Chaque pays a son spécialiste :
En
France on a
Marie Holzman, sinologue, spécialiste de la Chine contemporaine, Présidente de l'Association Solidarité Chine. Auteur, avec Noël Mamère de « Chine, on ne bâillonne pas la lumière » (ed. Ramsay)
En
Italie on a :
Domenico Losurdo, il est professeur d'histoire de la philosophie à l'université d'Urbin (Italie). Il dirige depuis 1988 la Internationale Gesellschaft Hegel-Marx für dialektisches Denken, et est membre fondateur de l'Associazione Marx XXIesimo secolo. Dernier ouvrage traduit en français : Nietzsche philosophe réactionnaire : Pour une biographie politique.
Le Nobel de la guerre aux Messieurs du Nobel de la paix
Par Domenico Losurdo (China Daily)
Publié: 2010-10-11 17:43
Pas de doute : l'idéologie de la guerre contre la Chine s'appuie sur une idéologie de longue date qui justifie et même célèbre les agressions militaires et les guerres de l'Occident au nom de la démocratie et des droits de l'homme. Et voici qu'à présent le Prix Nobel de la paix est conféré au dissident chinois Liu Xiaobo : un sens de l'opportunité parfait, d'autant plus parfait si l'on pense à la menace de guerre commerciale contre la Chine brandie cette fois de façon ouverte et solennelle par le Congrès américain.
Parmi les premiers à se réjouir du choix des Messieurs d'Oslo s'est trouvée Shirin Ebadi, une idéologue de la guerre, médiocre et provinciale, qui a eu en 2003 le Prix Nobel de la Paix. Sauf que les Messieurs d'Oslo ont préféré récompenser une militante qui depuis lors n'a de cesse d'attiser le feu de la guerre en premier lieu contre l'Iran, mais maintenant contre la Chine aussi.
En qui concerne la grande exploitation des ouvriers en Chine, Shirin Ebadi parle sans nul doute à tort et à travers : dans le grand pays asiatique, des centaines de millions de femmes et d'hommes ont été soustraits à la faim à laquelle ils avaient été condamnés en tout premier lieu par l'agression impérialiste et par l'embargo proclamé par l'Occident ; et ces jours-ci on peut lire dans tous les organes de presse que les salaires des ouvriers sont en train de progresser à un rythme assez rapide.
Après la consécration et la transfiguration de Liu Xiaobo, le président américain est tout de suite intervenu : il a demandé la libération immédiate du dissident. Mais pourquoi, en attendant, ne pas libérer les détenus sans procès de Guantanamo ou au moins faire pression pour la libération des innombrables Palestiniens (parfois à peine adolescents) emprisonnés par Israël, comme le reconnaît même la presse occidentale, dans des complexes carcéraux terrifiants ?
Avec Obama nous tombons sur un autre Prix Nobel de la paix aux caractéristiques assez singulières. Quand il l'a obtenu, l'an dernier, il avait déclaré qu'il avait l'intention de renforcer en Afghanistan la présence militaire des USA et de l'OTAN et de donner une impulsion aux opérations de guerre. Conforté aussi par la prestigieuse reconnaissance qu'il avait reçue à Oslo, il a été fidèle à sa parole : ils sont maintenant bien plus nombreux qu'à l'époque de Bush. Il est difficile de qualifier de non-violent Obama, le leader d'un pays qui est engagé dans diverses guerres et qui dépense à lui seul en armement autant que tout le reste du monde pris dans son ensemble. Mais Obama ne se laisse certes pas impressionner : il peut toujours exhiber son Prix Nobel de la paix !
Voyons sur le versant opposé de quelle façon les Messieurs d'Oslo se positionnent à l'égard de la Chine. Ce pays, dont la population représente le quart de la population planétaire, ne s'est engagé dans les trois dernières décennies dans aucune guerre et a su promouvoir un développement économique qui, en libérant de la misère et de la faim des centaines de millions de femmes et d'hommes, leur permis d'accéder aux droits économiques et ciaux. Eh bien, les Messieurs d'Oslo n'ont pris en considération ce pays qu'afin de lui attribuer trois prix, à trois dissidents.
De nos jours encore, il parle ainsi de son peuple : Nous les Chinois, si brutaux ? Ainsi, aux yeux des Messieurs d'Oslo, la cause de la paix est représentée par un pays (les USA) qui se croit souvent investi de la mission divine de guider le monde, qui a installé et continue à installer des bases militaires menaçantes dans tous les coins de la planète ; pour la Chine, (qui ne détient aucune base militaire à l'étranger), pour une civilisation millénaire qui, après le siècle d'humiliations et de misère imposé par l'impérialisme, est en train de redonner éclat à son antique splendeur, les représentants de la paix (et de la culture) ne sont que trois dissidents qui n'ont désormais plus grand-chose à voir avec le peuple chinois et qui voient dans l'Occident le phare exclusif qui illumine le monde. Nous voyons sans aucun doute ré-émerger ici dans la politique des Messieurs d'Oslo l'antique arrogance colonialiste et impérialiste.
Les mots d'ordre agités aujourd'hui par la presse occidentale ne diffèrent que peu ; presse qui ne se lasse pas de dénoncer le despotisme oriental immobile. Il faut en prendre acte : peut-être sont-ils aussi inspirés par de nobles intentions, encore que leur comportement concret les Messieurs du Prix Nobel de la paix ne méritent à l'heure actuelle que le Nobel de la guerre.
L'auteur de cet article, Domenico Losurdo, est professeur d'histoire de la philosophie à l'université d'Urbin (Italie). Il dirige depuis 1988 la Internationale Gesellschaft Hegel-Marx für dialektisches Denken, et est membre fondateur de l'Associazione Marx XXIesimo secolo. Dernier ouvrage traduit en français : Nietzsche philosophe réactionnaire : Pour une biographie politique.