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LIENS COMMERCIAUX
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Attention sujet sensible. Cette discussion peut porter atteinte aux convictions et à la sensibilité d'un certain groupe de personnes. Un esprit ouvert, mature, sage et serein est requis à sa lecture et lors d'une éventuelle intervention.
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12/02/2013 à 18:49 - Liao Yiwu
       Ckdeux, vous êtes sans doute bien proche de la vérité, en disant que les Chinois veulent que leur pays devienne prospère complètement. C'est tellement évident que je ne doute pas qu'il s'agisse d'un sentiment majoritaire, voire unanime.Quelques remarques cependant :
       Pourquoi les Chinois ne voudraient-ils pas aussi que la parole des citoyens devienne libre ? Ce n'est pas forcément contradictoire !
       D'un côté, la Chine est fragile, et ses dirigeants le savent bien. Je comprends que le PCC se garde d'un emballement qu'il ne pourrait plus contrôler, puisqu'il est, de fait, en charge de l'unité et de la sécurité du pays. Il continuera cependant, inévitablement, d'évoluer vers moins de rigidité, à moins que les tendances pro-occidentales minoritaires, voulant aller trop vite, ne permettent un retour dangereux des forces qui ramèneraient la Chine vers la situation dont elle s'est difficilement sortie à la fin des années 70, en s'appuyant sur une majorité moins éduquée, et surtout infiniment moins favorisée, que les classes moyennes urbaines.
       Le PCC est d'ailleurs plus modeste que vous, qui a pour objectif une société «de moyenne aisance».
       Les considérables progrès économiques qui ont permis à tous les Chinois de mieux vivre, et à ce pays de sortir enfin complètement d'une situation internationale humiliante, n'ont été possibles que grâce à «la réforme et l'ouverture» ce qui plaide en partie pour une plus grande efficacité du capitalisme. On peut le regretter, mais c'est ainsi.
       Toutefois, ces réformes et ces succès ont aussi été construits sur la sortie d'un état de division quasi-féodal, sous la domination des «seigneurs de la guerre» et des intérêts étrangers (occidentaux et japonais) qui demeure le grand mérite du même PCC.
       Je compte sur la sagesse et l'intelligence des dirigeants de ce pays, qu'il me semble plutôt falloir aider.Je compte aussi beaucoup sur ce pays pour apporter, sinon un modèle nouveau, du moins des solutions différentes à nos problèmes communs. Il dispose d'un formidable atout pour nous aider à ne pas demeurer dans un monde unipolaire parce que, des cinq membres du conseil de sécurité, il est le seul à ne pas avoir un passé agressif et impérialiste.
       Encore faudra-t-il qu'il ne cède pas à la tentation de l'arrogance et du nationalisme.
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12/02/2013 à 18:52 - Quelques précisions
j'édite mon message, posté alors que je n'avais pas lu votre réponse à Ckdeux, Lao Hu. Il répond point par point à votre intervention de la page prédédente.

La constitution chinoise reconnaissant explicitement les Droits de l'homme dans sa constitution depuis 2004, emprisonner un intellectuel du seul fait qu'il exprime sa pensée ne peut être défini autrement que comme "arbitraire", Lao Hu, y compris au regard de la législation de ce pays. Le maintenir, sans jugement, dans un centre de détention au-delà des délais fixés par la loi chinoise (officiellement 45 jours), ajoute l'arbitraire à l'arbitraire et pratiquer la torture dans ces centres de détention peut difficilement passer pour le respect de la personne humaine...

Wikipédia est un outil fort utile sur bien des sujets, y compris sur les dissidents chinois. En ce qui concerne Liu Xiaobo, je fais, en partie, amende honorable : le texte sur « les 300 ans de colonisation nécessaires » pour que la Chine devienne comparable à Hong Kong - que j'avais lu il y a quelque temps -, ne respectait pas le principe du contradictoire qui fait ordinairement la valeur de cette encyclopédie. Je viens de le relire, il a été modifié et intègre désormais la remarque suivante : « Le sinologue Jean-Philippe Béja replace ces propos dans leur contexte de 1988 » avec deux lignes de développement. Par contre, les textes très critiques que Liu Xiaobo a écrits sur sa fascination naïve pour les Etats Unis ne sont toujours ni indiqués ni cités. Il suffit pourtant de lire les deux ouvrages disponibles en français, La philosophie du porc et autres essais et Vivre dans la vérité pour constater qu'il est tout à fait capable de prendre ses distances avec une société qu'il n'a idéalisée que parce qu'il vivait lui-même dans un monde privé de liberté.

Personnellement, je n'ai jamais réservé mes critiques à la Chine et aux pays communistes : du plus loin que je me rappelle (depuis l'âge de 10 ans environ), je pense, comme je l'écrivais ailleurs, que chacun de nous a sa part de responsabilité dans les tragédies qui ravagent la planète. Où que l'on soit, qui que l'on soit, on peut, on doit "faire ce qui dépend de soi" pour que les bourreaux ne fassent pas leur sinistre besogne à l'abri de l'indifférence générale. Je pense qu'on a le devoir de dénoncer toutes les dictatures, de quelque idéologie qu'elles se réclament, et toutes les violations des droits de l'homme, quelles qu'en soient les victimes. C'est pourquoi j'ai pris la peine de troubler la quiétude de ce forum en y parlant de Liao Yiwu.

Le mot "ressasser", qui vous a choqué, ne me semble pas inutilement polémique pour désigner la propagande inlassablement répétée du PCC qui serait bien en peine de justifier autrement de sa légitimité. Pas plus que vous, je ne saurais prétendre définir la vérité sur ce que veulent les Chinois d'aujourd'hui en fonction de mes propres idéaux : j'essaie simplement de m'informer au mieux sur ce qui se dit en Chine, dans la société civile, sur la toile, dans les livres (y compris chez Mo Yan, que je lis attentivement), d'écouter ce que disent les paysans de Wukan ou les ouvriers de chez Foxconn. Avouez que si le PCC leur donnait vraiment le droit à la parole, nous saurions mieux, les uns et les autres, ce à quoi ils aspirent....

@Ckdeux,
Qin Shi Huangdi est aussi un dictateur de sinistre mémoire qui a brûlé les livres et exterminé les intellectuels de son temps....

Dernière édition : 12/02/2013 19h56

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12/02/2013 à 23:24 - Liao Yiwu
@Lao Hu

Dans un précédent post, j'avais dit : "Actuellement, pour moi, la Chine est encore un pays pauvre qui connait un début de prospérité". Ainsi, je pense que les chinois d'aujourd'hui veulent que leur pays devient prospère complètement. La Chine est passée de l'état de misère à l'état de pauvreté, la prochaine étape c'est passé à l'état de prospérité.

Vous avez dit : Pourquoi les Chinois ne voudraient-ils pas aussi que la parole des citoyens devienne libre ?
A mon humble avis, c'est la liberté de critique politique contre le régime que le gouvernement n'en veut pas, pourquoi ? Je ne sais pas.
Les autres liberté de critiques : littéraire, artistique, scientifique, sociale, médicale, etc ... la parole des citoyens devienne libre, me semble-t-il ?
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13/02/2013 à 00:34 - Liao Yiwu
       Merci, laoshi et ckdeux pour vos réponses dont je viens de prendre connaissance. J'y répondrai à mon tour, sans doute demain.
       J'espère (en le craignant toutefois un peu) que notre discussion n'aura pas fait fuir tout le monde, mais, bon, on n'est pas obligé de lire, et puis je ne crois pas que nos échanges aient nui à l'intérêt, ni à la qualité du forum.
       Aucun de nous je crois ne souhaite limiter le forum à des sujets politiques. Je compte bien d'ailleurs, après que des circonstances m'en aient un peu éloigné, me réinvestir aussi dans les autres sujets. 
      Je peux déjà exprimer brièvement mon accord, sauf en ce qui concerne une partie du dernier paragraphe (j'y reviendrai) avec les positions de principe de laoshi même si, on l'aura compris, ma position est, pour de multiples raisons, plutôt celle d'un soutien critique – mais, donc, oui, d'un soutien – à l'égard des autorités chinoises.
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13/02/2013 à 20:58 - Liao Yiwu
Ne vous inquiétez pas Lao Hu, au contraire, cela fait longtemps qu'il n'y ait une discussion d'aussi bonne qualité. Tout le monde a apporté son grain de sel tout en restant courtois.

Pour revenir à la liberté, c'est vrai que les Chinois ont beaucoup plus de libertés qu'il y a encore quelques années. Ils peuvent entreprendre, circuler et voyager plus facilement (non, ce n'est pas la peine de demander une libération totale et immédiate, quel pays serait-il prêt d'accueillir un milliard 300 million de Chinois?) Quant à la liberté de critiquer la politique du gouvernement, il ne faut pas se leurrer non plus. En France, on a théoriquement le droit de critiquer le gouvernement, mais on sait très bien qu'il n'y a pas si longtemps que cela que toute la presse et tous les medias en France pratiquaient la pensée unique et étouffait toute opinion contraire. Avec un système totalitaire comme la Chine, au moins, on sait se méfier. Tandis qu'en France, on gobait tout ce que disaient les medias comme paroles d'évangiles!

Et puis, il faut faire la différence entre un dissident qui est encore au pays avec un dissident qui s'est enfui (ou expulsé, c'est selon). Un dissident qui est encore au pays subit toujours le manque d'informations, il est en quelque sorte excusable s'il a des points de vue partiels ou des opinions erronnées. Mais un dissident qui est sorti du pays dispose de tout l'accès aux informations du 'monde libre'. Il devrait s'informer, réfléchir et se corriger. Et c'était pour cela que j'ai tenu à dire que je ne suis pas d'accord avec la proposition de disloquer la Chine. Maintenant qu'il dispose de toute sorte d'informations, Liao Yiwu doit comprendre qu'il faut qu'il évolue. S'il reste anarchiste dans ses idées et ses opinions, il ne sera d'aucune utilité constructive pour son pays.


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14/02/2013 à 09:23 - Liao Yiwu n’est pas un penseur politique
Je ne crois pas que Liao Yiwu appelle à disloquer la Chine, Stardust. Je pense qu'il ne fait que constater les contradictions qui travaillent la Chine de l'intérieur. La contestation du pouvoir de Pékin sur le Tibet ou sur le Xinjiang, la grogne montante contre le PCC à Hong Kong, par exemple, sont des faits. On peut le regretter au nom de l'unité de la Chine mais qui est responsable de ces tendances centrifuges ? La question mérite au moins d'être posée...

Liao Yiwu n'est pas un penseur politique, encore moins un militant politique. S'il est un « dissident », il l'est devenu malgré lui. Le mot « anarchiste » ne renvoie pas, sous sa plume, à un engagement partisan visant à la destruction de l'Etat, c'est un synonyme d' « individualiste ». Il l'explique très bien dans son livre, Dans l'Empire des ténèbres, entre autres, p.605.
Je ne prendrai pas le temps de citer le texte, à chacun de faire un usage actif de sa liberté.

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14/02/2013 à 23:09 - Liao Yiwu
laoshi a écrit :
Ckdeux,
Qin Shi Huangdi est aussi un dictateur de sinistre mémoire qui a brûlé les livres et exterminé les intellectuels de son temps....

Faire le procès des victimes au lieu de condamner les bourreaux, ériger Qin Shi Huangdi en modèle pour la Chine de demain au lieu d'entendre ce que veulent les Chinois d'aujourd'hui, ressasser encore et toujours que c'est « le PCC ou le chaos », c'est une curieuse façon d'aimer la Chine....

  Pour répondre à ce qu'a dit Liao Yiwu dans l'article de Ouest France : "... L'avenir de la Chine, c'est de se disloquer, de redevenir plusieurs États, plusieurs pays. ...".
Je pense que l'avenir de la Chine, c'est de s'unir. C'est une unification dans le temps, mais seulement le premier Empereur qui avait uni la Chine, c'est Qin Shi Huangdi, me semble-t-il ? Après lui, les autres Empereurs ont aussi unifié la Chine, en faisant mieux que lui, jusqu'à nos jours.
Mon post n'est pas une dissertation sur Qin Shi Huangdi. Est-il dictateur ou pas ? Qu'a-t-il fait de négatif ? Qu'a-t-il fait de positif ? Quel est le bilan de son règne, surtout en termes de développement économique et socio-culturel, puis sous l'angle de système monétaire ? Ce n'est pas les sujets de la discussion. Donc, qui a tiré la conclusion pour dire " ériger Qin Shi Huangdi en modèle pour la Chine" ? ? ?
Dire que Qin Shi Huangdi est un dictateur sur un post sur "la disloquation" ou "l'unification" de la Chine dans le temps. Désolé, je ne comprend pas ce que vous voulez démontrer et ce que vous voulez dénoncer ? ? ?
« le PCC ou le chaos », c'est seulement votre point de vue. Car, dans un précédent post, j'avais écrit qu'on peut remplacer le Communisme par les Trois Principes du Peuple du docteur Sun Yat-Sen.
" une curieuse façon d'aimer la Chine ", c'est de vouloir démanteler la Chine comme l'ex-Yougoslavie.
 
laoshi a écrit :
 La contestation du pouvoir de Pékin sur le Tibet ou sur le Xinjiang, la grogne montante contre le PCC à Hong Kong, par exemple, sont des faits. On peut le regretter au nom de l'unité de la Chine mais qui est responsable de ces tendances centrifuges ?

La réponse pour savoir le " responsable de ces tendances centrifuges " se trouve à la bibliothèque de Washington, sur le rayon des archives de la CIA. ça vous coûte seulemment 1 dollar pour consulter les archives.

Dernière édition : 14/02/2013 23h14

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15/02/2013 à 07:59 - Liao Yiwu
Ma remarque sur Qin Shi Huangdi était tout simplement destinée à rappeler qu'on ne peut pas mesurer la valeur d'une politique à l'aune exclusive de la « grandeur » du pays qu'il a édifié, Ckdeux....

Quant à ma formule lapidaire, « le PCC ou le chaos », elle ne faisait que résumer votre phrase : « Pour vouloir dire qu'il faut démanteler la Chine, comme espérer les ennemis et les détracteurs de Chine, c'est que les forces hostiles à la Chine lui ont lavé le cerveau. » Je ne crois pas avoir trahi votre pensée telle qu'elle s'exprime dans cette discussion consacrée à Liao Yiwu ; je suis désolée, je ne lis pas tous les messages que vous écrivez sur CI.

Faire d'une victime de la répression communiste un agent du « maccarthisme » (lui aussi de sinistre mémoire), c'est pour le moins paradoxal et assez peu charitable... Réduire, comme vous le faites, les « tendances centrifuges » qui travaillent la Chine aux manoeuvres de la CIA, c'est nier la réalité chinoise dans sa complexité et la capacité des Chinois à penser cette réalité.

Je ne veux en aucune manière « démanteler la Chine comme l'ex-Yougoslavie » et je répète que Liao Yiwu n'est pas un militant séparatiste. Mais le démantèlement de l'ex-Yougoslavie et le réveil des « nationalités » est aussi le résultat d'une longue glaciation de l'histoire dont je vous laisse le soin de chercher les causes profondes...

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15/02/2013 à 10:04 - Liao Yiwu
Dans l'optique de l'unification dans le temps, j'ai dit seulement que Qin Shi Huangdi est le premier à le faire, je n'ai pas analysé la valeur politique de son règne pour la « grandeur » du pays qu'il a édifié.

D'après les archives de la CIA à la bibliothèque de Washington qu'on peut consulter avec 1 dollar, on voit que la CIA est le facteur principal des « tendances centrifuges » dans le monde. Soit, ceci ne masque pas que la rèalité chinoise est complexe.

Les malheurs de Liao Yiwu viennent du régime polique et non de son pays, donc c'est le régime politique qu'il faut changer et non de se venger contre son pays pour dire que : ""... L'avenir de la Chine, c'est de se disloquer, de redevenir plusieurs États, plusieurs pays. ...".

Je ne nie pas que sous le communisme la vie est très dure, c'est pourquoi j'ai dit on peut le remplacer.

Dernière édition : 15/02/2013 20h02

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16/02/2013 à 22:42 - Quelques réponses et éclaircissements
       Cette discussion semble tout de même avoir eu un peu de succès, en sorte que si on est un peu occupé ou que, comme moi , on a quelques soucis avec son ordinateur, on prend vite un tour de retard.
      
       Quelques réponses – surtout à laoshi - et éclaircissements, tout de même, en m'efforçant de ne pas être trop long, en ce qui concerne mon soutien (critique et certainement pas inconditionnel) aux autorités chinoises, c'est à dire, de fait, au PCC.
       Ckdeux vous dites que «c'est la liberté de critique politique contre le régime que le gouvernement [chinois] ne veut pas» [mais il tolère la critique dans les autres champs].
       C'est bien là ce qui me gêne, et que je veux voir changer (et je pense que cela se fera progressivement) et aussi ce que laoshi condamne sans réserve, au nom de principes en soi moralement inattaquables.
       D' ailleurs, d'un point de vue strictement moral, celui que pose une philosophie absolutiste, je ne peux qu'adhérer à tout ce que défend laoshi. Et, sur un point en tout cas, de mon point de vue, la torture est indéfendable. J'ai d'ailleurs été très déçu et indigné d'entendre tout récemment sur France -Info Bernard Benyamin, l'un des créateurs de l'émission Envoyé spécial ( sur France 2) en justifier l'emploi. Il ne faisait cependant que suivre la ligne adoptée par les autorités américaines à la suite de l'attentat du 11 septembre pour en autoriser l'emploi.
       C'est tout à fait indigne de nos démocraties occidentales – et on voit bien que, dès lors qu'elles se sentent un tant soit peu menacées, elles font facilement fi de leurs grands principes.

       Pourquoi, dès lors que je n'en soutiens pas ces aspects, est-ce que je ne souhaite pas la destruction du régime chinois du PCC? Quelques éléments de réponse éclaireront peut-être le relativisme qui m'anime sur ces questions (1).
      
       Mes réflexions et tentatives (bien laborieuses et tout imprégnées de doutes) pour penser tout cela s'alimentent surtout à deux sources :

  • la pensée de Marx, sur laquelle, après l'avoir rejetée sans vraiment l'avoir étudiée, je n'ai sérieusement réfléchi que bien tardivement (pour l'essentiel, après l'effondrement de l'Union soviétique, lorsque tous l'ont rejetée sans examen ni réévaluation) ; je considère que certains de ses concepts demeurent pleinement pertinents et opératoires, par exemple celui de lutte des classes (on peut en constater quotidiennement les développements et les effets), et cette idée selon laquelle l'état de la technique détermine les rapports de production et le type de société qui prévalent (c'est pour cela que je pense que, avec les moyens actuels de communication et d'échanges, le PCC ne pourra pas continuer de faire progresser la société chinoise sans évoluer politiquement ce dont, je suis persuadé, ses instances dirigeantes sont parfaitement conscientes).
  • La philosophie analytique anglo-saxonne (qu'on appelle aussi pragmatisme et, également, utilitarisme). C'est le contraire d'une philosophie absolutiste (qui pose des principes absolus). Par exemple, concernant la guerre, elle ne dit pas que celle-ci est indéfendable et qu'il n'y a même pas à en discuter, parce qu'elle sait bien que c'est certes confortable moralement, mais tout à fait inopérant, que la guerre existe, et existera sans doute pour longtemps encore. Dès lors, elle dit qu'il faut aménager un Droit de la guerre (c'était l'idée à la base des Conventions de Genève sur ce sujet) qu'il faut s'efforcer de faire adopter par les Etats les plus puissants. C'est le vieux principe Pascalien : «Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on s'efforce de faire que ce qui est fort soit juste» (ce n'est pas la citation exacte mais, à très peu près, et je n'ai pas eu le temps de la rechercher). Ainsi, elle pose des règles très précises concernant, par exemple, la légitimité d'une opération militaire en fonction de la réalité des objectifs militaires et des pertes («collatérales») civiles qui s'en suivront obligatoirement et définit, donc, au-delà, ce qu'est un crime de guerre.

       Pour compléter l'explication, je dois dire que j'ai été, aux temps déjà quelque peu lointains de ma jeunesse, violemment (c'est à dire sans reculer devant des manifestations violentes et offensives) anticommuniste.
       Je le regrette aujourd'hui profondément, et cela surtout depuis l'effondrement de l'Union soviétique, qui, au lieu du «Nouvel ordre mondial» pacifique et débarrassé de la course aux armements qu'on nous avait un temps promis, et auquel j'aurais bien aimé pouvoir croire, a apporté plusieurs catastrophes grosses de plus grands dangers encore, dont la rupture des équilibres politiques et religieux, le saccage, et la disparition des états laïques du Moyen-orient (des dictatures, en effet, mais que nos Etats occidentaux ont aussi largement soutenues dès lors qu'elles réprimaient les forces sociales et politiques progressistes, ou qu'elles menaient des guerres atroces contre ceux qui menaçaient nos intérêts, ainsi, de 1980 à 1988, le gentil Saddam Hussein contre le méchant Khomeini).
       Si je remonte plus loin, au temps de mon enfance, dans les années cinquante, j'ai été, comme bien d'autres, nourri des comics militaristes américains, du Reader's Digest, du journal Tintin et de Spirou (je dois cependant à ce dernier mes premières connaissances historiques), à quoi s'ajoutait tout ce que déversait la presse et la radio en ces temps de guerre froide. Je sais donc particulièrement bien que la propagande, pas toujours honnête, n'est pas l'apanage exclusif des dictatures. Ainsi, plus récemment, par exemple, de la propagande française visant à faire passer le seigneur de guerre, chef de clan féodal islamiste Massoud pour un défenseur des valeurs laïques et démocratiques. Ce dernier, il est vrai, était infiniment plus présentable que les Hekmatyar et autres Ben Laden un temps alliés des Etats-Unis et, à ce titre, soutenus, financés et armés par ce pays.
       La prise du pouvoir par les communistes minoritaires (je rejette, sur ces questions, le léninisme) de Najibullah dans l'Afghanistan tribal et obscurantiste fut une erreur politique, et le soutien militaire apporté par l'URSS à cette occasion (mais les considérations géostratégiques sont évidemment rarement rejetées), une plus grande encore. Le soutien des Etats-Unis aux forces opposées (pour des considérations du même ordre) me paraît avoir été tout aussi néfaste, et fut largement responsable de l'instauration ultérieure du pouvoir taleban.
       De même, les guerres qui ont détruit l'Irak, même si on faisait abstraction des massacres qu'elles ont engendré, ont été catastrophiques et motivées par l'intérêt économique et géostratégique. Celle de 1991 s'appuyait certes sur le droit international, suite au coup de force irakien au Koweit mais dans cette affaire, si je n'adhère pas à la thèse du complot américain machiavélique, je dirai que les signaux envoyés à l'Irak auparavant furent, pour le moins, peu clairs. Au passage, les pures calomnies employées pour justifier les massacres (cette accusation, fabriquée de toutes pièces, selon laquelle les militaires irakiens avaient délibérément tué des bébés en les jetant hors de leurs couveuses) déshonore, jusqu'à la fin des temps, les Bush et les Al Shaba qui les ont perpétrées. C'est digne de Goebbels, ou du mensonge stalinien qui fit croire que son crime (du massacre des officiers polonais à Katyn) était l'oeuvre de ses ennemis.
       En 2003, la seconde guerre contre l'Irak (je serai, pour cela, toujours reconnaissant au président Chirac de n'y avoir pas engagé notre pays) n'eut aucune justification. Cette histoire d' armes de destruction massive était, on le sait parfaitement aujourd'hui, un pur mensonge. Faut-il le rappeler, un seul pays possède plus d'armes de destruction massive que tous les autres réunis, et ce pays demeure, à ce jour, le seul à avoir utilisé l'arme nucléaire (à Hiroshima et Nagasaki) contre des populations essentiellement civiles, aux fins de les terroriser et de menacer de cette puissance leur futur ennemi potentiel (l'URSS de Staline).
       Je dois ajouter, sur une question voisine, que, si le crime nazi (allemand et autrichien, mais aussi polonais, ukrainien, balte, français ...) qu'a été le massacre, rationnellement conçu, planifié et exécuté, des Juifs d'Europe constitue la plus grande horreur du vingtième siècle, les démocraties parlementaires ne furent pas exemptes de la perpétration de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, en particulier ces abominations injustifiables que furent les bombardements incendiaires de masse des villes de Hambourg, Dresde et, surtout, (9-10 mars 1945) Tokyo.
       En dépit de cela, je ne souhaite pas le démantèlement des Etats-Unis d'Amérique ou leur éclatement en cinquante états. Ils sont nécessaires à l'équilibre de ce monde et ont un rôle, que je voudrais plus positif (comme je voudrais les autorités chinoises plus respectueuses de leur propre droit écrit, et plus souples dans leur législation).
       Mais je suis très inquiet lorsque j'entends ces mêmes Etats-Unis, par la voix de leur président, annoncer qu'ils vont «se réinvestir dans la zone Asie-Pacifique», inciter aux dépenses militaires l'Australie et les Philippines, et aller jusqu'à soutenir la droite militariste japonaise qui veut réarmer. Sans parler de la modification, assez récente, de la doctrine militaire américaine en matière d'emploi de l'arme nucléaire : avant, ils avaient accepté le principe de ne l'utiliser que contre des pays qui en disposent eux-mêmes, et jamais en premier ; aujourd'hui ils ont fait passer dans leur législation la possibilité de procéder à des frappes nucléaires préventives contre n'importe quel ennemi !
      
Voilà aussi une raison, pour moi, de soutenir, sans justifier certaines de leurs pratiques internes, les autorités chinoises qui ont toutes les raisons de se sentir menacées.
       Voilà pourquoi je ne défendrai pas non plus inconditionnellement nos démocraties parlementaires, pour que nous ne nous inscrivions pas dans un schéma du type Forces du Bien («nous») contre Axe du Mal (les autres qui ne nous aiment pas), qui n'est que pure propagande, et souhaite donc porter, sans cesse, toutes ces critiques de «notre» propre camp.
     Ce qui me gêne (plutôt que ça ne me choque d'ailleurs), dans l'utilisation, réitérée dans le dernier paragraphe de son message du 12 février par laoshi du terme «ressasser» c'est cette trituration du langage qui fait que, par exemple, j'ai pu voir sur l'une de nos grandes chaînes de télévision un petit film chinois expliquant la nécessité de la politique démographique et, donc, de la limitation des naissances évidemment qualifié de «propagande». Pourquoi donc ceux qui, ici, parfaitement comparables, expliquent la nécessité des politiques de prévention routière, ou de la vaccination antigrippale sont-ils, eux, appelés «campagnes de sensibilisation»?
       Et ma formation de linguiste, et ma réception de cette idée confucianiste de la rectitude des noms (正名 me préviennent contre les manipulations du langage et l'utilisation excessive de certains effets rhétoriques faciles.
       Ces manipulations du langage, le Troisième Reich en fut le champion, les pouvoirs communistes, d'ailleurs, y ont aussi eu et y ont largement recours.       
       Nos démocraties parlementaires ne se déshonoreraient pas en s'en abstenant, et les défenseurs des libertés dont vous êtes ne doivent pas s'y laisser aller. Cela n'ajoute rien à leur position, si forte et juste.
       Cela étant, ce n'est pas un drame, et cela peut aussi m'arriver, même si je m'efforce toujours à l'honnêteté (concept pour moi essentiel, surtout pour les professionnels de l'information, alors que l'idée d'objectivité, inutile, me semble impossible à définir et à pratiquer : c'est la diversité – et donc la liberté d'expression que je crois essentielle à une démocratie véritable, avec cette idée voltairienne selon laquelle je déteste ce que vous dites mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire – la citation, ici encore n'est sans doute pas exacte mais peu s'en faut.)
 
       Deux ou trois dernières remarques sur ces sujets sensibles mais si importants :
       Même si certaines données culturelles ou historiques, dans certains pays ont pu, peuvent peut-être, affaiblir la résistance aux tentations de la violence, celle-ci, comme l'oppression, n'est l'apanage d'aucun peuple. Ni les Américains, ni les Allemands, ni les Japonais, ni les Britanniques, les Français ou les Serbes n'y sont par nature enclins.
       Ce sont les situations de puissance, locales ou globales, et les intérêts qu'elles servent qui les génèrent. J'insiste sur cette évidence parce que, même si je pense comme ckdeux que les USA sont très souvent instrumentaux dans les crises internes de certains autres pays (particulièrement dans les régions d'importance stratégique), et qu'ils ne se privent pas de financer et d'instrumentaliser des mouvements d'opposition, leur disparition ne réglerait pas les problèmes du monde.

       Bon, cela va peut-être suffire pour m'expliquer aujourd'hui.
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  • Le relativisme dont je parle est aussi historique. Il rend pour moi difficile, à partir de notre époque, la condamnation sans partage de personnages comme Qin Shihuangdi.
  • Sur la question des Droits de l'homme à la défense desquels j'approuve que vous appeliez, j'ai aussi une position relativiste : nos Droits de l'homme ne reconnaissent ni le droit à vivre de son travail, ni le droit au logement mais, en revanche, font du droit de propriété un fondement essentiel de la démocratie. Je n'y souscris pas, au-delà du droit de posséder le logement qu'on habite, ou celui, pour un artisan, de posséder son matériel (camion et outils, etc.), même si je ne suis pas opposé par principe à la propriété privée des moyens de production qui a prouvé son efficacité - mais il peut y avoir des conflits de droits entre individus et collectivité, que, pour moi, la loi a vocation à arbitrer au-delà et au-dessus du droit de propriété.


La Chine 中国 (Zhongguó), pays de l'Asie orientale, est le sujet principal abordé sur CHINE INFORMATIONS (autrement appelé "CHINE INFOS") ; ce guide en ligne est mis à jour pour et par des passionnés depuis 2001. Cependant, les autres pays d'Asie du sud-est ne sont pas oubliés avec en outre le Japon, la Corée, l'Inde, le Vietnam, la Mongolie, la Malaisie, ou la Thailande.