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MAO, L'histoire inconnue


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04/05/2011 à 19:32 - MAO, L'histoire inconnue
La biographie monumentale de Mao, par Jung Chang (à qui on doit Les Cygnes sauvages) et son mari, Jon Halliday, Mao, L'Histoire inconnue, indisponible depuis des années, est désormais rééditée en poche dans la collection FOLIO-Histoire. Je crois que cette lecture est essentielle pour mieux comprendre non seulement le passé mais aussi le présent.

Voilà la présentation de l'éditeur :

«Mao Tsé-toung, qui pendant vingt-sept ans détint un pouvoir absolu sur un quart de la population du globe, fut responsable de la mort d'au moins soixante-dix millions de personnes en temps de paix, plus que tout autre dirigeant au XXe siècle.»

Ces lignes, par lesquelles s'ouvrent le livre de Jung Chang et Jon Halliday, annoncent clairement leur propos. On ne trouvera pas dans cette biographie un nouveau portrait, plus ou moins hagiographique, du Grand Timonier, dont l'apport théorique, résumé dans le Petit Livre rouge et la praxis révolutionnaire «au service des masses» ont naguère fait tourner tant de têtes pensantes en Occident. Mao Tsé-toung n'était mu ni par l'idéalisme ni par l'idéologie. S'il adhéra au marxisme-léninisme, c'est avant tout parce que cette doctrine lui permettrait de s'emparer du redoutable instrument de pouvoir qu'avait créé Lénine : le parti unique. Maître du Parti communiste chinois à la fin des années 1930, puis, en 1949, de tous les leviers de commande de son pays, après une meurtrière guerre civile et avec le concours décisif de l'U.R.S.S., Mao devint alors, comme l'a écrit Simon Leys, «le suprême despote totalitaire». Presque invisible, comme les empereurs dans le passé, il imposa à son peuple un état permanent de mobilisation quasi-militaire et une existence aride, périodiquement entrecoupée d'explosions de violence et de «campagnes de terreur» dévastatrices. Mais cette terreur était aussi pour lui un moyen d'accomplir le dessein, tenu secret, qu'il nourrissait depuis son accession au pouvoir : faire de la Chine une superpuissance militaire, et dominer le monde. La poursuite de ce rêve entraîna la mort de trente-huit millions de ses compatriotes, au cours de la plus grande famine de l'Histoire. Fruit de dix années de recherches, en particulier dans des fonds d'archives longtemps inaccessibles, nourri de nombreux témoignages inédits, cet ouvrage se lit à la fois comme un récit d'horreur poignant et comme un précis de philosophie politique digne de Machiavel. Nulle autre destinée que celle de Mao ne saurait sans doute mieux illustrer la brutale maxime de Lin Biao, qui fut longtemps son complice avant d'être sa victime : «Le pouvoir politique, c'est le pouvoir d'opprimer les autres».

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10/06/2011 à 13:44 - Jeunesse de Mao et genèse du maoïsme
Je suppose que, comme moi, beaucoup d'entre vous ne s'étaient jamais penchés sérieusement sur une biographie exhaustive de Mao. La lecture du livre de Jon Halliday et Jung Chang a donc été pour moi une formidable découverte. Mais c'est un très gros livre (le premier tome, que j'ai presque terminé, fait plus de 700 pages). Je vous propose donc, au gré de mes possibilités, de profiter de la fiche de lecture que je rédige à mon propre usage : les choses sont si complexes que ma mémoire risque de me faire très vite défaut.

Le premier épisode de ce compte-rendu concerne la jeunesse de Mao et la genèse de sa pensée. Je ne reproduis bien évidemment ici aucune des notes très abondantes qui documentent chaque affirmation des auteurs, je vous renvoie, pour cela à l'édition dont je vous donne les références ci-dessus.

Selon la vulgate maoïste, Mao, né en 1893, aurait dû la compassion pour les paysans pauvres qui aurait inspiré toute sa carrière politique à son enfance paysanne à Shaoshan et au mépris de classe qu'il aurait douloureusement ressenti ; il déclarait même à qui voulait l'entendre qu'il avait été fasciné par un certain Pang, décapité pour avoir fomenté une révolte paysanne. En fait, non seulement sa famille était une famille de paysans riches, comme chacune le sait, non seulement Pang semble bien n'avoir jamais existé mais encore, si Mao a été fasciné par les révoltes paysannes c'est surtout par ceux qui les avaient matées ! En 1917, il se disait « subjugué » par la manière dont Zeng Guo-fan avait « liquidé » la révolte des Taiping, dont l'égalitarisme préfigure pourtant d'une certaine manière le communisme et qui aurait mérité son attention bienveillante (plus de 100 000 morts à Nankin !).
En 1921, alors qu'une terrible famine décimait Changsha, Mao n'en fait jamais mention dans aucun de ses écrits ni aucune de ses lettres...
Mais revenons un peu en arrière et voyons comment Mao devint communiste

Mao était arrivé à Changsha en 1911, en pleine agitation révolutionnaire. Il coupa sa natte, participa aux débats enfiévrés de l'époque. Le 29 décembre 1911 (ou le 1° janvier 1912), la république était proclamée. Yan Shikai, chef de l'armée de Beiyang, qui avait été le principal soutien de la dynastie mandchoue, négocia l'abdication du jeune Pu Yi, alors âgé de quatre ans et obtint en contrepartie le titre de président de la République en remplacement de Sun Yat-Sen, dès le 15 février 1912. A la mort de Yuan Shikai, les gouverneurs des provinces, auxquels la vacance du pouvoir central laissait la bride sur le cou, se transformèrent en « seigneurs de la guerre ».

En 1913, Mao s'inscrivit dans une école normale, il y découvrit le communisme et s'enthousiasma pour le radicalisme au point de proposer, en 1917, « de brûler d'un coup tous les recueils de prose et de poésie postérieurs aux dynasties Tang et Sung ». Dans les commentaires qu'il rédigea du Système d'éthique de Friedrich Paulsen, en 1917-1918, il jetait déjà les bases de sa conduite future :

Mao a écrit :
« Je ne souscris pas à l'idée que pour être moral le motif de nos actions doit tendre au bien d'autrui. [...] Bien entendu, il y a dans le monde des gens et des objets, mais tous ne s'y trouvent que pour moi. [...] nous n'avons aucun devoir envers les autres. [...] D'aucuns prétendent que l'on est responsable envers l'histoire. Je n'en crois rien. La seule chose qui m'intéresse, c'est mon développement personnel [...]. J'ai mon désir et j'agis conformément à ce qu'il me dicte. Je ne suis responsable envers personne. »


On ne saurait mieux dire ! D'emblée Mao considère qu'il appartient aux « Grands Héros » à qui tout est permis :

Mao a écrit :
« Lorsque les Grands Héros laissent libre cours à leurs désirs, ils sont magnifiquement puissants, emportés, invincibles. Leur pouvoir ressemble à un ouragan jaillissant de profondes gorges, à un obsédé sexuel en rut qui rôde en quête d'une amante [....], il n'y a pas moyen de les arrêter. »


Mao rompt également avec l'idéal confucéen de la « Grande Harmonie » (dont j'ai parlé ailleurs) :

Mao a écrit :
« L'idéal d'un monde où règnent un Grand équilibre et une Grande Harmonie est erroné. [...] Une longue période de paix est intolérable aux êtres humains, et il faut donc déclencher des raz-de-marée de troubles dans cet état de paix. »


La fascination et l'esthétisation de la mort (celle des autres, car on sait combien Mao était obsédé par sa propre longévité), couronnent cet édifice idéologique sombrement prémonitoire :

Mao a écrit :
« Passer de la vie à la mort, c'est connaître le plus violent bouleversement. N'est-ce pas magnifique ? »


Et ce qui vaut pour l'individu vaut pour la Chine, voire pour le monde :

Mao a écrit :
« Le pays doit être [...] détruit puis reconstitué. [...] Cela s'applique au pays, à la nation et à l'humanité. [...] Les gens comme moi appellent la destruction de leurs voeux, parce que lorsque l'univers ancien sera détruit, un univers nouveau se formera. »


A 24 ans, Mao avait donc défini les principes fondamentaux de son action. Comme étudiant, il aurait pu partager le destin de tant de ses camarades qui partirent faire des études en France ou en Russie mais Mao n'était pas doué pour les langues (égoïsme oblige, il ne parlait pas même le putonghua, la langue commune, il ne parla jamais que son dialecte) et il y renonça.

Mao se rendit alors à Pékin, où il devint assistant bibliothécaire mais il dut rentrer à Changsha faute de trouver un débouché à sa mesure. Il devint alors un médiocre professeur d'histoire à mi-temps dans une école primaire.

La guerre, qui fascinait tant Mao en 1918, s'acheva par le traité de Versailles autorisant le Japon à conserver les concessions allemandes qu'il avait prises pendant la guerre dans le Shandong. Le 4 mai 1919, une grande manifestation eut lieu à Pékin contre le gouvernement républicain « vendu » aux puissances étrangères. Mao participa à l'agitation comme rédacteur en chef d'une revue éphémère (elle n'eut que 5 numéros), La Revue du Fleuve Xiang.

Il écrivait aussi dans d'autres journaux, défendait l'émancipation des femmes, l'égalité des sexes, et le libre choix du conjoint (lui-même avait subi un premier mariage arrangé avec l'une de ses cousines, de quatre ans son aînée, en 1908). Mais il ne faut pas croire que cet égalitarisme aille de pair avec un réel souci d'amélioration de la condition féminine et avec l'idée du partage des tâches entre époux ! Dans De l'indépendance des femmes, un texte de 1919, Mao affirme tout de go :

Mao a écrit :
Les femmes peuvent accomplir le même travail physique que les hommes. Simplement, elles n'en sont pas capables au moment des couches. [...] elles devraient donc préparer tout ce qu'il leur faut [...] avant le mariage afin de subvenir à leurs propres besoins [...]. Elles devraient [aussi] faire elles-mêmes les provisions nécessaires en vue de la période des couches. »


Devenu chef des radicaux du Hunan, Mao rencontra Chen Duxiu en juin 1920. Sur la suggestion de Moscou, qui avait lancé l'Internationale communiste, le Komintern, l'année précédente, Chen Duxiu devait fonder le PCC en août 1920. Mais Mao n'était plus à Shanghai à ce moment-là, il n'avait pas encore adhéré au Parti. C'est pourquoi l'histoire officielle (reprise telle quelle par Wikipédia) a corrigé les faits pour les faire coïncider avec le mythe et situe la fondation du PCC en 1921, date du 1° Congrès auquel assista cette fois Mao.

Chen Duxiu avait chargé Mao d'ouvrir une librairie à Changsha pour y distribuer la revue Nouvelle Jeunesse ainsi que d'autres publications communistes prosoviétiques. A la différence des autres puissances étrangères qui occupaient des concessions chinoises, la Russie jouissait en effet en Chine d'une popularité habilement usurpée : le gouvernement soviétique prétendait renoncer aux territoires acquis par le tzar tout en conservant en réalité le contrôle de quelque 1250 km2 de territoire chinois, ce qui en faisait la plus grande puissance occupante du pays !

Mais, alors que certains communistes chinois commençaient à critiquer la révolution russe comme trop coûteuse en vies humaines, Mao, qui allait sur ses 27 ans, déclarait qu'il disait désormais vouloir « se servir du modèle russe pour réformer la Chine et le monde ».

Dernière édition : 10/06/2011 14h02

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10/06/2011 à 14:51 - MAO, L'histoire inconnue
"Mao a écrit :
« Lorsque les Grands Héros laissent libre cours à leurs désirs, ils sont magnifiquement puissants, emportés, invincibles. Leur pouvoir ressemble à un ouragan jaillissant de profondes gorges, à un obsédé sexuel en rut qui rôde en quête d'une amante [....], il n'y a pas moyen de les arrêter. »


Ce passage me fait hélas penser au présent avec une belle illustration newyorkaise...

« Passer de la vie à la mort, c'est connaître le plus violent bouleversement. N'est-ce pas magnifique ? »[/i

]Nous passons tous de la vie à la mort.
C'est pas magnifique.
C'est.
Un étrange propos... pas trop éloigné d'un certain "viva la muerta" contemporain...

[i]« Le pays doit être [...] détruit puis reconstitué. [...] Cela s'applique au pays, à la nation et à l'humanité. [...] Les gens comme moi appellent la destruction de leurs voeux, parce que lorsque l'univers ancien sera détruit, un univers nouveau se formera. »


Et quand le nouvel univers est formé... on le détruit à nouveau ?
Quid dans ces conditions du sens de la vie...

Merci Laoshi de vos premières réflexions concernant l'ouvrage.
Je pense qu'elles donneront lieu éventuellement à une antithèse de la part de nos amis, et que toutes ces réflexions nous enrichiront.



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11/06/2011 à 21:01 - MAO, L'histoire inconnue
bravo et merci Laoshi pour cette communication !

j'aimerai retrouver le titre d'un livre très interessant sur la vie de Mao et de sa fameuse épouse ,
qui doit encore se trouver dans la bibliothèque de l' A F de shanghai , j'ai listé tous ces livres que j'ai lus pour éventuellement les acheter en france et les relire ,
mais mes notes sont encore au fond des malles du container de retour .....
faut que que je m'y replonge !
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12/06/2011 à 09:47 - 1920-1925 : comment le communiste Mao devint ... nationaliste !
@Michel : le rapprochement avec "viva la muerte" m'avait moi aussi frappée !

@Lulu : vos références bibliographiques seront les bienvenues (bientôt la retraite, j'aurai du temps pour lire !)

Merci de vos encouragements à tous les deux ; je continue !

histoire privée : Mao, alors farouchement opposé au mariage, devint l'amant de celle qui deviendra sa seconde femme, Kuai-hui, en 1920. Kai-Hui, qu'il avait rencontrée à Changsha sept ans plus tôt, était la fille de Yang Chang-chi, l'un des professeurs de Mao. Elle était éperdument amoureuse mais elle découvrit bientôt que son amant avait une autre maîtresse et « sa vie en fut dévastée ». Le mariage eut néanmoins lieu à la fin de 1920. Mao garda son ancienne maîtresse et en prit deux autres. Bafouée dans son amour, Kai-hui devait écrire plus tard un essai sur les droits des femmes : « nous ne devons à aucun prix permettre aux autres de nous traiter en simples accessoires », affirmait-elle.

histoire politique : A cette époque, Moscou commençait à mettre sur pied une armée chinoise en Sibérie et un réseau de renseignements, le GRU, antenne civile et miliaire du KGB ; c'est sur la suggestion du KGB que le PCC organisa son premier congrès. Chacune des régions comprenant des sympathisants devait envoyer deux délégués à Shanghai. C'est ainsi que Mao fut désigné pour Changsha ; il reçu de Moscou l'équivalent de deux années de salaire !

Le Congrès s'ouvrit le 23 juillet, sous la houlette des deux agents du KGB, Maring et Nikolsky. La présidence fut confiée à Zhang Guo-tao mais ce premier Congrès, interrompu (on suspectait la présence d'un mouchard), ne définit aucun programme. Les délégués reçurent chacun cinquante yuans pour leur retour.

Chen Duxiu, qui n'avait pas participé au Congrès, gardait ses distances à l'égard de Moscou : « Si nous prenons leur argent, disait-il, il faudra aussi prendre leurs ordres. » Il souhaitait que chacun garde son indépendance économique, vive d'un salaire alors que 94% des fonds du PCC venaient alors de Russie. Mao n'avait pas les scrupules de Chen ; pour la première fois, recevant une somme mensuelle rondelette (elle progressa vite de 60 à 170 yuans), il était vraiment à l'abri du besoin. Il quitta ses fonctions de journaliste et de directeur d'école pour « soigner sa santé », « bien manger tous les jours » et se consacrer la lecture. En octobre 1921, il s'installa dans une élégante demeure qui était théoriquement le bureau du Parti dans le Hunan et dont il fit un usage privé. Les subsides de Moscou lui permettaient même d'avoir des domestiques !

Peu soucieux de la tâche qui lui avait été confiée, Mao se contenta de recruter dans son entourage immédiat, famille et amis. Il n'avait aucune envie de faire du prosélytisme pour la cause qui le nourrissait si bien ! C'est Ho Min-fan, chef du comté de Changsha, qui se chargea de la besogne et qui recruta, entre autres, Liu Shaoqi. Ho Min-fan fut sans doute la première victime de l'insatiable ambition de Mao. Celui-ci s'empara du domaine dans lequel était installé le centre de conférences que dirigeait Min-fan, le Mont du Bateau. Plus tard, Mao invoqua la « désobéissance » de Min-fan, pourtant de plus de vingt ans son aîné, pour justifier cette spoliation.

Mao paya le peu de zèle qu'il avait mis à recruter des camarades pour le Parti et à organiser des syndicats : on ne l'invita pas à participer du II° Congrès du Parti, en juillet 1922, une absence qu'il aura bien du mal à justifier ensuite (il aurait, dira-t-il, « oublié le nom de l'endroit où le congrès devait se tenir » !). Cette sanction lui fit l'effet d'un électrochoc ; il commença enfin à s'activer, à se rendre auprès des mineurs en grève et à prendre part aux manifestations ; il créa même enfin le comité du Parti du Hunan qu'il aurait dû mettre sur pied un an plus tôt. A la veille de sa mort, Liu Shaoqi affirmera que Mao n'y laissait à personne la « moindre possibilité de [s']exprimer » .

Mao trouva le moyen de rentrer en grâce en janvier 1923 quand les communistes de Shanghai rechignèrent à appliquer la ligne définie par Moscou, adhérer au Guomindang : lui n'y voyait aucun inconvénient ! Le parti nationaliste avait été fondé en 1912. Son chef, Sun Yat-sen, évincé de la Présidence de la République chinoise par Yuan Shi-kai, s'était allié à Moscou, à qui Pékin contestait l'occupation de la Mongolie extérieure, pour renverser le gouvernement chinois : Sun Yat-sen acceptait d'abandonner la Mongolie extérieure et le Xinjiang à Moscou en contrepartie d'une aide militaire pour conquérir la Chine.

La décision de « soutenir à fond les nationalistes » fut prise par Staline, devenu secrétaire du Comité central en avril 1922. Mais, pour s'assurer que Sun se conformerait aux directives de Moscou, il fallait investir le Guomindang : « Nous ne pouvons pas émettre nos directives ouvertement depuis Moscou, déclara Staline au cours d'une réunion secrète. Nous le ferons à travers les PCC et d'autres camarades, à huis clos, de façon confidentielle [...].
C'est ainsi que Mao fut nommé adjoint de Chen, chef en titre du Parti. Désormais, tous les documents du PCC devaient porter la double signature de Chen, qui s'était violemment opposé à Moscou, et de Mao, persuadé quant à lui que « la révolution devait être introduite en Chine, depuis le nord, par l'armée russe. »
Pour surveiller à la fois les nationalistes et les agents communistes chinois infiltrés dans le Guomindang, Staline fit de Borodine le conseiller politique de Sun Yat-sen. Mao participa au 1° Congrès nationaliste, à Canton, en janvier 1924, il devint l'un des 16 membres du Comité exécutif central et fonda la branche nationaliste du Hunan, collaborant si activement au Guomindang que le PCC était totalement marginalisé ; Mao s'opposait même à ce que « les ouvriers aient un mouvement syndical indépendant » !

Le zèle nationaliste de Mao était tel que les Russes eux-mêmes en prirent ombrage : considéré comme « opportuniste » et « de droite », il fut évincé du secrétariat du Comité Central et ne fut pas invité au Congrès de janvier 1925. A la fin de 1924, il fut purement et simplement exclu de Shanghai et dut rentrer à Shaoshan, gros-jean comme devant et, ce qui d'un point de vue psychanalytique est loin d'être anecdotique, affecté d'une constipation chronique.

Il va sans dire que cet épisode peu glorieux est aujourd'hui encore tenu secret par le PCC.

Dernière édition : 12/06/2011 12h37

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13/06/2011 à 20:12 - MAO, L'histoire inconnue
Merci Laoshi pour cette nouvelle page d'histoire effectivement bien peu connue...
j'attends la suite..... en subodorant que notre Homme n'a pas dit son dernier mot
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13/06/2011 à 22:57 - 1924-1927 : comment le pseudo-nationaliste Mao redevint … communiste
Oui, le personnage a plus d'un tour dans son sac, Michel ! Voici donc la suite de cette fiche de lecture...

Depuis son éviction des instances dirigeantes du Parti communiste, Mao rongeait son frein. Ce fut Wāng Jīngwèi, qui succéda à Sun Yat-Sen en 1925 et qui devait devenir chef du gouvernement fantoche installé par le Japon en 1940, qui lui donna l'occasion de remonter sur la scène politique.

Le cheval de bataille des nationalistes étant « l'anti-impérialisme », Mao, infiltré dans l'organisation, essaya, dès 1924, mais en vain, de mobiliser les paysans de Shaoshan dans la lutte contre les puissances étrangères. Par contre, il ne se chercha pas tout de suite à fomenter la lutte des classes à la campagne : « les paysans, écrivait-il le 18 janvier à Borodine, n'ont pas considéré que nous luttions pour défendre leurs intérêts, mais nous ont pris en haine, déclarant que si nous ne les avions pas organisés, il n'y aurait pas eu de désastres ni de malheurs ».
Il n'en fut pas moins considéré comme l'instigateur du refus des paysans pauvres de voir leur riz partir pour la ville en période de disette et comme responsable des manifestations anti-impérialistes qui eurent lieu à Shanghai le 30 mai après que la police britannique eut tué 10 manifestants. Sentant la menace, Mao – dont le nom apparaît pour la première fois dans les archives américaines à cette occasion -, s'enfuit à Changsha et, de là, à Canton, le fief nationaliste. Dès septembre 1925, il devint ainsi le bras droit de Wāng Jīngwèi, le rédacteur en chef de L'hebdomadaire du parti et le responsable du choix des délégués du 2° Congrès nationaliste.

C'est en novembre 1925 que Mao réexamina la question paysanne sur les instances pressantes de Moscou : depuis 1923, Staline entendait mettre cette question « au centre de toutes [ses] politiques ». Renonçant à sa position, exprimée en 1924, selon laquelle « il n'y [avait] rien à tenter parmi les paysans pauvres et [qu']il était nécessaire de nouer des liens avec les propriétaires fonciers et la petite noblesse », Mao tentait, dans Paysans chinois, une « analyse de classe » du monde rural. Il y opposait la « petite bourgeoisie » des propriétaires d'un lopin de terre au « prolétariat » des ouvriers agricoles. Cet article, paru le 1° décembre dans la revue nationaliste, lui attira une volée de bois vert des soviétiques orthodoxes : Mao avait confondu, selon eux, le mode de production féodal, encore en vigueur en Chine, et le mode de production capitaliste.... Mais, pour les nationalistes, la nuance importait peu. En février 1926, Mao devint membre fondateur du Comité du mouvement paysan et directeur de l'Institut de formation du mouvement paysan qui fomentèrent les troubles du Hunan lors de « l'expédition [de l'armée nationaliste] vers le Nord ».

Devant la gravité des faits, Mao fut dépêché à Changsha pour y rétablir l'ordre : déjà, on exhibait des paysans riches coiffés d'un bonnet d'âne, les pillages allaient bon train et la violence se déchaînait sur l'air de Frères Jacques, l'hymne nationaliste fustigeant les puissances étrangères et réclamant l'élimination des seigneurs de la guerre : « l'heure n'est pas encore venue de chasser les propriétaires », prêcha d'abord Mao. Cependant, comme il devait le déclarer lui-même plus tard, il « changea totalement d'attitude » après avoir passé un mois à sillonner le Hunan. Il découvrait là, concrètement, « avec une espèce d'extase encore jamais ressentie » (sic !) la violence qu'il appelait de ses voeux dans ses textes de jeunesse :

Mao a écrit :
Ils ont inventé la formule : « Quiconque possède des terres est un tyran et tous les nobliaux sont mauvais ». Ils jettent à terre les propriétaires et les piétinent violemment [...] ils bondissent et s'ébattent sur les lits incrustés d'ivoire des demoiselles et des dames. Chaque fois que l'envie leur prend, ils empoignent des gens, les coiffent de hauts bonnets d'âne et les exhibent dans les villages [...] C'est ce châtiment qui fait le plus trembler. Après une seule séance de ce genre, ces gens sont brisés à jamais.


Tandis que Chen réclamait des sanctions exemplaires contre les coupables d'atrocités, Mao exultait : « c'est merveilleux, merveilleux ! » mais, contrairement à d'autres leaders paysans, il ne pratiqua pas la redistribution des terres. Interrogé sur les limites qu'il convenait d'apporter à l'utilisation de la violence par les dirigeants du mouvement paysan, il suggéra que « chaque homme jeune et d'âge mûr » soit muni d'un « suo-biao », un couteau à double tranchant : « ne mettre aucune limite [à son usage] », recommandait-il. L'un des textes qu'il diffusait pour former ses recrues – probablement de sa main -, recommandait même de « sectionner les tendons des chevilles » et de « couper les oreilles » des « obstinés ». Quant aux lynchages, « une ou deux personnes battues à mort, ce n'est pas une affaire », disait-il. Les autorités du Hunan ayant jugé bon d'incarcérer les responsables des crimes les plus graves, Mao ordonna de les libérer : « une révolution n'est pas un dîner de gala, affirma-t-il. Il faut instaurer [...] un règne de terreur dans chaque comté. » Ce radicalisme lui valut de rentrer en grâce. En 1927, il réintégra le Comité central du PCC (membre suppléant, il n'avait pas encore le droit de vote).

Cependant, les nationalistes commençaient à déchanter. Nombre d'officiers, issus de familles aisées du Hunan, étaient épouvantés des brimades et des exactions qu'enduraient leurs proches, et les simples soldats, selon un rapport de Chen au Komintern, n'étaient pas moins « dégoutés » de voir les maigres subsides qu'ils envoyaient à leurs familles - pauvres celles-là -, confisquées.

Le 6 avril 1927, Pékin découvrit des archives accablantes démontrant la mainmise de Moscou et du PCC sur le parti nationaliste (1/3 de ses délégués au congrès de 1926 étaient communistes alors que les nationalistes se comptaient par centaines de milliers et que le PCC n'avait pas 10 000 membres !). Tchang Kaï-chek (en pinyin Jiǎng Jièshí), commandant en chef des armées nationalistes, décida donc une purge : le 12 avril, il publiait les noms de 197 communistes infiltrés dans son camp ; Borodine et Mao y figuraient en bonne place. Joignant les actes aux mots, il enrôla des gangsters de Shanghai pour prendre les bastions communistes d'assaut et confisquer les armes des activistes ; il fit tirer sur les manifestants qui protestaient contre ces violences et fit fusiller militants politiques et syndicaux. Il y eut au bas mot 300 morts dans les rangs communistes. Devant le désastre, Wāng Jīngwèi se soumit à Tchang qui reprit à son compte le pouvoir sur le parti nationaliste. Après avoir hésité quelque temps à suivre l'exemple de Wāng, Mao prit le parti de redevenir... communiste à plein temps, ou presque.

Dernière édition : 14/06/2011 09h10

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14/06/2011 à 00:56 - MAO, L'histoire inconnue
tout cela est très intéressant, Laoshi, et merci de nous communiquer ainsi vos "fiches de lecture" ; tant il est probable que je n' aurais pas le temps de lire ce livre avant longtemps.....

pour l' anecdote, ma femme, me voyant plongé dans votre passionnante prose, me demande de quoi il s' agit.... et je lui fait donc un petit récit...
il ressort de cela que si tous ces livres et ouvrages (si détaillés et approfondis...) à propos de Mao sont interdits en Chine, plusieurs d' entre ces ouvrages sont cependant connus du grand public, paradoxalement.
certains de ces livres circulent même clandestinement..... (sans se cacher vraiment...ramené de Taiwan, l' un d' entre eux était sur le bureau de l' ancien patron de ma femme, au vu de tous...)
l' image de Mao dans le public chinois est certainement assez loin de l' image officielle définie....beaucoup de chinois, ainsi, ne sont pas dupes, et même s' ils n' ont pas lu ces ouvrages, beaucoup d' histoires et d' anecdotes parlant de la face cachée du Grand Timonier sont de notoriété publique.....
par exemple, elle m' a parlé d' un livre, écrit par l' ancien médecin de Mao :

Mémoires du médecin personnel de Mao Zedong

voici un lien sur wikipédia, et sa traduction :

http://zh.wikipedia.org/wiki/%E6%AF%9B%E6%B3%BD%E4%B8%9C%E7%A7%81%E4%BA%BA%E5%8C%BB%E7%94%9F%E5%9B%9E%E5%BF%86%E5%BD%95

http://translate.google.com/translate?hl=fr&sl=zh-CN&u=http://zh.wikipedia.org/wiki/%25E6%25AF%259B%25E6%25B3%25BD%25E4%25B8%259C%25E7%25A7%2581%25E4%25BA%25BA%25E5%258C%25BB%25E7%2594%259F%25E5%259B%259E%25E5%25BF%2586%25E5%25BD%2595&ei=5o_2Td2_GZC5hAfn2-XiBg&sa=X&oi=translate&ct=result&resnum=1&ved=0CCEQ7gEwAA&prev=/search%3Fq%3D%25E6%25AF%259B%25E6%25B3%25BD%25E4%25B8%259C%25E7%25A7%2581%25E4%25BA%25BA%25E5%258C%25BB%25E7%2594%259F%25E5%259B%259E%25E5%25BF%2586%25E5%25BD%2595%2B%25E8%258B%25B1%25E6%2596%2587%25E7%2589%2588%26hl%3Dfr%26biw%3D939%26bih%3D527%26prmd%3Divns

beaucoup connaissent se livre, en Chine, à défaut de l' avoir lu...des extraits ont circulé.......
visiblement, il y a encore 2 ou 3 livres de ce genre qui sont connus aussi.....
Pourtant, ma femme n' est pas spécialement quelqu' un qui s' intéresse de près à cela ou qui lit beaucoup.
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14/06/2011 à 09:27 - Discipline
Quoiqu'il en soit,Mao a légué au peuple chinois une discipline inébranlable et a fait de lui un peuple exemplaire ;peuple sage,discipliné et travailleur.
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Ses participations : 336
14/06/2011 à 09:43 - MAO, L'histoire inconnue
Tahar.Y a écrit :
Quoiqu'il en soit,Mao a légué au peuple chinois une discipline inébranlable et a fait de lui un peuple exemplaire ;peuple sage,discipliné et travailleur.


je pense que ces qualités ne sont pas à imputer au crédit de mao !!!!!!!!!!!!!
La Chine 中国 (Zhongguó), pays de l'Asie orientale, est le sujet principal abordé sur CHINE INFORMATIONS (autrement appelé "CHINE INFOS") ; ce guide en ligne est mis à jour pour et par des passionnés depuis 2001. Cependant, les autres pays d'Asie du sud-est ne sont pas oubliés avec en outre le Japon, la Corée, l'Inde, le Vietnam, la Mongolie, la Malaisie, ou la Thailande.