Merci laoshi pour cette nouvelle contribution. De la confrontation des vues divergentes naît toujours une meilleure approche, et une meilleure information. Ayant regretté votre utilisation de «ressasser», j'ai essayé d'expliquer pourquoi (pourquoi les arguments des uns seraient-ils ressassés et ceux des autres, sans doute, simplement répétés ?). Ce n'est que cela qui me paraît trituration du langage. J'avais voulu éviter le terme de manipulation que je pensais, à cause de la visée qu'il implique justement trop entaché de suspicion. Je souhaitais surtout illustrer mon propos essentiel qui était simplement de dire que les techniques de la propagande «pas toujours honnête», et la répétition, n'étaient pas le fait du seul PCC et que, pour ma part, je voulais m'efforcer, dans la confrontation des points de vue, de m'en abstenir. De même, il ne me viendrait pas sous la plume de vous accuser d'avoir «une mémoire sélective» parce que vous n'avez pas évoqué tels ou tels faits que j'ai rappelés, qui n'étaient pas pertinents par rapport à votre propos initial ; c'était la même chose par rapport à ma propre démonstration, et je ne nie pas les crimes perpétrés par les communistes (au passage, j'en ai d'ailleurs évoqué un, de la Russie soviétique, qui illustrait ma révulsion, précisément, à l'égard de la malhonnêteté). C'est dommage, si vous pensez ainsi – il n'y avait aucune volonté de ma part d'occulter quoi que ce soit. J'ai simplement, là encore, voulu souligner que nos démocraties parlementaires n'étaient pas exemptes de crimes de masse et s'affranchissaient sans trop de difficulté des principes dont elles se drapent par ailleurs constamment. En revanche, ce que vous évoquez, de la part du PCC, ne constitue pas forcément le même type de crime de masse délibéré : la folie du Grand Bond en avant s'est bien traduite par une famine de masse et des misères inimaginables, mais ce n'en était pas le but ! Cependant, en dépit de ma fréquentation régulière de la chaîne TV Taiwanaise New Tang Dynasty (dont l'anticommunisme me semble tout de même excessif et obsessionnel et le traitement de certaines informations également très répétitif – mais je ne parlerai pas de ressassement, pardonnez-moi ce clin d'oeil)), je ne connais peut-être pas aussi bien que vous l'histoire chinoise récente, et les crimes et turpitudes du PCC ne me sont sans doute pas tous non plus connus – merci pour toute information honnête à ce sujet, notamment bibliographique. C'est précisément pour cela que, lorsque j'ai appris que Liao Yiwu devait venir en France promouvoir son ouvrage, je me suis efforcé de regarder, écouter, et lire toutes ses interventions. C'est pour cela aussi que j'achèterai et lirai Dans l'Empire des Ténèbres, ce que je n'ai pas encore eu le temps de faire. Là encore cependant, plutôt que de parler de trituration, j'évoquerai en la regrettant cette habileté rhétorique (dont Liao Liwu n'est peut-être pas responsable - les éditeurs ont des points de vue à faire valoir) : que ce titre est racoleur, et comme il rappelle fâcheusement le trop fameux «Empire du Mal» qui servit à justifier la croisade de M. Bush ! Pour en venir au fond de ce que vous dites, qui est plus important, tout cela n'invalide pas en effet les «aspirations démocratiques du peuple chinois» . Je pense simplement qu'il serait dangereux qu'elles mettent brusquement à bas un système qui a eu et a encore ses mérites. Il faut écouter en effet ce que disent les paysans de Wukan et les ouvriers de Foxconn, mais ils ne disent pas, justement, qu'une démocratie à l'occidentale doive être instaurée, ni qu'elle serait la solution à leurs difficultés. Pour reprendre mes craintes, ressassée ou non par le PCC, la perspective d'un effondrement chaotique n'est pas à écarter si facilement.
Les événements qui précédèrent et suivirent la chute des Qing montrent que l'unité de ce pays n'est pas assurée (mais bien sûr, on a le droit d'en souhaiter la rupture – je pense que ce serait un danger pour le monde). Je comprends aussi que l'exemple de l'effondrement de la Russie soviétique n'enthousiasme pas les dirigeants chinois qui, encore une fois, ont, de fait, la responsabilité de garantir la sécurité et l'unité de leur pays. Le modèle démocratique occidental, par ailleurs, ne montre pas dans son évolution, en dehors de son efficacité économique d'ailleurs largement reconnue et (non sans de sérieux inconvénients sociaux) adoptée par la majorité du PCC, une meilleure aptitude à garantir la sécurié dans le monde, ni à satisfaire les besoins et les aspirations des peuples occidentaux eux-mêmes, surtout depuis que, leur supériorité militaire sans partage aidant, ils semblent progressivement renoncer à la dynamique réformiste qui avait commencé à s'exercer dans le champ social et politique au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Pour autant, ça ne me fait pas tout justifier, tout accepter en matière de libertés publiques en Chine. Je suis heureux que M. Liu ait pu échapper à la répression dont il a été l'objet et qu'il puisse exposer ses idées. J'en conviens, il aurait été mieux qu'il ait pu le faire en Chine, et, surtout, que lui aient été épargnées les souffrances qui lui ont été infligées. Je souhaite aussi «qu'un jour les Chinois pourront dialoguer comme nous le faisons aujourd'hui». J'espère, je pense, que les autorités chinoise continueront de faire évoluer le pays vers plus de liberté d'expression - elles ne pourront, de toute manière, l'éviter (j'aimerais, c'est un autre débat, qu'elles promeuvent aussi plus de justice sociale !). Quel chemin avait été parcouru, en effet, au cours des années 80 ! La répression de Tiananmen est venue interrompre un temps ce processus ; elle n'y a pas mis fin. Je rappellerai qu'elle n'avait pas fait l'unanimité parmi les dirigeants, et que le Premier ministre et secrétaire général du PCC à ce moment là, Zhao Ziyang, était allé à la rencontre des étudiants sur la place Tiananmen, et voulait qu'on continuât dans cette voie, pensant qu'il était possible d'isoler les plus extrémistes, qui n'étaient qu'une minorité, en faisant droit à l'essentiel des revendications. Il fut en conséquence lui même écarté et réduit au silence, par la conjugaison des peurs et d' une conception brutale du pouvoir (certainement héritée d'une certaine tradition léniniste, mais aussi de l'âpreté terrible et de la responsabilité des luttes). Il me semble possible, probable même, que cette voie (celle de Zhao Ziyang) soit reprise. Sa réhabilitation serait un signe que, malheureusement je crois, le PCC n'est pas encore prêt à donner – un pouvoir est très rarement enclin à reconnaître ses erreurs, n'y parvenant qu'après avoir déjà considérablement évolué. Merci, en tout cas, à vous laoshi, et aux autres contributeurs (et, surtout, à Michelem qui a eu le mérite de l'initier !) d'avoir nourri cette discussion qui m'a beaucoup apporté. Mes réticences par rapport à ce qu'exprime Liao Yiwu étaient sans doute trop automatiques et fondées sur un seul aspect de ses propos, pour ne pas mériter, sans qu'elles disparaissent toutefois, d'être remises en question et plus réfléchies.