Désolée, je pensais que vous pourriez lire sans difficultés ces articles parus cette semaine dans Courrier International (qui ne me verse aucunes royalties !!!) .Je suis effectivement abonnée, mais on peut aussi trouver cette publication en kiosque !!!
Voici donc "in extenso" l'article sur les femmes Chinoises
• Chine
“Shengnu : les 'femmes en trop' délaissent les hommes”, titrait en novembre 2009 le bihebdomadaire de Canton Xin Zhoukan dans un numéro consacré aux femmes célibataires.
Actuellement, un surplus d'hommes afflue sur le marché chinois du mariage. Pourtant, le public ne s'intéresse qu'aux “vieilles filles”. Ces shengnu [littéralement “femmes en trop”] sont soumises à une plus forte pression sociale que les hommes célibataires. Derrière ce terme réactionnaire se cache en réalité un groupe de femmes remarquables qui ont pris en main leur vie. Elles ont un métier, des aspirations, des exigences et sont entourées d'amis. La seule chose qui leur manque, c'est le mariage. Elles n'y sont pas opposées, mais elles refusent de faire un choix qui ne soit pas parfait. Malgré leur réussite professionnelle, ces femmes qui vivent dans les grandes métropoles ne peuvent toujours pas prendre l'initiative dans leurs relations avec les hommes. Voilà pourquoi de nombreuses célibataires qui souhaiteraient se marier ne trouvent pas l'âme soeur.
Le célibat : un mode de vie choisi ou subi ?
Beaucoup d'entre elles ont une vie professionnelle et privée bien remplie, où la présence d'un homme ne semble pas nécessaire. Petula Ho Sik Ying, spécialiste hongkongaise de la question, estime que le célibat délibéré est un choix par défaut. “Certes, personne ne force ces jeunes femmes à rester célibataires. Si c'est cela que l'on entend par 'délibéré', alors oui, on peut dire que dans bien des cas le célibat est en partie 'délibéré'. Cependant, dans la mesure où le mariage est perçu comme un changement de vie positif, la plupart des gens n'y sont pas opposés.” En raison de la forte urbanisation du pays, de nombreuses jeunes diplômées choisissent de rester en ville plutôt que de regagner leur village natal. Dans les grandes agglomérations, elles sont indépendantes non seulement financièrement, mais aussi dans leur mode de vie. Elles mènent une existence parfaite de célibataire. Elles n'ont pas besoin du mariage pour couper le lien avec leurs parents et conquérir leur liberté ou bénéficier d'un soutien financier. Il existe de nombreux lieux, revues de mode et centres commerciaux conçus spécialement pour elles, ce qui les conforte dans l'idée qu'elles peuvent mener une vie libre et bien remplie. De plus, le chemin suivi par les générations précédentes les incite à penser que se marier et avoir des enfants en respectant la tradition n'est pas forcément une bonne chose. Au fond d'elles-mêmes, elles espèrent toujours sortir du mode de vie limité de leurs parents et sont donc réticentes pour choisir un homme médiocre comme partenaire et mener avec lui une existence banale.
Avec la mondialisation, un horizon plus large s'offre aux femmes chinoises, et des modèles de vie idéale se présentent sans cesse à leurs yeux. Cependant, elles ont grandi dans une société patriarcale et sont habituées à penser qu'une présence masculine est nécessaire pour leur rendre la vie meilleure. On assiste donc à l'apparition du phénomène dit “des femmes de première catégorie et des hommes de quatrième catégorie”, pour reprendre les termes utilisés par Li Yinhe, sociologue spécialiste des questions sexuelles à l'Académie des sciences sociales de Chine. En général, les femmes cherchent des hommes plus brillants qu'elles tandis que les hommes recherchent des femmes moins fortes qu'eux. Selon ce principe, restent sur le carreau les hommes “de quatrième catégorie” originaires de régions reculées et les femmes citadines “de première catégorie” qui ont des diplômes, de hauts revenus et des prétentions élevées.
Quel genre de mariage est susceptible de donner de la valeur ajoutée à leur vie ? Les shengnu hésitent et finissent par choisir le célibat, qui ne leur apporte aucun “plus”, mais a du moins l'avantage de ne rien leur faire perdre. Dans le “rapport Hite” [une enquête sur la sexualité féminine publiée aux Etats-Unis dans les années 1970, puis rééditée en 2002], on peut lire le témoignage suivant : “Mes parents se sont toujours beaucoup aimés ; ils ne se sont jamais disputés, me semble-t-il. Ma mère est une femme au foyer docile dont la vie tourne tout entière autour de celle de son mari. Quant à mon père, bien qu'il décide de tout, ce n'est pas un tyran ; il respecte ma mère et prend soin d'elle.” Ce type de mariage est le modèle de relation parfaite que souhaite au fond du coeur toute “vieille fille”. Beaucoup de femmes célibataires ont connu des déceptions et tentent de retrouver le rôle féminin traditionnel d'épouse soutenant son mari et élevant ses enfants. Néanmoins, le mariage traditionnel n'est pas un gage de stabilité, rappelle le rapport Hite.
Un des sujets d'étude de Petula Ho con¬cerne les femmes au foyer. A l'issue de ses recherches, elle a le sentiment profond que l'indépendance et l'autonomie sont indispensables dans la société actuelle, même dans le cas du plus heureux des mariages avec des époux épris l'un de l'autre. “On voit de bons maris pourtant peu volages prendre brusquement une jeune maîtresse vers la cinquantaine. Il est difficile aujourd'hui pour l'homme comme pour la femme de rester fidèle à l'élu(e) de leur coeur, l'homme ayant tendance à prendre davantage de libertés dans ce domaine que la femme”, note-t-elle. Pour Li Yinhe, il semblerait que la règle de la femme amoureuse qui se marie ne s'applique plus systématiquement à la femme moderne. “Une fois qu'une femme a gagné son indépendance financière, son comportement dans la société change. Le schéma traditionnel du mariage comme aboutissement d'une relation amoureuse vole en éclats parmi les jeunes citadines. Celles-ci vont de l'avant sans avoir encore une perception bien nette des nouvelles normes. Ne plus pouvoir suivre de règles est source pour elles de souffrances et d'angoisses”, affirme la sociologue.
La difficile adaptation aux évolutions de la société
Dans les années 1950 et 1960, une certaine uniformité régnait en matière de mariage. “Les différences d'âge entre les époux étaient minimes, tout comme les écarts de revenus. Aussi, tout le monde se mariait à peu près avec le même genre d'homme”, ajoute Li Yinhe. Mais, avec le creusement du fossé entre pauvres et riches, et les brusques transformations des couches sociales, le mariage, au même titre qu'un métier, est devenu un moyen d'accéder à de meilleures ressources. Actuellement, les salaires des Chinoises ne représentent que 75 % de ceux de leurs homologues masculins. A travers le mariage, les femmes, qui ne sont pas traitées sur un pied d'égalité sur le marché professionnel, espèrent obtenir une nouvelle répartition des richesses.
La plupart des Chinoises ne savent plus sur quel pied danser, tant les normes sont différentes dans le milieu scolaire et dans la réalité sociale, explique Petula Ho. “Pendant qu'elle fait ses études, une fille reçoit une éducation fondée sur l'égalité entre les sexes. Ses parents l'entourent de tous leurs soins et la poussent à bien étudier. Mais, une fois qu'elle commence à chercher du travail ou se met en quête d'un petit ami, elle se heurte à de nombreuses contraintes liées à l'inégalité entre hommes et femmes”, assure-t-elle.
Sources: Courrier International n° 1028