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L'amour prend de l'envol à Shanghai

© Chine Informations, Le 17/11/2008 17:20, modifié le 17/05/2009 20:52

Seuls espoirs de leurs parents, ceux de la génération des enfants uniques subissent de plein fouet la pression de leurs aînés pour fonder un foyer. Néanmoins, les rencontres arrangées ne correspondent plus aux attentes de ces jeunes Shanghaïens en quête d'épanouissement personnel.

« Ma fille n'a pas un assez grand réseau pour rencontrer des hommes. Je l'aide donc à chercher un partenaire du même milieu social. Elle n'y tient pas, mais elle a déjà 27 ans. Contrairement aux hommes, sa beauté, qui ne sera pas éternelle, est un critère important, et le temps presse pour enfanter !» Mme Zhang, 50 ans, se penche sur l'une des nombreuses lettres de célibataires épinglées sur des cordons de fortune dans un parc du centre de Shanghai. Ici, peu de jeunes, mais beaucoup d'anciens, en quête d'un gendre ou d'une bellefille.
Les résultats d'un sondage publié ce mois d'octobre pourraient amplifier d'ailleurs ce stress des parents soucieux que leur enfant trouve sa moitié. D'après les résultats de cette enquête menée par l'Académie chinoise des sciences sociales auprès de 2 888 personnes de la première génération des enfants uniques (21-31 ans) notamment à Shanghai, l'âge moyen de la première union a encore reculé pour dépasser les 24 ans, ce qui rejoint les « mariages tardifs » définis par la loi, et appliqués aux hommes et femmes de 25 et 23 ans respectivement.

Pressés, les parents multiplient les rencontres avec des prétendants. Néanmoins, cette pression sociale est souvent ressentie comme un fardeau par les enfants. Toujours selon cette même enquête, plus de 80 % de ces jeunes adultes veulent « l'amour libre » comme moyen de trouver un conjoint. La rupture avec les parents est très largement entamée. À l'image de la shanghaienne Zhu Xia qui, à l'âge de 29 ans, a mis un point final, il y a six mois aux rendez-vous organisés par ses parents : « Au bout de deux rencontres, ces hommes me demandaient la date du mariage ! C'est de l'irrespect envers moi, ils ne prennent pas en compte mes propres désirs. Et mes parents les soutenaient ! »

Rechercher dès que possible

Néanmoins, s'ils affirment prendre les choses en main pour choisir leur vie personnelle, cette ville où bien des jeunes arrivent pleins d'espoirs semble ne pas répondre aussi aisément à leurs attentes. Par manque de temps, de fatigue liée au travail, par besoin d'un plus grand réseau, ils sont nombreux à participer aux grandes manifestations de rencontres maritales organisées dans la ville.
Désarçonnés, ils sont de plus en plus jeunes à s'inscrire dans des agences matrimoniales, participent aux émissions, consultent des sites Internet consacrés à la recherche de sa moitié. Car désormais, bon nombre préfèrent multiplier leurs chances en n'attendant pas la fin de leurs études pour trouver la bonne personne. D'après les sondages, même s'ils se réclament libres, ils sont encore nombreux à ne pas avoir passé le cap de la révolution des moeurs, plus de 96 % des personnes interrogées ont eu leur première relation sexuelle avec leur partenaire.

Loin du vieux système de séparation des tâches, le choix de vie de couple évolue. Toujours selon cette
enquête, les deux tiers désirent fonder un foyer dans lequel chacun est indépendant financièrement.
Le travail de l'autre reste donc important, mais aux côtés également de qualités plus personnelles, comme l'intégrité, la première exigence pour 81,8 % des personnes interviewées. Zhu Xia, qui vit encore avec ses parents et travaille avec eux dans une compagnie d'assurances, a elle-même vécu cette évolution des mentalités. Il y a deux ans, elle cherchait un homme équipé d'une voiture et d'un appartement.
Désormais, elle s'insurge : « Comment le niveau d'étude, le salaire et le travail peuvent-ils montrer la personnalité d'un homme ? Je recherche quelqu'un qui saura me faire confiance. Et pour cela, il faut être patient. » Elle crie ainsi haut et fort ce que redoutent bien des psychologues chinois : la pression parentale pour trouver, coûte que coûte quelqu'un au plus tôt, au au risque de s'arrêter à des critères extérieurs, comme l'âge et la situation financière. Mais ceux-ci deviennent moins essentiels pour une population dont le niveau de culture s'élève, et qui recherche l'épanouissement personnel avant la cohésion familiale et la stabilité matérielle.

PLUS REPORTAGE :

Les jeunes hommes de Shanghai, en plein désarroi

Dans un bar écoutant un groupe de rockers shanghaïens, les vingtenaires chinois sont nombreux. Pourtant, à part les quelques couples, garçons et filles sont souvent séparés. Zhou Yue, étudiant en musique de 22 ans, placé entre deux filles, n'ose pas les regarder dans les yeux. Mignon et à la voix douce, il ne sait pourtant pas comment les intéresser, comme si elles étaient d'une autre planète. Il avoue qu'il est encore vierge. Comme bien d'autres d'ailleurs : selon l'enquête de l'Académie des sciences sociales révélée en octobre, l'âge moyen du premier rapport sexuel serait de 22,8 ans. Les garçons et les filles vivraient leur première histoire d'amour à 20 ans en moyenne. Peu de premiers amours d'adolescence donc.
Tandis que certains jeunes hommes, comme l'étudiant en informatique Li Yong, 25 ans, pointent du doigt « le manque de cours sur les relations sexuelles dans le parcours scolaire », la plupart accusent le déséquilibre entre le nombre d'hommes et celui de femmes, un rapport de 102 pour 100. Mais ceci cacherait aussi une autre réalité. « Si les garçons sont plus nombreux au primaire, les filles deviennent majoritaires au lycée et dans le supérieur. De plus, elles recherchent des hommes plus qualifiés qu'elles, alors qu'ils ont en général fait moins d'études qu'elles. Et très peu d'entre elles osent prendre comme mari un homme nonshanghaïen », s'exclame partout sur la toile un jeune Chinois : Des femmes plus exigeantes, des hommes avec encore moins de choix !

Aux côtés d'un étranger, elles restent incomprises

« Regarde-moi celle-là, elle n'a pas pu trouver autre chose qu'un étranger ! » Le chauffeur de taxi jette un regard apitoyé sur une Shanghaienne d'une vingtaine d'années, jupe courte, aux bras d'un grand brun européen, sur un trottoir près du Bund. « La plupart du temps, ce sont les moches qui se retrouvent en couple avec des Occidentaux, comme si elles n'avaient pas d'autre choix ! », continue cet homme qui conduit souvent des couples mixtes.

Dénigrées par certains de leurs compatriotes, elles sont aussi incomprises par les Laowai. Pour bien des étrangers, les Shanghaiennes sont surtout avec des expatriés pour leur argent, avec un passeport en prime.
Cette tendance, correspondant aux années 80 où cette union pouvait permettre l'obtention d'un meilleur statut financier, fait désormais partie du passé. Elles préfèrent maintenant rester à Shanghai, et elles exercent souvent elles-mêmes une profession qui leur fournit leurs besoins matériels. Li Yu, 31 ans, est un exemple parmi d'autres. Dotée d'un haut diplôme en finances, après avoir travaillé en Europe, elle est revenue sur Shanghai pour y vivre avec son époux, un Anglais. Ne cachant pas l'avantage du statut d'expatrié de son époux, elle souligne néanmoins : « Le travail, essentiel, est aussi ma manière de m'épanouir. Mon époux m'apporte surtout un amour et une confiance jamais connus auparavant. » D'après une enquête menée en 2007 par le département de propagande de la Fédération des femmes de la ville sur 2507 personnes de moins de 39 ans de toutes catégories sociaux-professionnelles confondues, 62,5% des femmes recherchent l'amour en premier, avant l'aspect matériel et le mariage. Alors, pourquoi certaines se tournent-elles vers des étrangers ? Chen Ping, 27 ans, designer, vivant avec un Français au chômage après avoir eu quelques copains chinois, considère ses compatriotes « immatures en matière de sentiments. Ils ne savent pas forcément être doux et attentionnés au quotidien. » A elles encore d'accepter le regard des Chinois et des étrangers, parfois très dur.

L'hôtel qui prône l'amour

Sur un immense tableau du hall d'entrée, un jeune homme, aux ailes prêtes à s'envoler, étreint sa
bien-aimée. Le Love motel, aussi appelé « la licorne magique » (shenqi), situé au 47 de Fumin road,
vient d'être rénové à l'intérieur. Les couples peuvent demander une personnalisation de leur chambre : un style romantique, classique chinois ou plus gai. Et cela fonctionne ! L'établissement affiche complet en pleine journée. Venu du Japon, ce concept d'hôtel d'amour répond aux besoins des jeunes couples de se retrouver seuls, l'espace de quelques heures, sur un lit ovale, avec un sauna et une atmosphère calme offerte par des couloirs aux murs matelassés. Désormais, ils n'ont plus besoin de se réfugier dans les établissements ternes qui offrent déjà des tarifs à l'heure !

Anne BRETAGNE
Par notre partenaire "Comme à La Maison", le mag des francophones à Shanghai

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