Le prix à payer pour élever un enfant en Chine
Ils préfèrent les vêtements de grandes marques et les objets de luxe. Ils suivent la mode quand il s'agit d'acheter un appareil photo numérique, un téléphone portable ou un MP3 et tentent de se différencier des autres. Ce sont les membres de la jeune génération qui grandissent dans l'environnement de l'économie de marché.
Une génération qui coûte cher
Dans un magasin de bicyclettes Giant de Beijing, Zhang Xiaoqiang vient de trouver un vélo de montagne à son goût et demande à sa mère de l'acheter : " S.v.p., achète-moi ce vélo, il ne coûte que 1 000 yuans, seulement quelques centaines yuans de plus que le mien. Je t'assure que je me classerai dans les cinq premiers au prochain examen. " Voilà les propos que Zhang tient à sa mère pour l'inciter à acheter ce vélo.
Il est en deuxième année de lycée, et c'est son deuxième vélo Giant. " Presque tous les garçons de ma classe en ont un ", déclare-t-il.
Un vélo, un sac et des chaussures de sport de grande marque sont devenus la " face " des jeunes. Bien que tous les lycéens portent l'uniforme en classe, le choix des chaussures est libre, et les Nike, Adidas et Reebok abondent. Selon une enquête, 42,2 % des adolescents adorent les produits dont la marque est reconnue mondialement, car ils estiment que ces produits représentent bien leur personnalité.
À part les articles d'usage courant, des produits électroniques comme l'appareil photo numérique, le téléphone cellulaire et le MP3 sont aussi des articles qui font l'objet de rivalité entre les adolescents.
Qi Yuanyi est une écolière de 11 ans de l'École primaire expérimentale de la zone Shangdi de Beijing. Dans son sac, à part les articles scolaires, il y a un téléphone portable, un MP3 et un dictionnaire électronique. " Tous mes camarades ont un MP3 et un dictionnaire électronique, et bon nombre d'entre eux ont leur propre téléphone cellulaire. Le MP3 et le dictionnaire électronique ont été achetés par mes parents sans que j'aie à les demander; le portable l'a été à ma demande. Bon nombre de camarades ont même un meilleur téléphone que le mien. "
La mère de Qi est directrice d'une agence immobilière et elle acquiesce à toutes les demandes de sa fille. " Le plus important, c'est l'amélioration de notre condition de vie; dans mon enfance, on n'avait pas d'argent. Si les demandes de ma fille ne sont pas exagérées, je les satisfais, à condition qu'elle étudie bien. ", avoue-t-elle. Selon les comptes de cette femme, à part les frais de scolarité, elle dépense 5 000 yuans par an en achats de vêtements et d'objets de luxe. " Parfois, les vêtements de ma fille coûtent plus cher que les miens, et elle connaît un plus grand nombre de produits de marques renommées que moi; cette nouvelle génération coûte cher. " Selon Mme Qi, c'est une tendance de l'époque.
Où dépensent-ils leur argent de poche?
L'argent de poche occupe une place importante dans la vie des jeunes parce qu'ils décident librement comment ils le dépenseront. En plus de l'argent de poche donné régulièrement par les parents, les enfants reçoivent aussi des cadeaux en argent. Selon le rapport de l'étude : " Le prix de revient d'un enfant : changement et amélioration de la structure durant la période de transition ", effectuée par M. Xu Anqi, chercheur de l'Institut de sociologie de l'Académie des sciences sociales de Shanghai, le montant de l'argent de poche et des cadeaux que reçoit un enfant peut atteindre en moyenne 2 300 yuans par an; parfois, il peut s'élever jusqu'à 40 000 yuans.
La majorité des enfants ont le droit de disposer librement de ces cadeaux en argent. Ils peuvent dépenser tout ce qu'ils veulent. La fille de M. Ma Yulong est pensionnaire, et c'est une écolière de la troisième année du primaire. Le week-end dernier, M. Ma a découvert qu'elle avait un nouveau sac à main d'un style particulier. Pour répondre à la demande de son père concernant ce sac, elle a déclaré qu'elle l'avait acheté elle-même avec son argent de poche, comme le font ses camarades.
Une enquête révèle que : 36,5 % des adolescents chinois dépensent moins de 100 yuans par mois; 23 %, de 100 à 200 yuans; 19 % de 200 à 400 yuans; 9 %, de 400 à 600 yuans; et 8 %, plus de 600 yuans. Leur argent de poche est souvent utilisé pour l'achat de vêtements, de chaussures, de chaussettes, de périodiques et de livres, ou bien pour le cinéma et des casse-croûte. Selon une enquête sur les actions de consommation des adolescents, effectuée par l'Institut de recherche sur les adolescents de Hongkong, Macao et Guangzhou, 40 % des adolescents ont reconnu ne pas utiliser longtemps beaucoup d'objets et mettre de côté. Le vice-directeur de cet institut, M. Chen Jijing, a indiqué que la consommation des adolescents est influencée par le culte des vedettes ou par l'émulation à consommer.
En avril 2005, une autre enquête, effectuée cette fois par le Centre d'enquête sociale du Zhongguo Qingnian Bao (Journal de la Jeunesse de Chine), a révélé que : parmi 1 150 jeunes, 78 % attachent de l'importance à la marque; moins de 2 % n'y portent pas attention; et 20,4 % donnent une réponse équivoque. " Si tout le monde porte des chaussures Nike et que vous portez des chaussures d'une marque inconnue, vous perdez non seulement la face, mais vous êtes aussi écarté du groupe ", révèle un jeune sous le couvert de l'anonymat.
Près de l'École secondaire Bayi, M. Yang Shunlin a ouvert une petite boutique, et sa clientèle est composée surtout de lycéens. À part les fournitures de bureau, M. Yang vend aussi des articles de sports. " C'est facile de gagner de l'argent avec une clientèle de jeunes de 10 à 20 ans, car ils dépensent l'argent des parents ", dit ce propriétaire de boutique. Étant donné qu'il cible ce marché, il s'assure que sa boutique soit bien approvisionnée en marchandises que les jeunes préfèrent, et il ne se fait pas de souci. Il sait qu'il va les vendre.
L'enfant, le roi de la famille
M. Yu Shiwei, professeur à l'École secondaire nº 1 de Jiangmen, au Guangdong, a effectué une enquête parmi ses élèves : " La psychologie de consommation à la mode parmi les adolescents ". En analysant pourquoi les jeunes cultivent la prodigalité, le facteur le plus important touche la famille. Selon M. Yu, l'enfant unique est comme le soleil de la famille, et le budget familial est basé sur ses besoins et ses humeurs. À part les dépenses nécessaires, tout l'argent est utilisé pour l'enfant. Inconsciemment, cette place a été donnée à l'enfant au sein de la famille, et dans cette atmosphère, on a cultivé l'habitude de la prodigalité chez l'enfant. La plupart des parents attachent de l'importance à la performance dans les études et créent les conditions nécessaires permettant d'élever la qualité de ces études. Ils ne regardent pas à la dépense et ne s'intéressent qu'aux études de l'enfant.
Les conclusions du Pr Yu vont dans le même sens que les résultats des recherches faites dans les villes de Beijing, Tianjin et Shanghai, par le Bureau d'enquête sur la société chinoise. Dans 85 % des familles, la consommation mensuelle moyenne pour l'enfant dépassait le tiers du revenu total de la famille. En d'autres mots, les dépenses pour l'enfant dépassaient celle d'un adulte. Dans une enquête informelle effectuée parmi une dizaine de familles, la plupart des parents estimaient que les dépenses pour l'enfant représentaient au moins le tiers du revenu familial.
" Nous sommes prêts à dépenser plus d'argent, à condition que l'enfant ait un bon rendement à l'école. " C'est la réalité de presque tous les parents.
Un autre point de vue est également représentatif. " Tout le monde veut que son enfant vive bien, qu'il ne soit pas méprisé par les autres, que toutes ses demandes soient comblées ", déclare Mme Liu, une ouvrière du textile ayant un revenu moyen. Elle a accédé à la demande de sa fille d'acheter des produits de beauté de luxe. À l'école, il est interdit de se maquiller, mais durant leurs loisirs, les jeunes filles aiment le faire, sinon, elles sont souvent la cible des moqueries des autres. Mme Liu ne veut pas que sa fille soit victime d'une telle situation.
M. Liu Huilin, de l'Institut de recherche de l'Académie de l'éducation, estime que bon nombre de parents craignent que leur enfant éprouve un sentiment d'infériorité à cause d'un faible niveau de consommation. En effet, il y a une concurrence entre les parents qui économisent sur tout pour que leur enfant puisse rivaliser avec les autres, ce qui a encouragé l'enfant à faire preuve de prodigalité.
Donner aux jeunes des cours de base en économie
L'école primaire de la rue Wenhua de Shenyang, au Liaoning, a pris l'initiative de donner des cours d'économie personnelle aux élèves du primaire. Ce cours touche les domaines de l'argent personnel, des prix, des achats, de la finance, de l'investissement, du crédit et des impôts. Selon le directeur de l'école, à présent, toutes les classes, de la première à la sixième année ont un cours d'essai en la matière. Les écoliers des cinquième et sixième années suivent également des cours sur l'investissement et l'administration de l'argent.
Maintenant, ce genre de cours est généralisé dans les autres villes du pays. À Shanghai, il y a une centaine d'écoles qui le dispensent. À l'École primaire Mayu de Beijing, tous les écoliers ont un livret dans lequel ils peuvent enregistrer leurs dépenses quotidiennes.
Le système du livret de comptes est organisé conjointement par le Centre de service d'échanges scientifiques et culturels des adolescents de Beijing et la Banque de Beijing. Il a pour but de cultiver la bonne habitude d'épargner de l'argent, de consommer raisonnablement et de forger une conception correcte de la gestion de l'argent.
M. Ma Baohong, président de la succursale You'anmen de la Banque de Beijing, a indiqué que, dans bon nombre de pays, presque toutes les banques fournissent des services aux adolescents; en Chine, c'est encore une lacune. Hors du livret de comptes ouvert par la Banque de Beijing, la Banque industrielle et commerciale de Beijing a établi un compte de " formation " qui s'adresse spécialement aux adolescents. Ces deux initiatives fournissent une plateforme de service aux adolescents. Beaucoup de parents ont estimé que cette mesure a aidé des jeunes à cultiver l'épargne et à favoriser la frugalité.