Débuts du Parti communiste chinois (SHANGHAI, 1849-1946)
C'est dans la concession française de Shanghai qu'a lieu, en juillet 1921, l'événement considéré comme l'acte de naissance du Parti communiste chinois, son premier congrès.
Ce n'est pas un hasard : Shanghai, ville de forte concentration ouvrière et place-forte du capitalisme, foyer de rassemblement d'intellectuels modernistes au lendemain de la seconde guerre mondiale, est le laboratoire où peuvent naître et se développer les mouvements révolutionnaires. Le régime des concessions, par la relative protection qu'elles offrent, permet en outre à ces théories de s'exprimer avec plus de liberté. Les principes de démocratie, de droits de l'homme, les idéaux de la révolution française y sont revendiqués par la jeune intelligentsia, qui dénonce en même temps la présence étrangère.
La direction du PCC s'installe donc dans la concession, et particulièrement, son secrétaire général, Chen Duxiu, professeur de littérature francophile, converti au marxisme en 1920.
Cependant la tolérance dont les autorités françaises font preuve n'est pas sans arrière-pensée ni restriction. D'une part, et selon une remarque du consul lui-même, " cette solution permet à notre police de se tenir au courant des faits et gestes des communistes chinois et de leurs relations avec leurs camarades de l'Internationale ". D'autre part, la libre expression politique trouve sa limite dans les fonctions de maintien de l'ordre et de la sécurité publique assumées par les services municipaux.
Ainsi le premier congrès du Parti communiste et ses activités n'échappent-ils pas à la surveillance policière. Chen Duxiu, qui tient dans sa maison de la rue Vallon, une école de langues tenant lieu d'officine de traduction et de diffusion de textes émanant du Komintern et passant pour subversifs est l'objet d'une dénonciation et arrêté le 4 octobre 1921 puis en 1922. Grâce aux appuis dont il bénéficie de la part, notamment, il sera l'objet d'une clémence relative de la part des autorités françaises. Surtout, ses activités et celles de ses compagnons suscitent la sympathie des intellectuels français compagnons de route du Parti communiste, tel l'écrivain Henri Barbusse qui lui propose de participer au mouvement Clarté .
Par ailleurs, Chen Duxiu est l'un des inspirateurs du mouvement travail et études qui, dès 1919, permet à 2 à 3000 étudiants-ouvriers - parmi lesquels les deux fils de Chen Duxiu - de s'embarquer vers Marseille. Le mouvement souffre des mauvaises conditions économiques en France à cette époque et il se termine assez mal en 1925. Le 30 mai, la police de la concession internationale a tiré sur un cortège de manifestants qui soutenaient les ouvriers en grève d'une filature japonaise de la banlieue ouest de Shanghai, faisant 13 morts et déclenchant la colère à travers tout le pays et un mouvement révolutionnaire préfigurant les évènements de 1927. A Paris, les étudiants chinois soutiennent le mouvement, obtiennent l'appui des communistes français, lancent des appels à l'insoumission aux marins envoyés par la France pour protéger la concession. Mais, ayant pénétré de force dans les locaux de la Légation de Chine à Paris pour protester contre le refus d'une autorisation de tenir un meeting, ils sont expulsés ou partent d'eux-mêmes pour rejoindre le centre révolutionnaire qu'est devenu Shanghai. Parmi eux, des leaders - et non des moindres - de la révolution chinoise : Shou Enlai ou Deng Xiaoping, pour lesquels le séjour en France, malgré ses dificultés, a joué le rôle d'apprentissage.
1925-1927
En poste à Shanghai de novembre 1925 à décembre 1927, le consul général Paul-Emile Naggiar a été le témoin des évènements que Malraux transcrira sur le mode romanesque dans La Condition humaine (1933).
A la mort de Sun Yat-sen en 1925, Chiang Kai-shek prend la tête du Guomindang et d'une expédition vers le nord, la beifa qui, d'abord avec l'appui des communistes, vise à reconquérir la Chine sur les seigneurs de la guerre. En janvier 1927, la beifa progresse vers Shanghai, alors au main du seigneur de la guerre Sun Chuanfang.
A l'annonce de cette progression, les communistes de Shanghai reprennent confiance et le Syndicat général lance un mot d'ordre de grève pour le 21 mars, avant de lancer une insurrection armée qui aboutit le lendemain à la chute de Sun Chuanfang.
Retranchés dans leurs concessions, les étrangers redoutent autant l'armée nationaliste (des nouvelles venues de Nankin font état de violences xénophobes) que la " subversion " communiste. Mais, alors que les Britanniques essayent de rassurer les résidents de la concession internationale par le renfort de 28 navires de guerre, les Français ne font appel qu'à une compagnie supplémentaire de soldats annamites et à quelques 300 fusiliers marins débarqués des deux navires qui croisent sur le Huangpu. Car le consul Naggiar défend une " méthode discrète " privilégiant la négociation et la collaboration avec les autorités chinoises, quitte à négocier si nécessaire avec les gangsters de la société secrète de la Bande verte, seule force pouvant contrebalancer les syndicats.
Dans l'ombre, de multiples tractations entre factions se poursuivent et le drame se noue. Le 23 mars, les troupes nationalistes investissent la ville, fêtées par l'ensemble de la population. Chiang Kai-shek , arrivé le 26, se rapproche de la bourgeoisie et s'occupe désormais à exclure les communistes, avec l'aide de la pègre. L'attaque, le 12 mars 1927, du Syndicat général par les hommes de la Bande verte épaulés par les soldats nationalistes met fin brutalement à la commune de Shanghai et donne le signal d'une terreur blanche qui brise la vague révolutionnaire, faisant des milliers de victimes.