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Une rentrée culturelle parisienne au son de l'opéra chinois Kunqu (REPORTAGE)

© Chine Nouvelle (Xinhua) - Tang Ji,Yan Ming,Chen Yushan,S, Le 18/09/2023 13:38

Cette année, la rentrée culturelle parisienne s'est faite au son du Kunqu. Cette forme traditionnelle d'opéra chinois, considéré comme le plus élégant et raffiné et qui combine chant, danse, acrobaties, poésie et musique, était à l'honneur lors de plusieurs événements organisés par la province chinoise du Jiangsu, dans la capitale française.

Son velouté de la flûte en bambou, volutes sonores du luth pipa, retentissement du gong et autres claquettes ont emporté le public parisien dans l'univers envoûtant du Pavillon aux Pivoines, la plus célèbre pièce du répertoire de l'opéra Kunqu, pour deux représentations exceptionnelles les 14 et 15 septembre. Cette pièce écrite pendant la dynastie Ming (1368-1644) par le dramaturge Tang Xianzu (1550-1616), est considérée comme l'un des plus grands chefs-d'oeuvre de la littérature et du théâtre chinois.

Alors que l'opéra de Beijing, le Jingju, peut sembler difficile d'accès au public occidental, le Kunqu, plus doux et mélodieux est d'une approche plus aisée pour les néophytes. "Dans le cas de l'opéra de Beijing et de nombreux styles d'opéra locaux, nous ne connaissons pas les auteurs. Mais dans le cas de Kunqu, nous connaissons la plupart des auteurs des pièces. Le style de Kunqu est également assez raffiné et délicat, c'est pourquoi il est souvent considéré comme un opéra élitiste", a expliqué Frank Kouwenhoven, chercheur en musique à Leyde, aux Pays-Bas.

Avec un livret centré sur une histoire sentimentale dans laquelle le rêve s'oppose à la raison et aux conventions familiales ou sociales, et de grandes stars chinoises sur scène, les comédiens avaient de quoi convaincre le public parisien, comme l'a confirmé Shi Xiaming, directeur du théâtre d'opéra Kunqu du Jiangsu, qui interprétait le premier rôle masculin, et jouait devant un public français pour la première fois. "Le public ne pouvait pas comprendre le texte, mais sur scène, nous pouvions ressentir qu'il pouvait ressentir la beauté de notre tradition du Kunqu", s'est-il réjouit après le spectacle.

Cette semaine à Paris, le Kunqu était sur les planches mais aussi au musée. La soirée du 14 septembre était marquée par l'inauguration d'une exposition thématique sur la culture de l'opéra Kunqu à l'Hôtel d'Heidelbach, l'un des sites du prestigieux musée des Arts asiatiques - Guimet. Zhang Aijun, président de l'association des échanges culturels internationaux du Jiangsu, Chen Li, ministre auprès de l'Ambassade de Chine, Jean-Pierre Wurtz, inspecteur général honoraire du théâtre au ministère de la Culture, et Emmanuelle Pères, directrice générale de la Fondation Prospective et Innovation figuraient parmi les VIP qui ont coupé le ruban rouge.

Dans les salles de l'hôtel particulier, les objets exposés ont témoigné de différentes facettes du Kunqu (instruments de musique, masques, rouleaux de peinture, manuscrits...) retraçant son histoire pluriséculaire depuis le XIVème siècle, et offrant un large aperçu de l'importance de cet opéra, de son évolution au fil du temps, et de ses interactions avec le monde.

Pour Jean-Pierre Wurtz, grand promoteur du théâtre chinois en France depuis plusieurs décennies, l'émotion était palpable. "Nous sommes particulièrement heureux, après toutes ces années, de revoir d'une part un opéra traditionnel chinois, puisque ça fait cinq ans maintenant que le dernier spectacle a été présenté et en particulier le Kunqu qui est absent depuis plus longtemps que cela. C'est donc un très grand plaisir de retrouver cet art merveilleux", selon lui.

Anne Yanover, directrice de la programmation et du public au musée Guimet, estime pour sa part qu'il y a "une vraie curiosité" et que le rôle du musée Guimet "est aussi de faire découvrir toute la diversité de cette culture, toute sa richesse, puisqu'il n'y a non pas un opéra chinois, mais une multitude de types d'opéras différents". A l'approche du 60ème anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France, "le musée Guimet travaille activement et avec ses collègues chinois pour y présenter plusieurs expositions, dont une en fin d'année qui est vraiment conçue en partenariat entre les musées de différentes provinces chinoises et le musée Guimet".

Amateur d'opéra chinois, François Coulon, conservateur au musée des beaux-arts de Rennes, est venu découvrir l'exposition en professionnel. "Puisque je ne comprends pas les paroles, ce qui me plaît, c'est l'aspect très lancinant et méditatif, qui est réellement quelque chose qui à la fois berce, mais aussi attire l'attention. C'est presque une espèce de concentration", explique-t-il, en confiant espérer pouvoir faire venir des spectacles chinois dans une galerie du musée des beaux-arts de Rennes, dans le sillage des commémorations des 60 ans de relations diplomatiques entre la France et la Chine en 2024.

Dans la matinée du 15 septembre, c'est au Centre Culturel de Chine à Paris que se tenait un colloque international sur l'opéra Kunqu et les échanges interculturels. Maria Shevtsova, professeur de théâtre à l'université de Londres et rédactrice en chef de New Theatre Quarterly, associant le Kunqu à la "grande culture", aux côtés de Molière, Sheakspeare ou Tchekov, estime que "la grande culture est mondiale".

Enfin, vendredi après-midi, c'est dans une grande école de commerce parisienne, la NEOMA Business School, que le Kunqu a fait son entrée. Devant un public charmé, les comédiens et musiciens ont proposé au public trois extraits de pièces ainsi que des interactions offrant des clés de compréhension de cet art si éloigné des formes occidentales.

Angélique Niclas est professeure d'éducation musicale au Lycée Jean de La Fontaine à Paris. Elle est venue avec un groupe d'élèves qui est en classe de Chinois et qu'elle compte faire travailler sur le Pavillon aux Pivoines. "J'avais assisté à une représentation au Théâtre du Châtelet. J'étais fascinée avec les élèves. La représentation durait cinq heures. C'était réduit déjà. Et au bout des cinq heures, les élèves disaient "Mais en fait, on aurait pu rester encore plus longtemps", raconte-t-elle. "Il y a un moment où cet univers nous emporte tellement ailleurs qu'on en oublie le temps, on oublie tout et on est complètement immergés dans cette atmosphère", a-t-elle ajouté, impatiente de connaître la réaction de ses élèves lors du prochain cours.

C'est sous des applaudissements nourris et les ovations du public que le rideau s'est refermé après les deux représentations du Pavillon aux Pivoines, à Paris. Un adieu qui n'est sans doute qu'un au revoir.

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