Avec d'autres pays émergents, les autorités chinoises militent pour une nouvelle monnaie de réserve
Mercredi 1er avril, le président chinois, Hu Jintao, arrivera au sommet du G20 de Londres avec un problème précis. La Chine détient 739,6 milliards de dollars, soit 545 milliards d'euros, en titres du Trésor américain, ce qui en fait le premier créancier des États-Unis. Elle ne souhaite donc pas voir le cours du dollar sombrer dans le naufrage de l'économie américaine. « Les autorités chinoises s'inquiètent avant tout de la stabilité du système financier international », résume un analyste parisien.
Jusqu'ici, le dollar est la principale monnaie de réserve internationale. Les États-Unis sont les seuls à pouvoir faire marcher leur planche à billets pour rembourser leurs créanciers. Ainsi, il y a dix jours, l'institut d'émission – la Réserve fédérale américaine (Fed) – a-t-il annoncé acheter pour 300 milliards de dollars (230 milliards d'euros) de bons du Trésor. « En achetant ces bons, l'autorité monétaire, la Fed, reconnaît financer le gouvernement américain par l'émission de monnaie », souligne un analyste parisien. Le risque est de voir la valeur de la monnaie s'effondrer. Le dollar a d'ailleurs suivi un mouvement baissier après l'annonce de la Fed, le 19 mars.
Ce mois-ci, devant le dérapage du déficit budgétaire américain, le premier ministre chinois, Wen Jiabao, a déjà exprimé ses craintes concernant les investissements de son pays aux États-Unis. «Nous avons prêté beaucoup d'argent aux États-Unis. Bien sûr que nous sommes inquiets de la sécurité de nos actifs», a-t-il dit. Le président Barack Obama a dû lui répondre que Pékin pouvait avoir « une confiance absolue » dans l'économie américaine. « Il n'y a pas de placement plus sûr dans le monde que d'investir aux États-Unis », a ajouté le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs.
Une monnaie supranationale
Mais le doute est là, et les autorités chinoises ont relancé l'idée d'une monnaie supranationale. Wen Jiabao continue de s'inquiéter de la forte exposition de la Chine aux États-Unis. Et Pékin demande un changement en profondeur du système monétaire international pour permettre notamment une plus grande utilisation des droits de tirage spéciaux (DTS) alloués par le Fonds monétaire international (FMI). Le gouverneur de la banque centrale chinoise, Zhou Xiaochuan, a déclaré que les DTS – créés par le FMI en 1969 – pourraient devenir une monnaie de réserve « supranationale » supplantant à terme le dollar.
Une semaine avant, la Russie annonçait qu'elle allait soumettre la proposition de créer une nouvelle monnaie de réserve lors de la réunion du G20. La Russie dit disposer du soutien d'autres pays émergents, comme le Brésil, l'Inde, la Corée du Sud et l'Afrique du Sud. De son côté, le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a jugé « légitimes » les discussions sur une nouvelle monnaie de réserve internationale. Il a estimé que ce débat pourrait avoir lieu « dans les mois qui viennent ».
Un groupe d'experts de l'ONU dirigé par l'économiste américain Joseph Stiglitz a aussi préconisé jeudi dernier de remplacer le dollar. « L'opinion est de plus en plus répandue qu'il y a des problèmes avec le système basé sur le dollar », a déclaré Joseph Stiglitz au cours d'une conférence de presse, estimant que ce système était « relativement volatil, déflationniste, instable et s'accompagnant d'inégalités ». « Les pays en développement prêtent aux États-Unis des milliers de milliards de dollars pratiquement sans intérêt, alors qu'ils ont eux-mêmes d'énormes besoins, a-t-il relevé. En un sens, c'est un transfert net vers les États-Unis, une forme d'aide extérieure. »
Brusque ralentissement des exportations
Interrogés sur cette question devant la Chambre des représentants, le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, et le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, ont indiqué qu'ils s'opposeraient à la proposition chinoise d'une alternative monétaire au dollar. Timothy Geithner a déclaré mercredi que les États-Unis feraient en sorte que le dollar continue à être la principale monnaie de réserve mondiale. Le même jour, le premier ministre britannique, Gordon Brown, a estimé que la question des monnaies de réserve ne serait pas un grand sujet de débat lors du sommet du G20.
À Londres, le président chinois s'intéressera aussi à la relance économique mondiale. Il s'inquiétera de la montée du protectionnisme chez certains de ses partenaires, qui pourrait encore un peu plus réduire le volume des exportations chinoises. Cette année, la Banque mondiale prévoit pour la Chine une croissance de 6,5 %, contre 13 % en 2007.
Pour pallier le brusque ralentissement des exportations, les autorités chinoises ont annoncé en novembre un plan de relance de 455 milliards d'euros. Le gouverneur de la banque centrale a souligné que les projets, visant à réorienter davantage l'économie chinoise vers la consommation intérieure, serviront à faire de la Chine « une force stabilisatrice dans l'économie mondiale ».
Ces projets pourraient aussi apaiser les tensions sociales internes. Il y a quelques semaines, le gouvernement avait estimé à 20 millions le nombre de travailleurs migrants ayant perdu leur emploi à cause de la crise économique. Ces travailleurs, qui quittent leurs zones rurales pour rejoindre les régions industrialisées du Sud et de l'Est, sont les premières victimes de la crise qui réduit la demande pour les produits manufacturés en Chine et a provoqué la fermeture de nombreuses usines exportatrices.
Par Pierre COCHEZ -
http://www.la-croix.com/
Source :
http://www.modem76.com/article-29644386.html