Réflexions sur l'Expo 2010 Shanghai et sur les cultures chinoise et occidentale
Auteur de cet article :
Zhang Shiying, professeur à l'Université de Beijing.
Source: le Quotidien du Peuple en ligne
L'Exposition universelle est en fait un grandiose rendez-vous mondial permettant aux divers pays, aux différentes nationalités et à toutes les régions du monde de montrer chacun et chacune sa culture particulière et d'effectuer des démonstrations, des compétitions et des échanges culturels. Quant à l'Expo 2010 Shanghai, elle offre sans nul doute, à nous les Chinois, une occasion unique pour donner matière à réflexion sur le passé, le présent et le futur de la culture chinoise.
Au milieu du dix neuvième siècle et plus précisément autour de la Guerre de l'Opium qui a été déclenchée vers 1840, et à peu près au moment de la tenue en 1851 à Londres, au Royaume-Uni, de la première Exposition universelle, il s'est fait entendre de l'Occident une voix qui parlait de la nation chinoise en disant que « la Chine est un lion de l'Orient endormi qui fera trembler le monde dès après son réveil ». Si l'on dit que le « lion de l'Orient endormi » était une réalité à cette époque-là, alors aujourd'hui, l'ouverture de l'Exposition universelle organisée à Shanghai par les Chinois marque de toute évidence le réveil et l'émergence de ce « lion de l'Orient » qui s'ouvre au monde et qui s'avance vers lui.
Après les guerres de l'Opium (la première de 1839 à 1842 et la seconde de 1858 à 1860), ce fut dans l'histoire culturelle de la nation chinoise, le commencement la deuxième introduction en Chine de la pensée occidentale et c'était l'époque du choc entre la culture chinoise et la culture occidentale, ainsi que leur croisement, leur entremêlement et leurs échanges. Quelles sont en fait la différence, la dissemblance et la disparité entre ces deux cultures ? Et comment faire pour les assembler, les entremêler et les mélanger ? Ce sont des problèmes qui préoccupent et qui intéressent tout le monde depuis longtemps. Nous les Chinois, nous réfléchissons largement et sérieusement aux moyens de construire une société harmonieuse dans la pratique et l'organisation de l'Expo Shanghai n'échappe pas à cette idée. C'est pourquoi nous devons saisir l'occasion de la tenue à Shanghai de l'Expo pour réfléchir de façon plus approfondie comment construire une société harmonieuse en procédant aux échanges de al culture chinoise et de la culture occidentale.
Chaque nationalité et chaque culture est dotée de trois idées que sont « nous », « soi-même » et « autrui » et chacun de nous parle en disant « nous », «moi » et « lui ». Les trois sont inséparables et forment un ensemble. Cependant, dans l'esprit personnel de différentes nationalités et de différentes cultures, les trois disposent chacun de son importance et cela est une importante marque de la particularité de différentes cultures.
L'une des plus importantes particularités de la culture traditionnelle chinoise c'est la considération accordée à la conscience collective, alors que dans la collectivité à laquelle appartient l'individu, le « nous » occupe une place prépondérante. Son avantage c'est qu'au moment donné, tous conjuguent leur intelligence, leur sagesse et leurs efforts pour combattre et cela constitue une force et une puissance de lion. Son insuffisance ou sa faiblesse c'est que l'individualité, la personnalité et la confiance en soi passent inaperçues et demeurent ignorées de la collectivité sociale, tandis que dans une société qui préconise la hiérarchie féodale, elles disparaissent et sombrent dans l'oubli englouties par les principes moraux religieux réglant les devoirs sociaux et tout cela est justement la raison fondamentale de l'insuffisance et du manque d'esprit de création et d'innovation indépendantes de la nation chinoise.
Le développement de la culture traditionnelle occidentale, et surtout après la Renaissance (rénovation culturelle qui se produisit en Europe au XVème et au XVIème siècles dans les domaines littéraire, artistique et scientifique d'une part, et dans les domaines économique et social d'autre part, avec les grandes découvertes et la naissance du capitalisme moderne), a été caractérisé par la prépondérance accordée à « soi-même » et chacun pense surtout à réaliser son individualité ou bien sa personnalité qui est tout à fait différente des autres. Son avantage c'est d'avoir réussi à mettre en valeur l'esprit individuel et personnel de création et d'innovation indépendante et à réaliser l'émancipation de l'individu. Son insuffisance et sa faiblesse c'est d'avoir développer de nombreux défauts, tels que l'égoïsme, la présomption, l'arrogance, l'égotisme et l'égocentrisme. Certains philosophes occidentaux de notre époque résument ces défauts en leur donnant le terme « autocratisme ». Le philosophe français d'origine juif Emmanuel Levinas (1905 – 1995), à qui l'on doit d'une grande part le renouveau de la pensée juive, a indiqué même que la tradition culturelle occidentale dans son ensemble est dominée par l'« autocratisme »et il stipule que la priorité doit être accordée à « autrui » et non pas à « soi-même ».
Pour ce qui est de mon idée sur cela, je préconise la combinaison du concept de la tradition chinoise « toutes les choses de l'univers ne forment qu'un bloc » (le ciel et l'homme ne font qu'un) et l'esprit de conscience de soi dans le système occidental du « sujet » et de l' « objet » pour pouvoir établir une nouvelle idée sur « l'univers n'est qu'un bloc » qui sera alors « toutes les choses différentes de l'univers sont communicables » : c'est-à-dire que tout en reconnaissant la particularité (le « subjectivisme ») qui appartient en propre à la « différence » et au « soi-même », il faut apprécier à leur juste valeur le respect d'autrui dans la « communication » (entraide) entre soi-même et autrui dans un « bloc ». C'est seulement en respectant la particularité de « soi-même » dans « autrui » et créer une situation préconisée par Confucius, caractérisée par « le bienveillant se montre affectueux envers tous », « la bienveillance dépend de soi-même », «l'apprentissage pour soi-même » et « la réalisation de l'harmonie tout en maintenant la différence» qu'on pourra construire une réelle société harmonieuse. A l'Expo Shanghai, la conception du pavillon chinois recèle l'idée « le ciel et l'homme ne font qu'un » c'est-à-dire que « toutes les choses de l'univers ne forment qu'un bloc » et cela revêt une importante signification.
J'espère qu'en visitant l'Exposition 2010 Shanghai, les esprits éclairés puissent mettre en valeur leur conscience culturelle en plaçant la culture chinoise dans la vision des diverses et des différentes cultures du monde, ce qui leur permettra d'étendre et d'élargir leur espace de réflexion sur l'émergence de la culture chinoise.
Pour illustrer par l'image "
la Chine et l'Occident ", je voudrais utiliser cette photo de l'actrice chinoise Fan Bingbing et le mannequin Doutzen Kroes, au Festival de Cannes 2010.
. 
