La calligraphie chinoise

La calligraphie chinoise a une histoire particulièrement longue. Les oracles sur os de la dynastie Shang constituent les plus anciens témoignages de l’écriture chinoise que nous connaissions : les caractères inscrits sur les carapaces de tortue ou les omoplates de bœuf, appelés chia-ku-wen, étaient d’abord tracés à l’encre et au pinceau puis gravés avec un stylet.

Depuis cette époque reculée, différents styles se sont développés. On divise en général la calligraphie chinoise en cinq grands styles scripturaux : caractères de sceaux chuan-shu, écriture des scribes li-shu, écriture régulière ou normalisée kai-shu, écriture semi-cursive ou courante hsing-shu et écriture d’herbe ou cursive tsao-shu.

Avant la dynastie Chin, les formes scripturales diverses utilisées dans les différents royaumes n’étaient pas désignées par une appellation particulière. On parlait simplement d’« écriture » wen ou de « caractères » tzu. Après avoir unifié la Chine, les Chin imposèrent une écriture uniforme dans tout le pays. Deux styles principaux firent leur apparition à cette époque : les « grands caractères de sceaux » ta-chuan qui furent par la suite simplifiés et transformés en un style plus régulier, les « petits caractères de sceaux » hsiao-chuan.

A la fin de la dynastie Chin et au début de la dynastie Han, apparut une nouvelle forme d’écriture, l’écriture des scribes, destinée à répondre aux besoins croissants d’une bureaucratie impériale confrontée à un nombre de plus en plus important de documents à rédiger. Les « petits caractères de sceaux » furent, à leur tour, réduits et simplifiés, la rondeur des origines disparaissant au profit d’un aspect plus carré. Ce nouveau style, qui atteignit sa perfection sous les Han orientaux, permit de faciliter grandement l’écriture.

Un style cursif de l’écriture des scribes, destiné à permettre de tracer les caractères plus rapidement, apparut au début de la dynastie Han. Il s’agissait d’un style simplifié où les traits formaient des lignes continues peu lisibles. A la fin des Han, les structures s’étaient encore simplifiées, avec des traits plus fluides. Ce style évolua pour devenir l’écriture cursive moderne, dans laquelle de nombreux traits sont reliés. Il atteignit sa pleine maturité sous les Chin de l’Est (371-420).

L’écriture régulière ou normalisée prit graduellement forme à la fin des Han, sous les Wei (220-265) et les Chin (265-420). Ce style se rapproche de celui des scribes, dont il constitue une version améliorée. Encore plus aisée que l’écriture des scribes, l’écriture régulière fut largement utilisée à partir des Han et atteignit son apogée sous les Tang.

La calligraphie semi-cursive ou courante est un mélange des styles régulier et cursif. Elle fit son apparition sous les Han orientaux et fut quelque peu modifiée sous les Wei. Ce style est d’une grande facilité d’utilisation.

D’une manière générale, il s’agit là des styles scripturaux qui ont été pratiquées en Chine depuis les origines jusqu’à aujourd’hui. Après les Six Dynasties (220-589), les styles régulier et semi-cursif furent les plus couramment employés dans la vie de tous les jours. Mais les calligraphes gardaient leurs préférences, pratiquant un ou plusieurs styles. Sous les Tang, des règles furent édictées pour l’écriture régulière, qui servirent de référence aux générations suivantes. Durant cette même période, l’écriture cursive fut soudain l’objet d’une expérimentation stylistique. Des formes étranges se firent jour, qui aboutirent à l’apparition de l’écriture cursive sauvage, kuang-tsao.

Les « Quatre Trésors du Studio du Lettré », - le pinceau, l’encre, le papier et la pierre à encre - sont les instruments indispensables du calligraphe. Le pinceau est fait de poils doux, flexibles et absorbants (yang-hao ou poils de chèvre) ou raides (lang-hao ou poils de loup, en fait des poils de belette ou de lièvre), liés et fixés à un manche en bambou. Les pinceaux durs, utilisés de façon presque exclusive sous les Ming et au début des Ching, sont plus difficiles à fabriquer, plus fragiles et donc plus coûteux. Mais leur maniement est plus aisé, du fait de la grande élasticité de la touffe. Un pinceau peut non seulement être manipulé de gauche à droite et de haut en bas mais aussi être soulevé et abaissé et produire ainsi des lignes d’une variété infinie d’épaisseurs.

L’encre est faite d’un mélange de résine et de suie auquel on donne la forme d’un bâtonnet. Un bâtonnet d’encre de qualité doit avoir un grain fin et une surface douce et lisse. Il est ferme et ne colle pas. L’encre offre de nombreuses nuances en termes de profondeur, de noirceur, de fluidité, etc.

La calligraphie est pratiquée sur la soie ou sur le papier, deux matériaux absorbants. Le papier fut inventé au début du IIe siècle par Tsai Lun, sous les Han de l’Est.

La pierre à encre est faite d’une pierre à aiguiser sur laquelle est frotté le bâtonnet à encre. C’est un objet solide à la surface duquel les lettrés d’autrefois aimaient graver leur nom ou des poèmes.

L’art de la calligraphie proprement dit, c’est-à-dire l’écriture considérée comme un art, prit son essor vers la fin de la dynastie Han. Il était en effet universellement pratiqué au sein de l’élite des lettrés, pour lesquels la calligraphie était un moyen d’expression et d’accomplissement de soi-même. Ce phénomène explique pourquoi cet art eut une influence particulièrement grande sur la peinture, les peintres-lettrés lui empruntant ses techniques, ses instruments, ses supports et son esthétique. Les meilleurs exemples de calligraphie semi-cursive apparurent sous les Sung, avec des maîtres célèbres tels que Su Tung-po (1036-1101), Mi Fu (1051-1107) et Huang Ting-chien (1045-1105). Sous les Yuan, certains calligraphes, en réaction à la conquête mongole, tentèrent d’effectuer un « retour à l’antiquité » et aux écritures des Wei et des Chin en mettant l’accent sur les trois principaux styles : régulier, semi-cursif et cursif. Les calligraphes des Ming suivirent le modèle des artistes Yuan, cherchant à revenir aux styles régulier et semi-cursif des calligraphes des Chin et des Tang. Au milieu de la dynastie Ching, l’intérêt pour l’épigraphie, l’archéologie et la philologie motiva une nouvelle étude des anciens styles d’écritures, tout particulièrement celui des Dynasties du Nord (439-581) et les écritures archaïques (écriture sur sceaux et écriture des scribes).

Dès la dynastie Han de l’Ouest, l’empereur Wu-ti collectionna des calligraphies qu’il conservait dans un entrepôt impérial. Sous les Sung, l’empereur Tai-tsung (r. 976-997), lui-même artiste de talent, lança à travers tout l’empire une recherche des calligraphies et des peintures anciennes. L’empereur Hui-tsung, poète, calligraphe et peintre accompli, poursuivit le travail de collection. De nombreuses œuvres de calligraphes connus tels que Wang Hsi-chi (301-361), Hsu Hao (703-782), l’empereur Hsuan-tsung (r. 712-756) de la dynastie Tang, et Wu Tsai-luan (qui peignit entre 827 et 835 environ), furent récupérées par les empereurs Kang-hsi (r. 1662-1722) et Chien-lung de la dynastie Ching.

Cinq types de calligraphie

La Chine Libre