01/04/2010 à 13:18 - Les Chinois investissent en masse dans le Bordeaux
La campagne des primeurs, dégustations organisées chaque année, permet aux acheteurs du monde entier de découvrir le dernier millésime en cours d'élevage et de l'acheter en avant-première pour être livré un an plus tard en bouteilles.
"Hors Union européenne, la Chine est devenue depuis l'année dernière le premier client des vins de Bordeaux à l'exportation. C'est le seul marché qui ne semble pas souffrir de la crise", dit Jean-Marc Guiraud, directeur de l'Union des grands crus, organisateur de cette manifestation spécifiquement bordelaise.
La venue de ces professionnels asiatiques est comme un rayon de soleil pour la viticulture bordelaise après un coup de froid économique d'une rare ampleur en 2009.
L'an dernier, les exportations ont baissé de 14% en volume et de 23% en valeur, dans un marché mondial en forte dépression sur lequel 70 millions d'hectolitres ont été échangés contre 90 millions l'année précédente.
Mais le marché chinois s'est considérablement développé en doublant quasiment ses importations de vins de Bordeaux - 137.000 hectolitres, soit une hausse de 97% -, pour un chiffre d'affaires de 74 millions d'euros, en hausse de 40%.
Par comparaison, les Américains qui se sont fait voler la première place, ont importé 116.000 hectolitres en 2009, soit une baisse de 27%, pour un montant de 139 millions d'euros.
Pour François Lévêque, président du Syndicat régional des courtiers en vins et spiritueux de Bordeaux, Gironde et Sud-Ouest, "l'élément nouveau cette année c'est que les Chinois qui sont devenus des acteurs importants pour la viticulture bordelaise vont acheter pour la première fois des primeurs".
LES CHINOIS RACHÈTENT DES CHÂTEAUX
Philippe Genevey, gérant du Château La Marzelle, grand cru classé de Saint-Emilion, voit le marché chinois et sa classe moyenne montante comme un eldorado à conquérir.
"J'ai reçu un groupe qui annonçait pouvoir dépenser un million d'euros en primeurs", dit-il.
Et l'appétit des acheteurs chinois ne s'arrête pas là.
"C'est un peu l'inconnu, mais ils viennent dans l'idée de construire quelque chose, au-delà des primeurs. Un groupe parle de 20.000 caisses des millésimes précédents en composant entre grands crus, vins de grandes appellations et des vins plus modestes", ajoute Philippe Genevey.
Au Château Haut-Brion (Pessac-Léognan), le directeur, Jean-Philippe Delmas, reçoit lui aussi beaucoup de Chinois.
"Ce matin, j'en ai reçu une trentaine par exemple. Ils sont intéressés parce qu'ils ont acheté quelques caisses de 2008, année des Jeux Olympiques de Pékin, et que leurs consultants les incitent à investir dans le 2009 qui est déjà un millésime mythique pour être sûrs de pouvoir en vendre dans deux ans sur un marché chinois qui est très intéressant."
Philibert Perrin, dont la famille est propriétaire depuis 1956 de Château Carbonnieux (Pessac-Léognan), fait un parallèle avec les années 1970 et l'arrivée massive des Japonais puis les années 1980 avec cette fois les Coréens et les Taïwanais. "Le Bordeaux rouge correspond bien à leur goût tourné vers des vins classiques et ils apprennent vite. C'est intéressant pour nous."
Les Chinois s'intéressent au Bordeaux depuis quelques années. Ils ont commencé à racheter des propriétés telles que le Château Latour-Laguens, située en appellation "Bordeaux-Bordeaux Supérieur" à Saint-Martin-du-Puy, à une cinquantaine de km au sud-est de Bordeaux.
Le domaine a été acquis en janvier 2008 par le groupe Longhai International Trading Co Ltd. En juin 2009 Hongkong A and A International a pris le contrôle du Château Richelieu, 17 hectares situés à Fronsac.
Mais la situation n'est pas exempte de dangers.
"Il est encore difficile d'en tirer des conclusions mais le risque c'est la spéculation sur les plus grandes marques", estime François Lévêque.
Source:
L'Express