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11/02/2013 à 18:35 - Liao Yiwu

Lu dans Ouest France le 03/02 2013 ...


Emprisonné quatre ans pour avoir dénoncé la tragédie de Tian'anmen, Liao Yiwu dit de cette « expérience » qu'elle fut son maître. Son récit implacable, qui lui vaut un exil sans retour à Berlin, est celui d'un esprit libre.

Entretien

Liao Yiwu, 55 ans, écrivain et musicien. Ses livres, publiés à Hongkong, Taïwan, en Europe et aux États-Unis, circulent clandestinement en Chine.

Votre poème Massacre, déclamé le 4 juin 1989 au Sichuan, fut-il un acte de résistance ou de peur ?

Un acte de vie, un cri de douleur. C'était une façon simple de manifester ma fureur. Moi, je suis un anarchiste. Un poète d'avant-garde qui, après la Révolution culturelle, a vagabondé durant dix ans sur les routes en lisant Baudelaire, Rimbaud, Keats, Ginsberg et en écoutant Dylan. C'était l'ouverture, à l'époque.

La dictature a dispersé votre famille en 1966 ?

Mon père, professeur de littérature classique et considéré, pour cet unique motif, comme un réactionnaire, a subi ce que l'on appelle des luttes autocritiques. Ma mère, effrayée, a fui le village. On la soupçonnait d'être une propriétaire terrienne, donc dans la double catégorie des riches et des oppresseurs. Je me suis retrouvé seul, je n'avais pas huit ans. Et j'ai fait toutes sortes de choses, y compris des petits travaux d'ouvrier. J'ai eu faim.

Avez-vous encore cette sensation ?

Je cite souvent mes quatre « professeurs ». Le premier est la famine. Le deuxième, ce sont les « enfants au noir », ces enfants non enregistrés, sans hukou (livret de résidence et de famille). Le troisième, on peut dire que c'est un peu les « chaises musicales » car que je ne savais jamais repérer l'endroit, la case où m'installer. Le quatrième professeur, c'est le laogai (camp de rééducation), bien sûr. Un professeur terrible.

Pour vous qui viviez en artiste, la prison s'est révélée une découverte du peuple ?

Oui. C'est la réalité des intellectuels chinois. Et des autres. Ils pensent connaître la situation du peuple, ils l'ignorent.

Que saviez-vous des camps de rééducation ?

Même si on n'avait pas d'informations sur les prisons communistes, il y avait plein de romans et de films sur les geôles nationalistes. C'était cependant une vision très romanesque avec des prisonniers qui chantaient des hymnes à la liberté, de hauts murs que l'on escaladait pour s'évader. Je n'ai rien vécu de tout cela. Dès que je suis arrivé dans mon premier lieu d'incarcération, on m'a mis à nu, rasé la tête et fouillé l'anus avec deux baguettes. Toute votre dignité vous est confisquée d'un coup.

Les tortures ont-elles brisé votre humanité ?

C'est le but. C'est aussi une façon de faire un lavage de cerveau en mettant la pression sur le corps. On suscite en vous une terreur épouvantable afin de mieux vous manipuler. Regardez Tian'anmen : il est incroyable de penser qu'à ce moment-là, la presse du monde entier était sur la place en train de prendre des photos et qu'ils n'ont pas hésité à massacrer.

Comment avez-vous été publié ?

Dans l'Empire des Ténèbres a été écrit et réécrit. Rédigé sur des morceaux de papier introduits derrière les barreaux par des proches, le manuscrit a été saisi par la police quatre fois. J'ai réussi à le transmettre en Allemagne. La sécurité de l'État était en jeu, le Parti communiste est devenu comme fou. Les éditeurs ont repoussé la parution à trois reprises pour me donner le temps de m'échapper, à pied, par le Vietnam, en payant des mafias du Yunnan.

Vous êtes sévère avec Mo Yan, le Nobel de littérature 2012 ?

C'est un prix remis au Parti communiste chinois pour des raisons économiques. Mo Yan n'a jamais exprimé son opinion ou sa préoccupation concernant les violations des droits de l'Homme alors que l'on est sans nouvelles de Liu Xiaobo, Nobel de la paix 2010. Et que l'écrivain Li Bifeng a été condamné à douze ans d'enfermement, juste après le XVIIIe Congrès, en novembre. Le message du futur président Xi Jinping est clair.

Aujourd'hui, vous évoquez « la prospérité sans la liberté » ?

Quand je suis entré en prison, tout le monde parlait de démocratie et de liberté. Quand j'en suis sorti, tout le monde parlait d'argent.

Et l'avenir de la Chine ?

C'est aux Chinois de le changer, pas à ses dirigeants. L'avenir de la Chine, c'est de se disloquer, de redevenir plusieurs États, plusieurs pays. Je n'aurais pas eu besoin de partir si loin. Et (rires), surtout, je n'aurais pas dû apprendre l'allemand !



Recueilli par Pascale MONNIER.


J'avoue que le dernier paragraphe m'effraie ...
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11/02/2013 à 19:08 - Liao Yiwu
Merci Michelem de partager avec nous cet article, mais je ne crois pas au chaos comme solution pour la Chine.
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11/02/2013 à 19:57 - L'Empire des ténèbres
La fin d'un empire, fût-il communiste, ne veut pas nécessairement dire « le chaos » et ce n'est pas cela que demande Liao Yiwu.

Mais là n'est pas l'essentiel, l'essentiel est qu'on lise son livre, qu'on ouvre les yeux sur « l'empire des ténèbres » et que ceux qui aiment la Chine se préoccupent, comme lui, des Chinois que le régime veut réduire au silence : Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix 2010, Li Bifeng condamné à douze ans de prison et tant d'autres...
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11/02/2013 à 23:55 - Liao Yiwu
Entièrement d'accord avec vous, Stardust  !!! 
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12/02/2013 à 13:07 - Liao Yiwu
       Ayant regardé à la télévision, écouté à la radio, et lu dans la presse écrite plusieurs de ses interviews (avec un à priori extrêmement réservé, voire hostile, compte-tenu de certaines de ses positions) je voudrais dire deux ou trois choses à propos de Liao Yiwu.
       C'est un homme qui semble avoir une méconnaissance profonde de l'Histoire et qui se laisse entraîner parfois à dire n'importe quoi, par exemple, que la Grande Muraille fut érigée par le pouvoir impérial pour emprisonner le peuple chinois et l'empêcher de fuir et de se mêler aux peuples voisins – confusion hâtive, sans doute alimentée par un anti-communisme trop systématique, avec le mur de Berlin.
       Je ne peux partager certaines des positions qu'il affiche (il en va de même, d'ailleurs, en ce qui concerne l'idée de Liu Xiaobo, selon laquelle la Chine aurait dû – pour être éduquée démocratiquement - être colonisée par l'Occident pendant plusieurs siècles !).
       Ainsi, Liao Yiwu répète que la Chine devrait être démembrée et réduite à une mosaïque de petites entités autonomes.Certes, cette idée n'est ni abominable ni absolument stupide en soi, et dans l'abstrait. Cela me rappelle un personnage du film Catch 22, qui explique que le peuple italien a parfaitement survécu à la chute de l'empire romain, et que la tentative mussolinienne d'en restaurer la grandeur ne lui a apporté que malheur et désastre, ou ce slogan que les jeunes Allemands de Gauche scandaient lorsque, à la suite de la chute du mur de Berlin, la perspective de réunification s'accompagnait d'élans nationalistes : «Maul zu Deutschland ! (L'Allemagne, ferme ta gueule !) ».
       J'espère que ma réaction n'est pas uniquement liée à ma tradition française (assumée) jacobine et centralisatrice, opposée au fédéralisme et au séparatisme. En tout cas je ne peux qu'exprimer une totale hostilité à l'égard de ce qui me semble, compte-tenu de la réalité du monde, d'irresponsables et dangereux ferments de désastreux chaos pour la Chine et, donc, pour le monde.
       Je trouve aussi excessives les critiques qu'il formule à l'égard du prix Nobel de littérature attribué à Mo Yan, et à ce dernier. D'abord, il ne s'agit pas d'un prix Nobel de la Paix ; ensuite toute personnalité du monde littéraire, artistique ou scientifique n'est pas tenue d'éprouver, ni à fortiori de manifester une position de dissidence (ni, d'ailleurs de soutien) envers les autorités de son pays.
       Cela étant dit, son expression d'un rejet absolu de la brutalité répressive est, pour le moins, honorable.
       La fermeté de ses convictions et son courage méritent le respect.
       Liao Yiwu est un homme qui, à la suite de la diffusion de son poème «Massacre», a vécu une succession d'expériences très douloureuses : emprisonnement, torture, rupture conjugale et rejet de la plupart de ses amis.    
       La simple humanité (仁 commande de lui accorder une grande compassion.
       C'est certainement un homme doué d'un tempérament artistique profond et authentique, et un excellent écrivain.
       C'est aussi un homme sympathique, qui s'exprime sans agressivité, d'une manière plutôt douce et sereine, souvent avec humour.
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12/02/2013 à 13:10 - Liao Yiwu
P.S. : une fois de plus, ne pas tenir compte de l'émoticône, tout à fait involontaire.
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12/02/2013 à 14:14 - Liao Yiwu
Merci Michelem pour l'article de Ouest France .

Liao Yiwu a dit : "... L'avenir de la Chine, c'est de se disloquer, de redevenir plusieurs États, plusieurs pays. ...". Autrement dit, pour lui l'avenir de la Chine c'est de devenir comme l'ex-Yougoslavie, donc avec des guerres civiles, chaos économiques, etc.....
Pour vouloir dire qu'il faut démanteler la Chine, comme espérer les ennemis et les détracteurs de Chine, c'est que les forces hostiles à la Chine lui ont lavé le cerveau.

Bizarre, un écrivain chinois qui ne sait pas que dans l'Histoire de Chine, depuis Qin Shi Huangdi jusqu'à nos jours, on cherche toujours à unir le pays et non à diviser le pays.
 
PS :
On peut combattre le communisme, mais ceci n'implique pas de vouloir démanteler le pays. Le maccarthisme c'est du passé, c'est fini depuis longtemps.

Dernière édition : 12/02/2013 16h13

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12/02/2013 à 14:58 - Le PCC ou le chaos ?
La question n'est pas de savoir si les opinions politiques de Liao Yiwu ou de Liu Xiaobo sont les vôtres (ou les miennes) mais seulement de savoir si les Chinois ont le droit d'exprimer les leurs sans encourir l'emprisonnement arbitraire et les pires tortures qu'on puisse imaginer (si même on peut les imaginer !)

Si, comme le dit Lao Hu, aucune « personnalité du monde littéraire, artistique ou scientifique n'est tenue d'éprouver, ni a fortiori, de manifester une position de dissidence (ni, d'ailleurs de soutien) envers les autorités de son pays », le moins que l'on puisse demander, c'est la liberté pour Liao Yiwu ou Liu Xiaobo de dire ce qu'ils pensent. Le débat et la contradiction viendront alors tout naturellement (et j'invite tout le monde à lire les textes au lieu de se contenter des citations extraites de leur contexte par les contributeurs « zélés » de Wikipedia).

Faire le procès des victimes au lieu de condamner les bourreaux, ériger Qin Shi Huangdi en modèle pour la Chine de demain au lieu d'entendre ce que veulent les Chinois d'aujourd'hui, ressasser encore et toujours que c'est « le PCC ou le chaos », c'est une curieuse façon d'aimer la Chine....
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12/02/2013 à 16:42 - Pour une confrontation des idées sans trop d' effets rhétoriques.
       Je ne peux qu'être d'accord avec l'essentiel de ce qu'exprime laoshi, lorsqu'il défend la liberté d'expression.
       Autoriser Liao Yiwu et Liu Xiaobo à s'exprimer ne sera sans doute pas une catastrophe pour les autorités chinoises. L'excès même de certains de leurs propos me semble le garantir. Je dis, au futur, ne sera, parce que je pense que, au sein du PCC, les forces qui, avec intelligence, veulent faire évoluer les institutions vers le respect du droit et plus de liberté ne sont pas sans influence.
       Respect du droit. Cela me semble essentiel, et je note que vous parlez d'emprisonnement arbitraire, ce qui n'exclut pas que des institutions d'Etat puissent se protéger des menaces par des lois, ce que font d'ailleurs aussi les démocraties parlementaires qui édictent des lois spéciales en ce sens (Voir l'article 16 de notre propre constitution du 4 octobre 1958 par exemple). Et certes, la menace ici ne me semble pas telle qu'elle justifie des peines si lourdes (dans le cadre même du droit).
       Je ne puis également qu'approuver votre invitation à lire les textes (pour ce qui concerne Liao Liwu je me suis fondé sur ses interviews, qui ont fait l'objet de la vigilance de sa traductrice et amie de longue date, Madame Holzman).
       Wikipedia n'est pas au-dessus de tout reproche mais il appartient à chacun de rester vigilant et critique et je doute que le public serait mieux informé si Wiki disparaissait. Quant à la mention du zèle ici, surtout agrémentée de guillemets, elle me semble inutilement polémique, sauf à voir partout le complot d'Etat.
       J'incline toujours à me méfier des distributions d'étiquettes à quoi la bonne conscience occidentale est si prompte (même si, dans le cas que vous évoquez, les victimes sont clairement celles que vous désignez). J'avoue aussi me sentir plus à l'aise dans la critique de ce même Occident auquel j'appartiens que dans celle, en général plus confortable, de ceux que ses intérêts désignent comme ennemis.
       L'idée selon laquelle ce serait «le PCC ou le chaos» peut être en effet discutée, et vous avez raison de ne pas y voir une évidence. Elle n'est cependant pas dénuée de tout fondement, me semble-t-il, à la lumière de l'Histoire de la Chine.
       Permettez-moi de regretter cette tendance rhétorique à qualifier les arguments qu'on combat de «ressassés», ceux qu'on veut promouvoir n'étant, sans doute, que répétés ou rappelés.
       Pardonnez-moi enfin si je me sens, moi, bien ignorant de «ce que veulent les Chinois d'aujourd'hui», en dehors, une fois encore de ce qu'on nous montre ici, ou qu'on rencontre surtout là-bas, c'est à dire une classe moyenne urbaine – qui profite d'ailleurs largement du système – un autre nous-mêmes, l'image d' un Occident rêvé (et, pour l'essentiel, américain).
       Merci en tout cas pour ce que vous dites, qui n'est certainement dicté que par cet amour de la Chine et des Chinois que nous partageons.
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12/02/2013 à 17:35 - Liao Yiwu
Depuis Qin Shi Huangdi jusqu'à nos jours, il est seulement le 1e Empereur qui a réuni le pays, après ses successeurs ont fait mieux que lui. Mais, qui l'a " érigé en modèle pour la Chine de demain ", puisqu'on n'a pas parlé de développement économique et social, etc...

" ce que veulent les Chinois d'aujourd'hui ", c'est que leur pays devient prospère complètement.

" une curieuse façon d'aimer la Chine ", c'est de vouloir démanteler la Chine comme l'ex-Yougoslavie.

" le PCC ou le chaos ", c'est seulement votre point de vue. Car, dans un précédent post, j'avais écrit qu'on peut remplacer le Communisme par les Trois Principes du Peuple du docteur Sun Yat-sen

Dernière édition : 12/02/2013 18h30

La Chine 中国 (Zhongguó), pays de l'Asie orientale, est le sujet principal abordé sur CHINE INFORMATIONS (autrement appelé "CHINE INFOS") ; ce guide en ligne est mis à jour pour et par des passionnés depuis 2001. Cependant, les autres pays d'Asie du sud-est ne sont pas oubliés avec en outre le Japon, la Corée, l'Inde, le Vietnam, la Mongolie, la Malaisie, ou la Thailande.