La calligraphie, un art à part entière
En Chine, écrire est un art. Les origines rituelles de l'écriture expliquent l'importance de l'acte d'écrire et la place essentielle de la calligraphie, véritable discipline du corps tout entier ainsi que de l'esprit, promue au rang d'art majeur par les chinois.
Peinture, poésie et calligraphie sont inextricablement mêlées. Les plus grands poètes furent toujours d'immenses calligraphes; de même que les peintres. La calligraphie s'affirmera comme un art à part entière, mais qui complètera utilement une peinture et relatera souvent un poème. L'acte de calligraphier s'apparente à une méditation transcendantale. Mao Zedong lui-même n'hésitait pas à faire la démonstration à ses visiteurs de ses talents de calligraphe, de même que les élites chinoises, depuis l'Antiquité, n'ont jamais cessé de pratiquer cette discipline avec constance et acharnement.
福, un caractère particulier
Prononcé “fu”, il est le symbole du bonheur par excellence. On le retrouve dans chaque maison, chaque commerce. S'il est pendu à l'envers, sa symbolique est d'autant plus forte car 福倒 (littéralement le bonheur à l'envers), est l'homophone de 福到 (que le bonheur vienne).
En Chine, le bonheur est composé de “Cinq bonheurs” (la longévité, la richesse, la santé, faire de bonnes actions, et mourir d'une mort naturelle). Le caractère “fu” est donc très précis, et véhicule presque une certaine hygiène de vie.
Si le caractère “fu” est entouré de dragons, le bonheur viendra rapidement.
Bien qu'au départ, cette superstition puisse faire sourire, on finit vite par se prendre au jeu, et j'ai moi aussi, adopté un “fu” dans mon salon, espérant que le bonheur envahisse et protège mon foyer.
L'importance des nombres
En même temps que l'écriture pictographique faisait son apparition, les chinois inventaient la numérisation décimale. C'est ainsi tout naturellement qu'ils y associèrent également une symbolique forte. Les nombres ont une signification propre, qui va bien au-delà de leur usage arithmétique.
• Un (一
/ Le chiffre un représente mille choses dans le signe du caractère : parfois le ciel, parfois l'horizon. C'est le symbole de l'unité, mais c'est aussi l'origine de tous les êtres, de toutes les choses. Pour le Taoïsme, c'est le signe de l'absolu. Le trait horizontal vient du pictogramme : il représente une main avec l'index tendu pour montrer, pour indiquer. Quand il entre dans la composition d'autres caractères, le trait, en occupant des positions différentes, change aussi de signification. Dans le caractère de la pluie, prononcé“ yu” (雨)il se trouve dans la partie supérieure, et indique le ciel auquel est suspendu le nuage qui laisse tomber l'eau en petites gouttes. Placé dans la partie basse du caractère “dan” (旦
,sous le signe du soleil (日
, il devient l'horizon, sur lequel apparaît l'astre, et le caractère signifie l'aube. Dans le mot ciel (天
,il indique tout ce qui se trouve au-delà de l'homme (人
, et il inclut aussi l'idée de protection.
• Deux (二
/ Si un est le symbole du ciel, deux est celui de la terre. Le pictogramme indique deux traits qui peuvent être interprétés comme des signes sur le sable, des encoches sur un morceau de bois, des traits indiquant une numérotation, une liste, une période temporelle. Ce caractère est aussi le symbole du Ying et du Yang, principe dualiste chinois : le masculin et le féminin. Associé au caractère de l'homme, dans sa version réduite, il donne la bienveillance (仁
, la vertu fondamentale du confucianisme : l'amitié, la tolérance et la sympathie qui doivent unir les hommes et régler leurs rapports. Alors qu'avec le caractère du coeur (心
, le chiffre deux forme le mot “déloyal”(二心
: une personne avec deux volontés.
• Trois (三
/ Pour les chinois, le chiffre trois est le nombre fondamental et parfait à partir duquel, selon le livre du Tao, les êtres vivants furent créés. Aussi parle-t-on des “Trois empereurs fondateurs”les légendaires Fu Xi, Shen Nong et Huang Di), des “Trois Pensées” (le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme), des “Trois Royaumes” (Shu, Wei et Wu) qui se partagèrent la Chine au troisième siècle après J-C., Des “Trois Inventions”(la poudre, la boussole, et l'imprimerie) qui révolutionnèrent les conditions de vie des chinois, du souhait des “Trois beaucoup”(beaucoup de bonheur, beaucoup de longues années, beaucoup de fils), et même des “Trois Principes du peuple”(nationalisme, démocratie et solidarité) du dirigeant moderne Sun Yat-Sen.
• Quatre (四
/ Comme chez nous le chiffre 13, il porte malchance, et bon nombre de constructions continuent à ne pas faire figurer ce chiffre sur les boutons de l'ascenseur. Tout comme le chiffre huit vu dans l'introduction, le chiffre quatre,prononcé “si” et en lien direct avec son homophone 死 signifiant la mort. Ce n'est donc pas un hasard si la fête des morts est célébrée le quatre avril.
• Cinq (五
/ Il fut toujours un chiffre fétiche. Pêle-mêle, on citera les “Cinq Bonheurs” ”(santé, richesse, prospérité, vertu,longévité), les “Cinq Eléments”(bois, feu, terre, métal, eau), les “Cinq directions”(nord, sud, est, ouest, centre) et les “Cinq Relations”(souverain/sujet, père/fils, époux/épouse, aîné/cadet, relations entre amis).
• Six (六
/ Chiffre très apprécié des chinois, il peut être associé, entre autres, aux “Six Saveurs” (amer, doux, acide, âcre, insipide), ou encore aux “Six Arts”(convenance, musique, tir à l'arc, conduite du char, calligraphie, mathématiques).
• Huit (八)/ Connu comme étant l'un des chiffres préférés des chinois. Ce chiffre, prononcé en putonghua “ba”, est prononcé dans certaines régions “fa”. Mais “fa”(发
, de “fa cai”(发财
signifie “faire fortune”. Le chiffre Huit symbolise donc la réussite, la fortune, et le bonheur associé à celle-ci. On comprend par conséquent le choix de la date des Jeux Olympiques de Pékin, qui ont débuté le 08.08.08, à 08h08.
• Neuf (九)/ Ce chiffre, qui se prononce “jiu” est célèbre grâce à son homophone 久 qui signifie la longévité. Il est donc de bon augure de se marier en septembre, pour augmenter les chances de durée d'un couple. Les salles de réceptions sont certainement déjà complètes pour le 9 septembre 2009, qui s'avère être une très “belle” date!
• Douze (十二
/ Si le calendrier officiellement adopté en Chine est notre calendrier grégorien, on se réfère aussi au calendrier traditionnel lunaire. C'est le seul calendrier à ne pas se préoccuper de l'origine, et donc d'une éventuelle année 1. Il y a un cycle de douze années (à l'intérieur d'un grand cycle de soixante) : l'année du Rat, du Buffle, du Tigre, du Lièvre, du Dragon, du Serpent, du Cheval, du Mouton, du Singe, du Coq, du Chien et du Cochon. La journée traditionnelle comptait également douze heures, la première heure, celle du Rat, se situant entre 11h du soir et 1h du matin, la deuxième heure, celle du Buffle, entre 1h et 3h du matin, etc...
Ces chiffres ne sont pas les seuls, l'énumération des autres nombres associés à des concepts serait très longue. Il est cependant essentiel de comprendre le rapport des chinois aux nombres, car ce n'est pas une croyance perdue. Ce n'est donc pas par hasard si Mao lança la “Campagne des 100 fleurs”, ce chiffre étant synonyme de profusion et d'abondance.