécu sa révolution technologique. Le moindre mouvement de protestation de l'Anhui, organisé par SMS, est aujourd'hui filmé sur un téléphone portable, envoyé par email puis mis en ligne sur les centaines de sites d'échange de vidéos chinois. La censure n'y peut rien. Pékin ne peut plus compter sur le contingentement de la contestation. Le pouvoir ne peut plus non plus s'aliéner la classe moyenne éduquée qu'il avait matée sur la place Tian'anmen. Encore peu nombreux, il y a vingt ans, les diplômés et les cadres se comptent aujourd'hui par centaines de millions. Principaux soutiens du « contrat social » chinois, ils ont placé le Parti sous surveillance. Pékin ne peut plus, enfin, se mettre à dos le reste de la communauté internationale pour ne pas remettre en cause son modèle de développement centré sur les échanges commerciaux.
Pour organiser sa survie, la ligne moderne du Parti communiste chinois a intégré ces bouleversements et commence à rendre la parole au peuple. Après les médias, Pékin devra bientôt se résoudre à développer des institutions politiques et judiciaires permettant à la population d'exprimer ses souffrances et ses critiques, sans avoir à recourir, faute de structures, à des protestations violentes. Une ébauche de démocratisation que la crise économique devrait précipiter.
Yann Rousseau est correspondant des « Echos » à Pékin.
Dernière édition : 10/12/2008 19h40
Je ne suis pas certaine non plus que la crise économique soit une chance pour la démocratie . Des exemples du passé nous ont montré au contraire une exacerbation de la colère du peuple et la montée en puissance de mouvements populistes ,national-socialistes ,fascistes ...Souvenez vous de la crise de 1929 ...
Il est vraiment à souhaiter que la crise actuelle ne pousse pas les Chinois dans ces extrémismes .
PS J'ai remis l'adresse en lien direct .
http://www.lesechos.fr/info/analyses/4803326-la-crise-une-chance-pour-la-democratie-en-chine.htm
Dernière édition : 10/12/2008 22h48