Impression chinoise n° 8 : la Chine telle que dans notre imaginaire d'occidentaux.
Me voilà partie pour Xingping, un village de pêcheurs à quelques kilomètres de Yangshuo. J'ai l'intention d'y passer la nuit avant d'emprunter un bateau en bambous pour naviguer sur la plus belle partie de la rivière Li, jusqu'au village de Yangdi.
A peine descendue du bus, je suis harcelée par ceux qui veulent me proposer un taxi ou une ballade en bateau. Le temps est plus qu'humide et je me hâte de rejoindre le bord de la rivière. J'accepte de discuter avec une femme moins insistante que les autres et tente de lui expliquer que je souhaite utiliser son bateau le lendemain. Comme nous avons du mal à nous comprendre, elle interpelle un jeune Chinois pour qu'il fasse l'intermédiaire. En quelques minutes, le jeune homme négocie le bateau pour le lendemain, aux conditions que je souhaite et m'explique qu'il réside à la guesthouse que je cherche. Décidément, je suis chanceuse, mais je ne sais pas encore à quel point.
Comme le propriétaire de la guesthouse s'est absenté, Lei m'emmène dans un des sympathiques restaurants dans la partie ancienne du village. Il m'explique qu'il voyageait avec une jeune Chinoise, qui a décidé d'écourter son voyage à cause du mauvais temps. Il ne sait pas encore s'il restera une nuit de plus ici, poursuivra son voyage ou rentrera chez lui. A peine installée dans ma chambre et alors qu'il pleut des cordes, je ne résiste pas à l'envie d'une ballade. Lei, d'abord surpris, décide de m'accompagner et nous nous armons de parapluies. Nous empruntons le chemin qui surplombe la rivière et nous rendons à l'endroit où on peut voir le paysage des billets de 20 yuans. J'explique à Lei que ce paysage de montagnes brumeux et inspirant au mystère, correspond tout à fait à la représentation romantique que les occidentaux peuvent se faire de son pays.
Nous nous promenons ensuite dans les vieilles ruelles pleines de charme. Lei m'explique la signification des papiers rouges apposés autour des portes des maisons. Le rouge est la couleur de la chance et celle qui symbolise le mieux la Chine (c'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai choisi cette couleur pour mon récit). Sur les tombes, les papiers de la fête des morts sont rouges également, comme les faux billets et les pétards. Au moment de la Fête du Printemps, appelée aussi Nouvel An lunaire (le Nouvel An chinois), qui se déroule vers janvier ou février selon les années, les Chinois disposent ces papiers autour des portes pour inviter la bonne fortune à entrer dans la maison. Sur les papiers, on peut trouver le symbole "Fu" qui signifie bonne fortune ou bonheur. Pour les Chinois, écrire le nom d'une chose est une façon de la faire advenir. On peut également y trouver la représentation du Dieur du Bonheur ou encore la représentation des dieux gardiens des portes, qui protègent le logis contre les esprits maléfiques et l'infortune. On peut enfin trouver les enfants du bonheur. Ce petit garçon et cette petite fille grassouillets apportent protection, chance et félicité.
Sur ces photos, on peut aussi voir ce qu'on appelle les distiques de printemps. Ce sont des poèmes présentés par paire et que l'on accroche verticalement à gauche et à droite d'une entrée pour le réveillon. Ils sont généralement longs de quatre, cinq ou sept caractères et attirent richesse, bonne fortune et abondance, au foyer comme dans les affaires. Une troisième bande horizontale de quatre caractères, qui distille l'essence du distique, est apposée sur le linteau de la porte d'entrée. Les poèmes doivent être identiques par le nombre de caractères, la composition, la syntaxe et la structure. Ils peuvent exprimer un souhait de bonheur, longévité, richesse, bonne récolte, nombreuse descendance... A l'origine, cette tradition permettait à la famille de montrer son art dans l'écriture de ces poèmes. Désormais, les papiers sont pré-imprimés et les poèmes tout prêts.
Quand nous rentrons, Lei m'explique que nous sommes invités à partager le repas familial. Chaque convive est invité à préparer un plat de son choix, à l'aide des ingrédients du marché.
Nous dinons donc en compagnie du propriétaire japonais, de son épouse chinoise et de leur petit garçon, d'un Coréen et de sa petite amie japonaise, et de deux jeunes étudiantes chinoises.
Le lendemain, alors que je m'apprête à rejoindre mon bateau, Lei me demande s'il peut m'accompagner et faire l'aller retour. Il a déjà fait cette traversée, mais avec un gros bateau et n'a pas pu profiter pleinement du splendide paysage. J'accepte bien évidemment et nous voilà partis pour une agréable croisière au milieu des pics karstiques, quelque peu arrosée... Mais qu'importe : la brume et la pluie rajoute à la magie de ce tableau d'estampe chinoise et inspire à la poésie.
Notre guide nous dépose dans un vieux village à quelques kilomètres de Yangdi. Pour moi, c'est le terminus de la croisière et le début d'une jolie promenade à travers champs et rizières vers Yangdi, mais c'est aussi bientôt le moment de quitter mon compagnon de voyage, qui doir repartir pour Yangshuo. Nous faisons d'abord le tour du village et Lei attire mon attention sur les divers objets suspendus au-dessus de certaines portes : des miroirs, des ciseaux ou des couteaux destinés à éloigner les mauvais esprits de la maison.
Puis nous échangeons nos numéros de téléphone portable. Après Yangdi, je dois me rendre à Guilin pour prendre un bus pour les rizières du dos du dragon, à Longsheng, puis un autre pour le village de Ping'an. Lei aimerait visiter cette région aussi et j'espère que cet intéressant garçon, passionné par la culture de son pays, pourra m'y retrouver.
Ma promenade s'achève par une nouvelle traversée en bac et on m'accompagne vers un bus pour Guilin. Comme d'habitude, les gens m'aident à trouver mon chemin et changer de bus. Ils m'indiquent même les tarifs locaux pour qu'on ne tente pas de m'arnaquer. Arrivée dans la grande ville de Guilin, je me félicite de ne pas y avoir séjournée. Ici, les rabatteurs pour les bus me réclament des prix exorbitants mais je finis par trouver un petit bus local, après m'être fait joliment entourloupée par un rabatteur qui ne me rendra pas ma monnaie...
La route longe une rivière et c'est le coin des orpailleurs. De grosses barges permettent de fouiller le fond de l'eau à la recherche du précieux métal. Puis nous prenons de l'altitude. Nous arrivons dans les typiques villages de rizières en terrasses.
J'achète mon ticket d'entrée pour le site des rizières et part à la recherche d'un hôtel bon marché. Mon sac à dos commence à peser de plus en plus alors que j'arrive enfin à une des guesthouse du sommet. Le prix réclamé et l'atmosphère du lieu me refroidissant, je décide de suivre un guide improvisé du village chez des amis à lui. Dans une immense maison à l'odeur de bois de cèdre, je m'installe dans une grande chambre tout en bois. Tout le confort et une salle de bains privative avec eau chaude, une superbe vue sur tout le village, pour seulement 20 yuans (environ 2€). Dans le village, la moindre maison fait chambre d'hôtes et la mienne porte le nom de "Long Ji, the first hotel". C'est en effet le premier hôtel à partir de l'entrée. L'accueil de la famille est chaleureux et, quelques minutes à peine après mon arrivée, j'ai la surprise de voir Lei arriver !
La magnificence des rizières en terrasses.
Une des raisons m'ayant poussé à choisir la Chine comme destination de ce voyage, c'était de revoir les rizières. Je les avais découvertes en Indonésie quelques mois auparavant et leur charme me manquait déjà. Je pensais découvrir la province du Yunnan, proche du Tibet et du Vietnam, réputée pour son authenticité et pour ses rizières en terrasses. Je m'étais vite aperçue que le voyage depuis Hong Kong serait bien trop long et je m'étais rabattue sur le Guangxi et la contrée des Dongs, provinces assez peu touristiques et pauvres. La découverte des environs de Yangshuo m'avait charmée, mais cette Chine beaucoup plus préservée que j'étais sur le point de découvrir, allait totalement les éclipser.
Ce matin-là, je découvris Ping'An sous la brume. Depuis la fenêtre de ma chambre, je me mis à admirer l'incroyable art de ces bâtisseurs, qui ont réussi à construire toutes ces immenses maisons en bois sur des champs en terrasses. Un chemin principal parcourt le bas du village, mais ce ne sont que sentiers et escaliers de terre qui relient les maisons des hauteurs, à tel point que femmes zhuangs et miaos proposent leur service de porteuse aux touristes.
Après un rapide petit-déjeuner, nous grimpons dans les hauteurs du village. Lei semble impatient de voir ce brouillard disparaitre, alors que je ne cesse de prendre des photos de ce paysage rendu mystérieux. Nous découvrons un point de vue des terrasses, au nom poétique : "Nine dragons and five tigers". Malheureusement, le brouillard nous empêche de profiter pleinement de la magie des lieux et des terrasses, sculptées par la main de l'Homme, gorgées d'eau. Nous en profitons pour acheter quelques cartes postales et y faire apposer un tampon des rizières. Redescendus dans le village, nous faisons le tour du petit marché "traditionnel". Les objets anciens de la minorité zhuang qui a construit le village, cohabitent avec les articles plus touristiques des femmes miaos qui ont investi les lieux. Pour la plupart, les femmes zhuangs continuent à se vêtir de noir et à travailler les rizières ou à faire des travaux de construction, pendant que les femmes miaos font le commerce de leur image. Ces dernières ont la particularité de ne pas couper leurs cheveux et proposent de défaire leur chignon contre quelques yuans. Quant aux femmes zhuangs, j'ai la surprise de m'apercevoir qu'elles portent des serviettes sur la tête, comme j'avais vu faire à Bali.
Nous grimpons de l'autre côté du village, vers un point de vue au nom tout aussi poétique que le premier "Seven stars with moon", mais le ciel est toujours aussi couvert et Lei s'agace de plus en plus des relations purement mercantiles que les gens entretiennent ici avec nous. Tout ici est question d'argent : impossible de prendre en photo un petit enfant en tenue traditionnel sans s'en voir réclamer, et je passe mon temps à dire non. Alors que j'offre, pour leur faire plaisir, des stylos à des femmes miaos qui ont pris le temps de discuter quelques instants avec nous, celles-ci ne pensent qu'à vérifier leur bon fonctionnement et ne jugent même pas utiles de me remercier... C'en est trop pour Lei, qui me propose la visite d'un autre village, que les gentils propriétaires de notre guesthouse lui ont recommandé.
Comme le brouillard est élevé et la plaine bien dégagée, nous décidons de descendre à pieds jusqu'à l'intersection pour le village yaos de Dazhaï. La vue sur les montagnes environnantes et la plaine verdoyante me fait presque oublier le poids de mon sac à dos. Chaque virage de cette route de montagne sinueuse nous fait redécouvrir le paysage. Nous en profitons pour discuter de nos pays respectifs et Lei me pose plein de questions sur la culture française. La France et sa nouvelle amie l'intriguent au plus haut point. Récemment, il m'a même déclaré que notre rencontre et notre amitié sont pour lui comme ouvrir une porte sur un autre monde. Au travers de nos discussions, un autre monde s'ouvre à lui, découvert au travers de mes yeux; mais cette autre monde, c'est à la fois la France, mais aussi sa propre culture dont il découvre de nouveaux aspects en cherchant les réponses à mes nombreuses questions sur son pays. J'ai eu beaucoup de chance de rencontrer et pouvoir voyager avec ce garçon d'une extrême curiosité, et son amitié me permet de me sentir très proche de ce pays pourtant si lointain, d'avoir l'impression d'être un peu là-bas moi même. Comme le dirait Lei, "un autre monde s'ouvre devant moi"...
Parvenus à l'intersection, nous décidons de continuer à marcher un peu sur la route vers Dazhaï, avant de nous arrêter dans un agréable endroit au bord de la rivière. Puis un minibus nous conduit à l'entrée du village. Il nous faut encore marcher pour arriver jusqu'à lui et nous rencontrons une jeune fille qui nous guide vers la guesthouse de sa famille. Pour 20 yuans chacun, nous nous installons dans de grandes chambres comme à Ping'An. Lei m'explique que les statues à l'entrée du village sont celles des ancêtres du village et qu'elles ont plus de 700 ans. Bien évidemment, ces statues sont extrêmement vénérées. Nous montons ensuite dans les hauteurs du village. La propriétaire de la guesthouse a indiqué à Lei un endroit depuis lequel le coucher de soleil sur les rizières est magnifique. En chemin, Lei encourage notre ascension en me parlant d'un très célèbre dicton chinois : "Si tu montes 100 marches tous les jours, tu vivras jusqu'à 99 ans". Nous nous arrêtons pour discuter avec les gens du village. Une femme yao montre à Lei ses énormes boucles d'oreilles noires. Elles forment un très gros trou dans ses oreilles et pèsent extrêmement lourd. Dès l'âge de 18 ans, les femmes yaos portent ces boucles d'oreilles et doivent les garder jour et nuit. Nous restons un long moment au sommet de la montagne, à contempler les pyramidons et sculptures de rizières créés artistiquement par la main de l'Homme, l'activité dans les champs, les hameaux agrippés aux parois des collines et le village qui nous parait soudain bien loin. Ici, on croise beaucoup moins de touristes et les villageois sont beaucoup plus chaleureux et souriants qu'à Ping'An.
Pendant la descente, Lei me fait remarquer que les tombes sont différentes d'une région à une autre. Ici, elles ont des portes à l'avant pour représenter la maison de l'ancêtre et, comme ailleurs, les plus belles vues ont été choisies pour assurer une belle vie après la mort.
Alors que nous sommes rentrés à la guesthouse, le village se plonge dans le noir. Les coupures de courant sont fréquentes dans la région; mais qu'importe : elles sont l'occasion de se retrouver à discuter tranquillement en famille sans la barrière de la télévision ou du poste de radio. Lei m'explique notamment que la famille dans laquelle nous logions la veille descend d'une ancienne lignée royale et lui a raconté des épisodes très intéressants de l'histoire familiale. J'en profite également pour lui parler de mes projets de visite pour les jours suivants, espérant que ses envies de découverte seront plus fortes que la nécessité de rentrer à Shenzen. Sa maman lui a en effet envoyé un SMS pour lui demander où en sont ses préparatifs de déménagement. Il ne lui a pas dit qu'il est parti en voyage et elle s'étonne qu'il ne soit pas sur le départ pour Shanghaï...
Premiers contacts avec une Chine d'antan.
Pour ma plus grande joie, Lei m'annonce qu'il a décidé de m'accompagner à Chengyang. Ce qu'il a lu dans mon Lonely Planet lui a donné l'envie de découvrir cette région si typique et il sait que, lorsqu'il aura son nouveau travail, il pourra assez peu voyager.
Le propriétaire de notre guesthouse nous conduit jusqu'au bus. Lui aussi se rend à Longsheng. Nous atteignons Longsheng en un peu plus d'une heure, avant d'emprunter un autre bus pour Sanjiang, à travers un magnifique paysage de montagnes boisées, de petits villages et le long de la rivière remplie d'or. En plus d'être d'une agréable compagnie, Lei s'avère un guide très utile, nous faisant passer de minibus en tricycle et de tricycle en bus. Après avoir déposé mon sac à dos en consigne à Sanjiang, nous prenons un bus pour Linxi en début d'après-midi. Nul doute que seule, j'aurais dû me rendre directement à Chengyang. Nous voulons nous rendre au marché du village. Nous traversons de nombreux villages dongs typiques, avant de nous rendre compte que Chengyang est en fait sur la route pour Linxi ! Mais qu'importe, les paysages sont sublimes : rizières, roues à aube sur la rivière, plantations de thé dans les hauteurs, maisons en bois, ponts couverts. Linxi est le terminus du bus et nous comprenons vite pourquoi : la route se transforme en piste et seuls quelques véhicules s'y risquent. Le village est très vivant, même si le marché touche plutôt à sa fin. Les tenues colorées des femmes miaos et yaos ont cédé la place à des tenues plus sobres, d'un bleu profond, et les femmes portent la coiffe traditionnelle. Dans cette région pauvre, l'artisanat tient une place fort importante et les mamans rivalisent de dextérité pour coudre de magnifiques portes-bébé brodés.
Les rues secondaires sont faites de terre battue et on se demande comment certaines maisons tiennent encore debout tant elles semblent faites de bric et de broc. Pour la première fois, je me sens dans la Chine d'antan, aussi attractive que je le suis pour ces paysans peu habitués aux visites des touristes. Seuls les plus jeunes ne portent pas la tenue traditionnelle et les poules envahissent les rues. Sur les étals ou à même le sol, les marchandises ont de quoi surprendre par leur diversité et leur aspect vieillot. Les gens continuent à se réunir sur un pont pour jouer aux cartes en écoutant de la musique d'un autre temps, ou à l'intérieur de la tour au tambour pour palabrer et fumer d'anciennes pipes. Les femmes du marché portent d'appétissants canards laqués ou de grosses bottes de légumes frais. Les habits et les récoltes pendent aux fenêtres et aux façades des maisons pour y sécher.
Bienvenue dans cette autre Chine...
Le pont du Vent et de la Pluie de Chengyang.
Après avoir récupéré mon sac, nous retournons à Chengyang. Nous pouvons enfin admirer de près le magnifique pont Yongji, qui enjambe la rivière Linxi. Il est construit tout en bois et une galerie couverte le protège des intempéries, tout comme les autres ponts des villages dong, ce qui leur vaut l'appellation de "pont du Vent et de la Pluie". Les ponts de ce type sont rares en Chine, où on leur a préféré le pont voûté en pierre. A l'origine, ils étaient le seul moyen d'accès au village et donc le lien symbolique et protecteur entre le monde du village et le monde du dehors. Il a fallu 12 ans pour construire celui-ci, de 1911 à 1924 et il mesure plus de 70 mètres de long. Sa galerie, couverte d'un toit en tuiles grises, possède cinq pavillons à toitures superposées ornés de dragons stylisés et d'un épis faîtier en forme de courge. Comme c'est un des plus beaux représentants de ce type de pont, il est aujourd'hui classé monument historique.
Le site des villages dong est toujours choisi en accord avec un géomancien, et leur construction doit relever de cinq principes canoniques : ni fondations, ni échafaudage, ni clous, ni liens, ni mortier... Les hameaux sont toujours entourés de rizières, collines, plantations de thé, et bordés d'une rivière.
Nous traversons le pont moderne en béton, qui a été construit pour permettre le passage du bétail et des tracteurs, pour nous rendre à la grande guesthouse au bord de la rivière. Nous sommes accueillis au beau milieu du pont par un "Française?" presque hurlé par un touriste français. Bien que je réponde plutôt sèchement à ses questions, il nous accompagne et tente de nous donner des conseils. Exaspérée par son attitude familière, je finis par lui rétorquer de façon glaciale que j'ai l'avantage de voyager avec un Chinois et qu'on devrait pouvoir se débrouiller pour négocier le prix de nos deux chambres... Nous visitons une première magnifique grande chambre sentant le bois de cèdre et dotée d'une large terrasse. Lei me déclare : "it's yours" (c'est la tienne). La deuxième chambre possède une terrasse un peu plus petite mais donne directement sur la rivière, les roues à aube et le pont du Vent et de la Pluie. Lei s'exclame : "oh no, it's yours !". Les Chinois sont réputés assez mal élevés et impolis, Lei me démontrera le contraire durant tout le voyage. Nul doute que je dormirai comme un bébé cette nuit, bercée par le bruit régulier et si mélodieux des roues et des grenouilles...
La magie du Qiandongnan.
Triste temps sur les villages dong, mais la pluie battante ne va pas nous arrêter et nous partons à la découverte des villages alentour. Je suis admirative du courage de ces femmes courbées dans les rizières, l'eau jusqu'aux genoux, simplement protégées par un chapeau conique et un imperméable transparent.
Outre les ponts du Vent et de la Pluie, la caractéristique architecturale de cette région encore appelée Qiandongnan, est la présence dans chacun des villages d'une ou plusieurs tours en forme de pagode, appelées "tours du tambour". A l'intérieur, on y trouve le tambour qui sert à avertir les habitants en cas d'incendie. Auparavant, il servait également à les avertir de l'arrivée imminente des ennemis. Ces tours servent maintenant aussi de lieu de réunion, parfois même de spectacle, et possède un autel pour faire des offrandes et prier. Elles ont une durée de vie de 100 ans, d'où leur aspect de bois neuf ou vieilli.
Quant aux maisons, il est nécessaire de les reconstruire tous les 30 ans. Nous nous sommes demandés très longtemps comment les gens pouvaient construire une nouvelle maison. En réalité, la technique est très simple : ils remplacent simplement les planches une à une. La maison est donc en continuelle reconstruction, les planches les plus sujettes à la pluie étant remplacées en premier. Nous avons pu voir certaines maisons nouvelles en construction et remarquer le génie de ces constructeurs qui n'utilisent ni clou ni mortier. Voir des édifices aussi gigantesques (les maisons font toujours plusieurs étages et sont extrêmement vastes) et se dire qu'aucun moyen moderne de construction n'est utilisé, ni clou, ni ciment, défie notre entendement occidental... Je n'ai pu qu'être admirative d'un tel savoir-faire et les comparer à d'immenses châteaux de carte tenant debout par je ne sais trop quel miracle ! Sur la photo, on peut voir qu'on dresse d'abord le squelette de la maison (charpente, colonnes), et on constitue les espaces intérieurs à l'aide de cloisons en bois. Dans les maisons qui ont gardé leur utilisation traditionnelle, la basse-cour et le bétail occupent le rez-de-chaussée, la partie habitable est au niveau intermédiaire, et le dernier étage sert de grenier et de séchoir pour le linge et les récoltes.
Sur le pont de Chenyang, nous sommes harcelés par les femmes qui tentent de vendre leur artisanat. Je préfère acheter à une pauvre femme qui utilise la pièce principale de sa maison pour exposer l'artisanat dont elle n'a plus l'usage. Je trouve un très bel ensemble mandarin pour mon petit neveu, ainsi qu'un porte-bébé qu'elle a brodé pour décorer mon appartement. La vendeuse remercie Lei de mes achats en lui offrant un présent.
Dans les villages, nous visitons les différentes tours au tambour et les ponts du Vent et de la Pluie. Ces ponts sont longtemps restés le seul moyen d'accès au village, symbolisant le lien entre le monde du village et le monde du dehors, le passage vers la vie à la naissance, ou encore de la vie au trépas. Souvent, on y trouve un oratoire dédié au génie qui habite le pont et le protège. Il s'agit souvent du général Guandi; mais j'ai aussi pu voir l'empereur jaune Huangdi, le Dieu de la culture, que les étudiants chinois prient pour obtenir de bonnes notes. On trouve aussi, disséminés ça et là, de nombreux autels. Les dong vénèrent les esprits invisibles, les forces naturelles et les ancêtres protecteurs qui régissent les vivants.
Les enfants, curieux de ma présence, m'offrent de superbes photos de leur visage étonné ou malicieux.
Malgré la pluie, nous nous délectons de ces villages enserrés par la montagne, de ces grandes maisons en bois où pendent les récoltes, de ces rizières et plantations de thé. Hormis ces quelques femmes qui vendent sur les ponts, tout ici est d'une grande authenticité, comme si le temps s'était figé. Seuls les habits plus modernes des enfants rappellent que le modernisme est en route ici aussi.
Lorsque Lei ne sait pas répondre à mes nombreuses questions, il discute avec les habitants, tous d'une extrême gentillesse. Il m'explique ses difficultés à communiquer, certaines personnes ne parlant que le dialecte de la région : "Peux-tu imaginer que je n'arrive pas à me faire comprendre, même dans mon propre pays?"
Lei interroge des ouvriers pour trouver des toilettes puis m'indique un local vétuste, dont le cadenas n'est là que pour faire illusion. J'évite le bric-à-brac qui jonche le sol et me retrouve dans un potager. Il n'y a donc même pas un trou dans la terre ici pour que je puisse me soulager ? Comme une vieille dame m'observe de loin, je rentre à nouveau dans le local, où je finis par trouver des toilettes grand luxe pour cette contrée : des toilettes turques ! Un bruit bizarre se fait entendre à l'extérieur, et je me rhabille rapidement. Quelle ne fût pas ma surprise de me retrouver nez à groin avec mon nouvel ami "the King Pig", comme l'a surnommé Lei. Je ne résiste pas à vous mettre une photo de son air énamouré, alors qu'il semblait poser pour moi.
Dans les hauteurs d'un autre village, nous découvrons un grand rassemblement. Il semble que tout le village se soit retrouvé sur la place devant la drum tower. Les villageois sont assis, écoutant attentivement les démonstrations d'un homme qui leur présente différents produits. Ses acolytes distribuent ensuite gratuitement des échantillons et vendent leur marchandise. Lei m'explique qu'il s'agit d'une sorte d'élixir de jouvence, sensé aider à conserver la jeunesse et lutter contre une infinité de maux. La place se vide peu à peu, parsemée des flacons d'échantillon que les habitants se sont empressés de boire. Outre le côté superstitieux des villageois, c'est aussi l'attrait de bénéficier d'un peu d'animation dans ce village loin de tout, qui fait accourir tant de monde.
Les vieux messieurs de la drum tower nous offrent un thé chaud dans des gobelets à la propreté douteuse, puis l'un d'eux me remet un bâtonnet d'encens et du papier à brûler et m'invite à imiter ses gestes devant l'autel. Après avoir fait une donation, notre nom est gravé sur une stèle en pierre. En sortant, Lei me fait observer que les caractères ornant la porte, sont différents en fonction de l'angle de vue.
Avant de rentrer nous restaurer dans une des agréables auberges de Chengyang, nous croisons quelques jolies petites filles pleines de vie, qui sont heureuses de passer un moment à poser et rire avec nous. Comme les mots sont une fois encore inutiles...
L'après-midi, nous continuons notre découverte de ces villages si authentiques. Ici, une statue des ancêtres; là, quatre vieilles femmes assises sur un banc, faisant face à quatre adolescents. Des villages aux sentes boueuses; d'autres aux rues bitumées. De vieux messieurs jouant aux cartes ou aux dominos dans les drums towers, d'autres fumant une longue pipe traditionnelle à l'extérieur. Des costumes sobres et traditionnels; des tenues plus modernes. Ici, la vie se déroule encore à l'extérieur et en communauté...
Nous longeons la route et la rivière pour nous rendre dans deux villages plus éloignés. Nous avons déjà beaucoup marché et le dernier d'entre eux est totalement à l'écart des autres. Je propose à Lei de questionner les habitants pour le rejoindre par les chemins de montagne plutôt que de reprendre la route. Le Qiandongnan est en effet réputé pour son réseau de sentiers, coupant à travers les montagnes, rivières et rizières.
Commence alors une splendide randonnée, à travers la montagne, au milieu des conifères, plantations de thé et villages isolés.
Une fois redescendus dans la plaine, il ne nous reste plus qu'à suivre la rivière pour rejoindre le village de Pingpu... et à la traverser parfois en essayant de ne pas se mouiller les pieds ou de ne pas céder à la peur de tomber d'un tronc d'arbre servant de pont... Comme ailleurs dans la région, le moindre arpent de terre est réservé à la culture du riz, et le système d'irrigation est savamment utilisé.
Le bois est également omniprésent et sert même de luge sur les sentiers pentus des villages.
Nous rentrons à Chengyang, après une longue journée d'une marche enchanteresse. Inutile de vous dire que j'aime le Qiandongnan...
Plongée dans le Qiandongnan profond.
Hier soir et pour la première fois, l'un des plats de notre dîner ne m'a vraiment pas plu. Il s'agissait de poison chaud fumé, que les Chinois servent avec la tête, les arrêtes, et non vidé. Pour couronner le tout, j'ai voulu tester l'alcool de riz local. Naïvement, je m'attendais à du vin un peu bizarre, mais pas à ce breuvage à 20° (hic...). Lei a profité de ce repas pour se livrer un peu plus. Même pour ce garçon qui a fait des études brillantes, la superstition occupe une grande place dans sa conception de la vie. Une des étapes les plus déterminantes, a été le moment où ses parents et grands-parents, alors qu'il était encore petit, ont mis plusieurs objets sur une table. Lei devait en choisir un, qui reflèterait le type de carrière qu'il aurait plus tard. Son choix s'est porté sur le livre de science. Pour lui, le choix de se spécialiser dans l'environnement était prédéterminé; sinon, il n'aurait pas choisi ce livre. Il explique également son goût pour les sciences humaines et la découverte d'autres cultures à travers ce choix : s'il est attiré par l'Occident et la culture, c'est parce qu'il a choisi ce livre tout petit. Il m'explique également que la plus grande fierté pour les Chinois, c'est de devenir un officiel, quelqu'un qui travaille pour le gouvernement. Là encore, en additionnant les chiffres de la date de naissance, on peut prévoir si une personne a une chance de le devenir ou non. Les aînés font également peser une pression très importante sur les plus jeunes, qui ne s'accomplissent vraiment d'après eux que lorsqu'ils ont pu acquérir une maison et se marier. Ce peuple fier est extrêmement exigeant envers lui-même et ses proches; un de leurs principaux dictons n'est-il pas "Impossible n'est rien" ?...
Nous prenons un bus pour Linxi puis Lei négocie le prix d'un tricycle pour se rendre à Gaoyou, un village qu'on lui a recommandé. Depuis que je voyage avec lui, tous les prix sont divisés par deux. Même si j'ai pu négocier des prix très bas pour une chambre près des rizières, je devais systématiquement payer plus cher dans les restaurants et les bus, même lorsque je connaissais le prix de la course. Au restaurant, Lei a pu comparer les cartes en anglais et en chinois, et il fut très surpris de s'apercevoir de la différence...
Le tricycle s'engage sur le sentier boueux qui mène au village. Le voyage s'avère extrêmement typique, à la fois à travers le magnifique paysage de rizières et de collines, mais aussi par les soubresauts de notre véhicule, pas vraiment adapté pour un tel périple. Comme en Indonésie, le tableau de bord est orné d'offrandes, et les vitres de génies porte-bonheur.
Après une longue et lente montée, nous atteignons le village. Certaines toitures me rappellent le village ming de Jiuxian, mais les habitants voient rarement des touristes s'aventurer dans ce coin à l'écart des circuits normaux. Partout, des petits autels ponctuent le paysage, et sont remplis des indispensables offrandes aux génies de la nature.
Bien qu'à une altitude élevée, le village est entouré de collines encore plus hautes. Nous grimpons, à travers des plantations de thé joliment dessinées, au sommet de l'une d'elles pour jouïr du panorama sur le village. En contrebas, le village, et tout autour un paysage de montagnes et pas un seul hameau à perte de vue.
Nous continuons notre ascension et contemplons des rizières un peu plus bas. Alors que nous cherchons un autre point de vue, une paysanne nous invite à déjeuner chez elle, mais Lei refuse poliment. Nous redescendons, au milieu des cultures et des tombes agrémentées de moulins en papier brillant. De retour sur la place principale, Lei discute avec des gens du village, pendant que je souris à deux vieilles dames qui me regardent d'un air bienveillant. A Fuli, ce village où j'avais mangé du hot dog pot, une vieille dame avait refusé que je la photographie. Nick m'avait expliqué que les personnes âgées pensent être extrêmement laides. Mais ici une de ces femmes est tellement jolie avec son chignon traditionnel que Lei demande l'autorisation pour que je la photographie. Son regard ne m'avait pas trompé, et elle accepte avec la plus grande joie, tout en demandant à Lei de m'expliquer que son chignon est la coiffure typique de son ethnie. Je la remercie en lui montrant sa photo et en la gratifiant d'un grand sourire reconnaissant.
Scènes de vie près du lavoir : des familles lavent du linge et des légumes, une femme au chapeau conique trie les légumes qu'elle a cueillis pendant que des enfants nous poursuivent de leurs rires et exclamations joyeuses. Depuis la scène de spectacle, des messieurs âgés nous observent derrière les barreaux de bois, manifestement intrigués et amusés de notre présence et émerveillement.
Nous déjeunons dans une des maisons, dont les murs sont décorés des photos des festivités du village. La semaine prochaine a lieu une importante fête, mais nous ne serons malheureusement plus ici. Deux petites filles coquettement maquillées nous guident en riant à travers les ruelles et sont heureuses de se faire photographier.
Nous grimpons jusqu'à leur école, où nous découvrons, médusés, de vieilles salles de classe en terre battue et aux écritoires d'un autre âge. La large cour est en terre rouge, et de très vieux bâtiments en entourent d'autres, de conception un peu plus récente.
"The two leaders", comme les a rapidement surnommées Lei, ont appelé leurs petites camarades, qui nous suivent sur le sentier pentu derrière l'école. Alors que nous prenons d'extrême précaution de peur de glisser, ces cabris escaladent avec une facilité déconcertante, se bousculant en rigolant. Nos deux leaders sont devenues les héroïnes du jour, arborant fièrement les deux stylos que je leur ai offerts. La vue sur le village et sa tour au tambour est à couper le souffle.
Je repère un édifice blanc, qui tranche au milieu des maisons et propose à Lei de nous y rendre. Bientôt, nous découvrons l'ancien temple taoïste d'une riche famille, désormais laissé à l'abandon.
Il est temps de reprendre la route du retour et nous décidons de partir à pieds pour nous nourrir le regard de ces paysages valonnés, où les rizières et les tombes trouvent facilement leur place.
Chu chu !
Toutes les bonnes choses ont une fin, et c'est le retour vers Hong Kong. Comme Lei rejoint Shenzhen où il habite pour l'instant, il me propose de faire la route ensemble, en faisant une courte halte à Yangshuo. Nous prenons un minibus pour Sanjiang, au milieu des enfants qui se rendent à l'école. Comme nous avons du temps avant de prendre le bus pour Yangshuo, nous décidons de nous rendre à la tour au tambour de la ville. En chemin, nous avons la surprise de découvrir un magnifique temple bouddhiste en cours de restauration et totalement désert. Nous furetons tranquillement dans ce lieu, dont l'abandon rend l'atmosphère particulière, avant de nous hâter vers la drum tower; il ne faudrait pas rater le bus.
x" width="px" align="" alt="illustration" >
x" width="px" align="" alt="illustration" >
J'ai prévenu Stephen que nous mangerions ce midi dans son restaurant de fondue chinoise. Comme nous arrivons tardivement, il nous reçoit dans son restaurant de nouilles, qu'il inaugure aujourd'hui. Nous décidons de nous rendre dans la vieille ville, que nous connaissons à peine. Je retrouve la façon si caractéristique de traverser la route, que Nick m'avait apprise. Au lieu d'utiliser des passages piétons, il s'agit de traverser en... diagonale ! Etant donné la conduite anarchique des Chinois, je reste encore étonnée d'avoir pu me déplacer aussi facilement au milieu des grands carrefours de la ville, pleins de voitures. Pendant mon périple vers les villages, j'ai pu constater que la loi du plus fort prévalait, et j'ai donné un nom à cette conduite si particulière "la conduite au klaxon". La plupart des bus que j'ai empruntés, lorsqu'ils voulaient doubler, ne se souciaient pas de la circulation mais se contentaient de donner de grands coups de klaxons pour faire place nette; et ça marchait ! Et dire que ce soir Lei veut me faire voyager en sleeping bus...
x" width="px" align="" alt="illustration" >
Le soir venu, nous retrouvons Stephen dans son restaurant de fondue. Il nous remet entre les mains de ses serveuses, et nous commençons un délicieux repas. Le poisson est d'une telle finesse, que nous pourrions le manger en sushi. Sur un chariot, plusieurs fines lamelles en sont déposées sur des assiettes. Du tofu, des champignons et de longues tiges de légumes verts accompagnent le poisson, dont de nouvelles assiettes ne cessent d'être servies... Alors que Lei m'explique les difficultés de grandir seul sous la politique de l'enfant unique et que je dis que moi aussi j'aurais aimé avoir un grand frère, il s'exclame : "Is it a deal ? Do you want to become my older sister ?". Et voilà comment je me suis retrouvée à 34 ans la soeur aînée d'adoption d'un jeune Chinois !
Nous saluons une dernière fois nos amis avant de nous installer dans notre bus : trois étages et trois rangées de couchettes étroites... Les gens semblent entassés comme des sardines et la propreté laisse à désirer. Lei s'installe sur le côté gauche pendant que j'essaie de caser mon petit sac à dos comme je le peux sur ma couchette du milieu, pour éviter de ne pas devoir trop plier les jambes. Nous avons l'avantage d'être en bas, et moi d'être petite car nos couches ne sont pas bien longues. Lei éclate soudain de rire et m'explique que nos compagnons sont à la recherche d'une grenouille : celle qui croasse dans mon téléphone portable lorsque je reçois des messages ! Nous réussissons à nous endormir tant bien que mal...
Au milieu de la nuit, notre bus s'arrête. Plusieurs voitures semblent bloquées et il y a de l'animation dehors. La route est en train de s'effondrer ! Par je ne sais trop quel miracle, nous pouvons reprendre notre périple après un long moment, mais mon sommeil est de moins en moins serein. Au petit matin, nous faisons une halte pipi très attendue : nous sommes tellement secoués par la mauvaise route qu'il est difficile de se retenir. Peu après, nous arrivons aux abords de Shenzhen et le périphérique est interminable. Ma vessie se rappelle cruellement à mon souvenir et je n'arrête pas de demander à Lei si nous arrivons bientôt. Nous parvenons à un poste de contrôle et Lei m'explique que seuls les Chinois sont contrôlés. Je suis soulagée : si je devais me lever maintenant, j'aurais les plus grosses difficultés à me retenir. Malheureusement, Lei s'est trompé et je dois suivre les policiers. Deux autres jeunes femmes occidentales sont devant moi et je me mets à sautiller sur place comme les enfants qui ont une envie pressante. Impossible d'attendre mon tour sans me soulager avant. J'explique à un premier policier que je dois aller aux toilettes et il s'en va en me répondant "oui oui". Voyant qu'il ne m'a pas comprise, j'entre dans un bureau où se trouve un jeune homme à qui j'assène un "chu chu !" pressant. Il éclate de rire et m'emmène enfin aux toilettes. De retour au bus, je raconte à Lei ma mésaventure et le remercie de l'anecdote qu'il m'avait racontée quelques jours plus tôt : un de ses amis visitait une province dont il ne comprenait pas le dialecte. Comme moi, il avait dû se retenir très longtemps, ne sachant comment dire "toilettes". Lei lui avait expliqué que "chu chu" (pipi) était un terme connu par tous en Chine, et concluait que c'était le seul mot vraiment indispensable à apprendre dans toutes les langues ! Amis voyageurs, vous savez ce qu'il vous reste à faire...
Allez, chu chu et au dodo !