08/07/2010 à 07:38 - Rationalisme et pensée magique
Steph dit qu'il n'est « absolument pas superstitieux », au niveau rationnel, je ne doute pas qu'il en aille ainsi mais nous avons tous, je crois, un fond de pensée magique culturellement héritée. Qui n'a jamais dit « je touche du bois », ou « je croise les doigts », joignant même parfois le geste à la parole ? Qui n'a pas fait un voeu en voyant une étoile filante ou même en mangeant les premiers fruits de l'année ? Qui n'a pas éprouvé une certaine appréhension en cassant un miroir ? Qui ne s'est pas surpris, même incroyant, à remettre le pain à l'endroit ou à compter le nombre de convives pour vérifier qu'ils n'étaient pas au nombre de treize à table ?...
Personnellement, c'est quelque chose que je ne peux pas faire. Le jour de la communion de la fille de ma marraine, nous étions treize à table ; son père en a plaisanté avec le mien en lui disant cette phrase (car c'est le chef de famille qui est censé en danger dans ces circonstances, à l'image de Jésus présidant la Cène) : « eh bien mon pauvre Hugues, si je meurs, tu donneras bien au moins vingt sous pour ma couronne ! » ; treize jours plus tard, il était renversé par une voiture sur sa mobylette ; treize jours après avoir été renversé, il mourait des suites de ses blessures. Mon père en était évidemment bouleversé. J'étais enfant à l'époque et cette coïncidence m'a d'autant plus marquée qu'à la suite du décès, j'ai entendu nombre d'histoires similaires de la part de ceux à qui mes parents en parlaient.
J'ai beau être rationaliste, il est depuis lors au-dessus de mes forces de me retrouver dans cette situation ! Pour concilier l'inconciliable, j'ai toujours pensé que cet accident n'était pas tout à fait une coïncidence tout en refusant, évidemment, d'y voir une punition du Ciel : je crois que la superstition est tellement ancrée en nous, au niveau inconscient au moins, que ce pauvre homme a parfaitement pu être psychologiquement fragilisé par ce qu'il a vécu inconsciemment lui-même comme une transgression et qu'il a pu, treize jours plus tard, se mettre en danger sur sa mobylette en relâchant sa vigilance. Même chose pour sa mort treize jours après l'accident : convaincu qu'il y avait là un fait inéluctable, je pense qu'il a parfaitement pu se laisser mourir à ce moment-là.
Même en les rationalisant, comme Stardust, nous restons marqués par les superstitions de notre enfance. Je viens d'une région particulièrement superstitieuse, où la croyance en la sorcellerie était encore très vivace jusqu'aux années 70 au moins. Ma grand-mère, qui m'a, en grande partie, élevée, était terrifiée quand l'une de ses voisines « marchait sur son ombre » et elle ne croisait pas un chat noir sans en être terrifiée ! J'ai retrouvé cette terreur du chat dans un feuilleton récemment diffusé par CCTV, Belle-soeur : une jeune fille, entendant miauler un matou sur le toit de sa maison, sort armée d'un balai pour chasser l'animal porte-malheur.
Les Chinois ne me semblent pas plus superstitieux que les Français et j'ai beaucoup aimé le témoignage et l'analyse de Hebei à cet égard. Par contre, je remarque souvent dans les feuilletons des incohérences de scénario qui me semblent fort peu cartésiennes...
Dernière édition : 08/07/2010 07h45