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18/02/2013 à 12:46 - Dialogue
Merci d'avoir pris la peine de préciser votre point de vue, Lao Hu.

Je considère, comme vous, que Marx est un grand philosophe dont bien des "concepts demeurent pleinement pertinents et opératoires" (de nombreux théoriciens se servent d'ailleurs de ces concepts sans le dire).
Je partage aussi une grande partie de vos réticences à l'égard de la politique des Etats Unis qui ont trop souvent instrumentalisé des forces obscurantistes sans égard pour les conséquences à long terme de cette stratégie.
Je pense enfin, comme vous, que les démocraties occidentales se montrent très souvent indignes des idéaux qui sont les leurs. Mais je ne vois pas en quoi cela pourrait invalider les aspirations démocratiques du peuple chinois.

Vous faites un long détour historique et géopolitique pour justifier ce que vous appelez votre "soutien critique au PCC". Vous invoquez "le massacre, rationnellement conçu, planifié et exécuté, des Juifs d'Europe" qui constitue, dites-vous, "la plus grande horreur du vingtième siècle", la terreur nucléaire mise en oeuvre à Hiroshima et Nagasaki ainsi que "les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité", perpétrés par les démocraties parlementaires, que furent "les bombardements incendiaires de masse des villes de Hambourg, Dresde et, surtout, (9-10 mars 1945) Tokyo".

Mais votre mémoire est sélective et j'emprunterai à Liao Yiwu, puisque c'est de lui qu'il est question ici, cette remarque :
Je ne comprends pas pourquoi vous oubliez si facilement l'histoire chinoise. Est-ce que les Chinois sont inférieurs aux Occidentaux ? Est-ce que la souffrance des Chinois est plus facile à oublier ? Je pense qu'il y a des valeurs universelles et que n'importe où dans le monde on doit se souvenir de cette histoire douloureuse.

Sans parler des violences de la réforme agraire, avez-vous oublié les purges à répétition qui ont marqué l'histoire du communisme chinois ? Purge des "antibolchéviques" en 1930, purges de la base de Ruijin entre 1931 et 1935, campagne de "rectification" de Yan'an entre 1942 et 1944, liquidation des "antidroitiers" après la campagne des Cent fleurs en 1957, atrocités de la Révolution culturelle de 66 à 76, répression des activistes du Mur de la démocratie en 1979, massacres de Tian'Anmen en 1989 ? Avez-vous oublié, outre les victimes du Grand Bond en avant (entre 36 et 55 millions de morts selon les démographes), la destruction de l'habitat paysan, le saccage écologique de la Chine, et, pendant la Révolution culturelle, celui du patrimoine culturel ?

La question du langage est pour moi aussi cruciale. Je ne pense pas que mon emploi du verbe "ressasser" constitue une "trituration du langage" et encore moins qu'il puisse évoquer le précédent de la langue du Troisième Reich ! En interdisant le débat démocratique (je rappelle que Liu Xiaobo purge une peine de 11 ans de prison pour s'être "livré avec d'autres à l'acte criminel majeur de rédiger la Charte 08"), le PCC impose une vérité unique, très loin du "relativisme" que vous appelez de vos voeux et la répétition inlassable des mêmes formules fait partie de ses stratégies linguistiques et idéologiques.

J'espère qu'un jour les Chinois pourront dialoguer comme nous le faisons aujourd'hui et je ne crois pas que cela pourra empêcher la Chine de jouer un rôle majeur sur la scène internationale.

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18/02/2013 à 17:08 - Liao Yiwu
Lao Hu a écrit :
Ckdeux vous dites que «c'est la liberté de critique politique contre le régime que le gouvernement [chinois] ne veut pas» [mais il tolère la critique dans les autres champs].
C'est bien là ce qui me gêne, et que je veux voir changer (et je pense que cela se fera progressivement) et aussi ce que laoshi condamne sans réserve, au nom de principes en soi moralement inattaquables.

J'ai dit que :
" A mon humble avis, c'est la liberté de critique politique contre le régime que le gouvernement n'en veut pas, pourquoi ? Je ne sais pas.
Les autres liberté de critiques : littéraire, artistique, scientifique, sociale, médicale, etc ... la parole des citoyens devienne libre, me semble-t-il ? "

Je suis d'accord avec vous, comme vous, j'espère aussi qu'il faut un changement en Chine, il faut que le peuple puisse critiquer politiquement le gouvernement.
Mais, il me semble que le peuple chinois n'a pas l'habitude de critiquer politiquement le pouvoir, c'est dommage. En effet, dans le passé, les gens ne peuvent pas regarder l'Empereur en face, encore moins de le critiquer, sinon on coupe leurs têtes, dans ce cas les gens se taisent devant le pouvoir.
Heureuement que le temps change, cette habitude de se taire devant l'administration change aussi, on est en République.
La République Chinoise n'a que 60 ans, la République Française a plus de 200 ans, pourquoi vouloir tout de suite que le peuple chinois se comporte immédiatement comme le peuple français ??? Pour certains, l'homme chinois n'est pas assez entré dans l'histoire, ainsi ils veulent donner des leçons aux autres.

La plus importante des critiques contre la Chine, est-ce-que c'est une critique idéologique ???

C'est la première fois qu'une population de plus d'un milliard 300 millions d'habitants avec 56 ethnies sont unis, mais pour le moment cette Unité Nationale est encore fragile. Donc, que faut-il faire pour garder cette Unité Nationale ? Je ne sais pas.

De nos jour, dans certains pays, on ne peut toujours pas critiquer directement le Roi ou l'Empereur, c'est le cas du Japon, de Thailande, d'Arabie Saoudite, du Maroc, peut-être d'Angleterre aussi, etc ..... A Monaco, je pense qu'on peut critiquer le Roi, ainsi on peut critiquer le pouvoir, me semble-t-il ???

Dernière édition : 20/02/2013 08h31

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18/02/2013 à 17:31 - Liao Yiwu
       Merci laoshi pour cette nouvelle contribution. De la confrontation des vues divergentes naît toujours une meilleure approche, et une meilleure information.       Ayant regretté votre utilisation de «ressasser», j'ai essayé d'expliquer pourquoi (pourquoi les arguments des uns seraient-ils ressassés et ceux des autres, sans doute, simplement répétés ?). Ce n'est que cela qui me paraît trituration du langage. J'avais voulu éviter le terme de manipulation que je pensais, à cause de la visée qu'il implique justement trop entaché de suspicion.       Je souhaitais surtout illustrer mon propos essentiel qui était simplement de dire que les techniques de la propagande «pas toujours honnête», et la répétition, n'étaient pas le fait du seul PCC et que, pour ma part, je voulais m'efforcer, dans la confrontation des points de vue, de m'en abstenir.       De même, il ne me viendrait pas sous la plume de vous accuser d'avoir «une mémoire sélective» parce que vous n'avez pas évoqué tels ou tels faits que j'ai rappelés, qui n'étaient pas pertinents par rapport à votre propos initial ; c'était la même chose par rapport à ma propre démonstration, et je ne nie pas les crimes perpétrés par les communistes (au passage, j'en ai d'ailleurs évoqué un, de la Russie soviétique, qui illustrait ma révulsion, précisément, à l'égard de la malhonnêteté). C'est dommage, si vous pensez ainsi – il n'y avait aucune volonté de ma part d'occulter quoi que ce soit.       J'ai simplement, là encore, voulu souligner que nos démocraties parlementaires n'étaient pas exemptes de crimes de masse et s'affranchissaient sans trop de difficulté des principes dont elles se drapent par ailleurs constamment. En revanche, ce que vous évoquez, de la part du PCC, ne constitue pas forcément le même type de crime de masse délibéré : la folie du Grand Bond en avant s'est bien traduite par une famine de masse et des misères inimaginables, mais ce n'en était pas le but !       Cependant, en dépit de ma fréquentation régulière de la chaîne TV Taiwanaise New Tang Dynasty (dont l'anticommunisme me semble tout de même excessif et obsessionnel et le traitement de certaines informations également très répétitif – mais je ne parlerai pas de ressassement, pardonnez-moi ce clin d'oeil)), je ne connais peut-être pas aussi bien que vous l'histoire chinoise récente, et les crimes et turpitudes du PCC ne me sont sans doute pas tous non plus connus – merci pour toute information honnête à ce sujet, notamment bibliographique.       C'est précisément pour cela que, lorsque j'ai appris que Liao Yiwu devait venir en France promouvoir son ouvrage, je me suis efforcé de regarder, écouter, et lire toutes ses interventions. C'est pour cela aussi que j'achèterai et lirai Dans l'Empire des Ténèbres, ce que je n'ai pas encore eu le temps de faire.       Là encore cependant, plutôt que de parler de trituration, j'évoquerai en la regrettant cette habileté rhétorique (dont Liao Liwu n'est peut-être pas responsable - les éditeurs ont des points de vue à faire valoir) : que ce titre est racoleur, et comme il rappelle fâcheusement le trop fameux «Empire du Mal» qui servit à justifier la croisade de M. Bush !       Pour en venir au fond de ce que vous dites, qui est plus important, tout cela n'invalide pas en effet les «aspirations démocratiques du peuple chinois» . Je pense simplement qu'il serait dangereux qu'elles mettent brusquement à bas un système qui a eu et a encore ses mérites. Il faut écouter en effet ce que disent les paysans de Wukan et les ouvriers de Foxconn, mais ils ne disent pas, justement, qu'une démocratie à l'occidentale doive être instaurée, ni qu'elle serait la solution à leurs difficultés.       Pour reprendre mes craintes, ressassée ou non par le PCC, la perspective d'un effondrement chaotique n'est pas à écarter si facilement.            
       Les événements qui précédèrent et suivirent la chute des Qing montrent que l'unité de ce pays n'est pas assurée (mais bien sûr, on a le droit d'en souhaiter la rupture – je pense que ce serait un danger pour le monde). Je comprends aussi que l'exemple de l'effondrement de la Russie soviétique n'enthousiasme pas les dirigeants chinois qui, encore une fois, ont, de fait, la responsabilité de garantir la sécurité et l'unité de leur pays.       Le modèle démocratique occidental, par ailleurs, ne montre pas dans son évolution, en dehors de son efficacité économique d'ailleurs largement reconnue et (non sans de sérieux inconvénients sociaux) adoptée par la majorité du PCC, une meilleure aptitude à garantir la sécurié dans le monde, ni à satisfaire les besoins et les aspirations des peuples occidentaux eux-mêmes, surtout depuis que, leur supériorité militaire sans partage aidant, ils semblent progressivement renoncer à la dynamique réformiste qui avait commencé à s'exercer dans le champ social et politique au lendemain de la deuxième guerre mondiale.       Pour autant, ça ne me fait pas tout justifier, tout accepter en matière de libertés publiques en Chine. Je suis heureux que M. Liu ait pu échapper à la répression dont il a été l'objet et qu'il puisse exposer ses idées.       J'en conviens, il aurait été mieux qu'il ait pu le faire en Chine, et, surtout, que lui aient été épargnées les souffrances qui lui ont été infligées. Je souhaite aussi «qu'un jour les Chinois pourront dialoguer comme nous le faisons aujourd'hui».       J'espère, je pense, que les autorités chinoise continueront de faire évoluer le pays vers plus de liberté d'expression - elles ne pourront, de toute manière, l'éviter (j'aimerais, c'est un autre débat, qu'elles promeuvent aussi plus de justice sociale !).       Quel chemin avait été parcouru, en effet, au cours des années 80 !       La répression de Tiananmen est venue interrompre un temps ce processus ; elle n'y a pas mis fin.       Je rappellerai qu'elle n'avait pas fait l'unanimité parmi les dirigeants, et que le Premier ministre et secrétaire général du PCC à ce moment là, Zhao Ziyang, était allé à la rencontre des étudiants sur la place Tiananmen, et voulait qu'on continuât dans cette voie, pensant qu'il était possible d'isoler les plus extrémistes, qui n'étaient qu'une minorité, en faisant droit à l'essentiel des revendications. Il fut en conséquence lui même écarté et réduit au silence, par la conjugaison des peurs et d' une conception brutale du pouvoir (certainement héritée d'une certaine tradition léniniste, mais aussi de l'âpreté terrible et de la responsabilité des luttes).       Il me semble possible, probable même, que cette voie (celle de Zhao Ziyang) soit reprise. Sa réhabilitation serait un signe que, malheureusement je crois, le PCC n'est pas encore prêt à donner – un pouvoir est très rarement enclin à reconnaître ses erreurs, n'y parvenant qu'après avoir déjà considérablement évolué.       Merci, en tout cas, à vous laoshi, et aux autres contributeurs (et, surtout, à Michelem qui a eu le mérite de l'initier !) d'avoir nourri cette discussion qui m'a beaucoup apporté. Mes réticences par rapport à ce qu'exprime Liao Yiwu étaient sans doute trop automatiques et fondées sur un seul aspect de ses propos, pour ne pas mériter, sans qu'elles disparaissent toutefois, d'être remises en question et plus réfléchies.
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19/02/2013 à 16:15 - Quelques références bibliographiques
Je ne mettais pas en doute votre bonne foi, Lao Hu ; je m'étonnais seulement du caractère pour le moins paradoxal de votre démarche puisque vous nous expliquiez votre "soutien (critique et certainement pas inconditionnel) aux autorités chinoises, c'est-à-dire, de fait, au PCC" en faisant le procès des démocraties occidentales (ce que je comprends parfaitement) mais sans jamais faire référence à l'histoire chinoise (ce qui me semble incompréhensible)... C'est pourquoi je parlais de "mémoire sélective".

J'ai eu beau lire et relire vos précédentes interventions, je ne vois guère, parmi "les grands mérites" qu'a eus selon vous "le régime" que "la sortie d'un état de division quasi-féodal, sous la domination des «seigneurs de la guerre» et des intérêts étrangers (occidentaux et japonais)", la sauvegarde de "l'unité et de la sécurité du pays" et le contrepoids qu'il oppose à la toute puissance des Etats Unis. Je ne crois pas que ces objectifs aient été nécessairement atteints (quand même ils l'ont été) grâce à la domination du PCC, je pense même que la Chine aurait pu, sans elle, s'éviter certaines des tragédies qui a ensanglanté son histoire : quid de "l'unité" quand on jette les Chinois les uns contre les autres, comme pendant la Révolution culturelle ? quid de la "sécurité" quand on génère la plus grande famine de tous les temps ?

Puisque vous souhaitez des références bibliographiques (j'ai déjà donné les titres des livres de Liu Xiaobo), je vous renvoie, pour les différentes purges dont j'ai parlé, à Mao, l'Histoire inconnue, de Jung Chang et Jon Halliday (Folio-Histoire) (vous y trouverez quelques fiches de lecture).

Pour le Grand Bond en avant, je vous renvoie à Stèles, La grande famine en Chine, 1958-1961 (éditions du Seuil), dont il a été brièvement question sur CI, et aux prises de position de Yang Jisheng qui critique les silences pudiques du Musée National de Pékin sur cette période tragique.

Comme lui, je crois que nos silences nous engagent autant que nos discours... C'est pourquoi il m'arrive de jeter, sinon "un pavé dans la mare", du moins "une bouteille à la mer", lorsqu'au silence de l'indifférence s'ajoute celui de l'intimidation (en particulier celle des interprètes en l'occurrence). Je vous remercie donc très sincèrement d'avoir choisi le dialogue et la lecture de Liao Yiwu.

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La Chine 中国 (Zhongguó), pays de l'Asie orientale, est le sujet principal abordé sur CHINE INFORMATIONS (autrement appelé "CHINE INFOS") ; ce guide en ligne est mis à jour pour et par des passionnés depuis 2001. Cependant, les autres pays d'Asie du sud-est ne sont pas oubliés avec en outre le Japon, la Corée, l'Inde, le Vietnam, la Mongolie, la Malaisie, ou la Thailande.