Des acteurs de l'industrie et des experts mettent en garde contre les conséquences des droits de douane supplémentaires provisoires de l'UE sur les VE chinois

La décision de la Commission européenne d'imposer des droits de douane provisoires sur les véhicules électriques (VE) chinois est basée sur de faux prétextes, et fera non seulement payer au bloc un prix économique, mais entravera également la réalisation des objectifs climatiques, d'après des acteurs de l'industrie automobile, des associations commerciales et des observateurs du secteur interviewés par l'Agence de presse Xinhua.

La Commission européenne a dévoilé mercredi son plan d'imposer des droits de douane supplémentaires provisoires allant jusqu'à 38,1% sur les VE chinois.

DECISION INJUSTE

Rejetant comme illégitime la justification utilisée pour les droits de douane, des acteurs industriels et des experts ont utilisé des termes comme "protectionnisme", "politisation" et "deux poids, deux mesures" pour exprimer leur opposition à cette décision.

Exprimant ses "préoccupations et regrets profonds" à la décision de la Commission européenne, SAIC Motor a appelé jeudi l'UE à éviter de "poser des barrières commerciales de manière artificielle pour les VE" et à sauvegarder les conditions d'une concurrence équitable.

SAIC Motor a déclaré que la société s'était "reposée sur l'innovation technologique au lieu des subventions du gouvernement" pour offrir aux consommateurs chinois et étrangers des produits verts et de qualité, notant que le groupe avait investi près de 150 milliards de yuans (environ 21,09 milliards de dollars) dans la recherche et le développement des technologies de base, y compris les énergies nouvelles et le réseau intelligent, au cours de la dernière décennie.

Li Bin, fondateur du grand constructeur automobile électrique chinois NIO, a noté dans une interview accordée à Xinhua que les questions relatives aux VE ne devaient pas être politisées.

"Nous pensons que les bons produits et les bons services doivent être disponibles aux utilisateurs à travers le monde", a déclaré M. Li.

Faisant écho au point de vue de M. Li, NIO a publié mercredi une déclaration, indiquant que "nous nous opposons fermement à la mise en place d'une hausse des droits de douane en tant que stratégie visant à bloquer le commerce mondial normal des véhicules électriques".

"En Europe, l'engagement de NIO envers le marché des VE reste inébranlable, et nous continuerons à servir nos clients et à explorer de nouvelles opportunités avec l'Europe en dépit du protectionnisme", d'après la déclaration.

L'Association chinoise des constructeurs automobiles a publié mercredi un communiqué accusant la partie européenne de pratiques inappropriées au cours de l'enquête contre les constructeurs chinois de VE, notamment par "des résultats de sondage prédéterminés, la sélection biaisée d'un échantillon d'entreprises, l'expansion arbitraire du champ de l'enquête et la distorsion des résultats".

"Nous espérons que la Commission européenne ne considérera pas l'actuel commerce de véhicules complets -- une phase inévitable dans le développement de l'industrie -- comme une menace à long terme", note le communiqué, mettant également en garde contre "la politisation des questions économiques et commerciales, l'abus de mesures de recours commerciaux, et la distorsion des chaînes industrielles et d'approvisionnement automobiles dans le monde".

Les experts estiment que les nouveaux droits de douane provoqueront une hausse anticipée des coûts de consommation dans l'Union européenne (UE) et seront de mauvais augure pour l'économie déjà stagnante de l'Union.

L'imposition par l'UE de droits de douane sur les VE en provenance de Chine pourrait avoir un impact négatif sur l'économie européenne, ainsi que sur les entreprises et les consommateurs concernés, a déclaré Zheng Yun, associé principal de Roland Berger, un cabinet de conseil en stratégie mondiale.

Les automobilistes allemands interrogés par Xinhua ont donné des avis positifs sur les modèles chinois de VE qu'ils ont essayés.

Eugen Richter, qui possède une MG4 du fabricant chinois SAIC Motor, a déclaré que le châssis, les performances, l'équipement et la consommation de carburant du véhicule étaient tous excellents, estimant que le rapport qualité-prix était "bien meilleur que celui d'une Cupra ou d'une Volkswagen".

Un autre consommateur allemand, Chris Brill, a considéré que le fabricant chinois de VE BYD, en particulier, avait prouvé sa compétence en matière de production de batteries. "Pour ces composants clés, la situation est plutôt mauvaise en Europe", d'après M. Brill.

Bill Russo, fondateur et PDG d'Automobility Limited, a indiqué lors d'une interview accordée à Xinhua que les entreprises chinoises de VE possédaient un avantage de 30 à 50% en termes de coûts. L'imposition de droits de douane sur les VE chinois augmentera sérieusement l'inflation dans l'UE.

Des droits de douane supplémentaires auront un impact négatif non seulement sur les fabricants chinois de voitures électriques, mais aussi sur de nombreux constructeurs automobiles occidentaux produisant en Chine, a ajouté M. Russo.

De plus, des droits de douane supplémentaires pourraient fausser la dynamique du marché, étouffer l'innovation, et entraver la concurrence loyale et l'auto-amélioration de l'industrie automobile locale en Europe, selon M. Russo.

Maximilian Butek, un responsable de la Chambre du commerce de l'Allemagne en Chine, s'est dit préoccupé par les implications possibles des droits de douane sur le commerce entre la Chine et l'Allemagne.

L'économie allemande est orientée vers l'exportation et dépend donc de marchés libres et équitables, a déclaré M. Butek à Xinhua. Toute restriction imposée à ces marchés pourrait nuire aux entreprises allemandes qui opèrent à l'échelle mondiale, a-t-il ajouté, et c'est pourquoi de nombreuses entreprises allemandes de l'industrie automobile se sont prononcées contre l'imposition de droits de douane supplémentaires.

ANTI-VERTS

En outre, des initiés et des experts de l'industrie ont exprimé leur inquiétude quant au fait que l'imposition par l'UE de droits de douane supplémentaires sur les VE chinois pourrait entraver la transition verte de l'Europe.

D'après M. Butek, comme les décideurs politiques européens donnent la priorité à la transition vers une mobilité verte, l'accès à des VE abordables sera crucial. "Nous sommes convaincus que les marchés ouverts, plutôt que les droits de douane, constitueront la meilleure solution pour atteindre cet objectif", a-t-il déclaré.

Ma Xiaoming, analyste en chef des nouvelles énergies chez Nomura Orient International Securities, a cité une projection selon laquelle les hausses tarifaires réduiraient les importations européennes de VE chinois. Bien que les ventes de VE produits localement soient susceptibles d'augmenter dans les mêmes proportions, cela signifiera néanmoins des coûts plus élevés pour les consommateurs, car les coûts des matériaux et de la main-d'oeuvre sont nettement plus élevés dans l'UE, ce qui retarderait la réalisation des objectifs de transition énergétique de l'UE, selon M. Ma.

Par ailleurs, l'augmentation des droits de douane risque d'aggraver les tensions commerciales, de compliquer les relations commerciales entre la Chine et l'Europe, et de perturber le marché mondial des VE, entravant ainsi la coopération internationale en matière de technologies vertes, a déclaré Feng Wei, chercheur à l'Institut de neutralité carbone de l'Institut de technologie avancée de Shenzhen de l'Académie des sciences de Chine.