Tong.Z a écrit :Merci, Laoshi, vous êtes vraiment un modèle des Laoshi!!!
Mais désolée, je voulais jouer un peu le jeu de mots d'un angle de vue étranger...
Vous avez raison, Tong.Z, laoshi je suis, laoshi je reste dans l'âme. Même si, comme je me tue à le répéter, mon pseudonyme est lui aussi un jeu de mots (à la chinoise) entre hommage à Lao She et clin d'oeil à mon métier, prendre les questions au sérieux, fussent-elles naïves ou provocantes, est chez une véritable déformation professionnelle (à moins que je n'aie choisi le métier par passion de transmettre le peu que je sais).
Si la présence de Confucius dans la liste des mots commençant par le préfixe « con » m'avait mis
« la puce à l'oreille » (ceci pour rester dans le registre des jeux de mots que vous affectionnez tant), et si j'avais pensé qu'il s'agissait là, en effet, d'un trait d'humour, je n'avais pas un instant suspecté que votre question portant sur le sens du substantif
« con » était
« juste pour rigoler ». Depuis 37 ans que je fais ce métier, c'est en effet une question qui m'est posée tous les ans par les élèves. Signe que cela intrigue beaucoup de monde...
Vous reposez d'ailleurs la question, sérieusement cette fois me semble-t-il, dans votre message à Tintin :
Tong.Z a écrit : En tant qu'étrangère, je ne comprends pas pourquoi "con- (ensemble/avec", "le sexe de la femme" et "être con" pourraient tomber au même mot, c'est une coïncidence assez curieuse, non? Mais bien sûr je ne veux pas confondre les différents sens d'une polysémie, mais me poser la question sur cette coïncidence me semble utile pour approfondir la compréhension sur la culture française...
Je vais donc, encore une fois, essayer de vous répondre... en incorrigible
« laoshi » ; je crois que ce n'est pas du tout une coïncidence mais bien un symptôme de la culture française véhiculée par la langue. Comme le disait Nietzsche (je vous avais prévenue !), ce sont toujours les dominants qui parlent dans la langue :
« on peut considérer l'origine même du langage comme un acte d'autorité émanant de ceux qui dominent, écrit-il dans
La Généalogie de la morale, ils ont dit 'ceci est telle ou telle chose ' et ils se la sont pour ainsi dire ainsi appropriée. »
La langue française dominante est une langue d'hommes, faite
par les hommes
pour les hommes ; que le sexe féminin y soit devenu le symbole de la bêtise est on ne peut plus révélateur :
« sois belle et tais-toi », disait-on dans mon enfance... il était acquis que l'intelligence se pensait au masculin et que les filles étaient tout juste bonnes à
« parler chiffon »....
Mais cette domination linguistique se manifeste de manière éclatante dans le vocabulaire qui désigne les organes génitaux dans les mots de l'enfance comme dans le vocabulaire des adultes : les petits garçons ont des dizaines de mots pour désigner leur sexe,
(zizi, quéquette, moineau, robinet, etc...) ; pour les petites filles, rien... ou pire : les seuls mots qui existaient dans la langue de mon enfance étaient
« la misère » et
« le pisseu' » (pour
« pisseur ») ; joli programme n'est-ce pas ?! il était acquis d'ailleurs qu'un petit garçon était
« un petit bitaud », mot éminemment valorisant, tandis que les petites filles étaient des
« pisseuses » (à eux la gloire active du sexe, à nous la honte des fonctions urinaires...). Et quand la jupe volait dans le feu des jeux d'enfant, découvrant la petite culotte blanche,
« cache ta misère », disaient les mères...
Vient ensuite le vocabulaire obscène et sexiste de l'adolescence (vous n'imaginez pas ce que les petits ados peuvent proposer aux filles de leurs classes !) : sans commentaire.
Même discrimination dans les programmes scolaires : j'ai trouvé dans un manuel de sciences naturelles utilisé en terminale scientifique dans les années 80 des choses hallucinantes sur la description des organes génitaux féminins et masculins : tous les éléments du sexe masculin, internes et externes, étaient correctement détaillés et l'orgasme lui-même était décrit de manière tout à fait explicite ; pour les filles, seul le vagin avait droit de cité dans le manuel, le clitoris n'était pas mentionné une seule fois ( ni dans les textes ni dans les croquis) et l'on apprenait que la femme émettait
« un liquide de lubrification » (sic !) pendant l'accouplement (vous ne viendrez plus chez nous par hasard, comme dirait
Total !) ; quant au plaisir féminin, il était réduit à une simple déformation géométrique (dilatation/rétractation) !
Tout cela pour vous demander ce qu'il en est en Chine, dans le langage des enfants d'une part, dans celui des adultes d'autre part. Constatez-vous les mêmes discriminations, les mêmes associations d'idées, les mêmes silences etc. ?
NB : ma question est sérieuse, évidemment...